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ces, l'activité de Charlemagne : c'étoit en effet le Héros que le jeunc Monarque fe propofoit pour modéle. Il parloit de fes Conquêtes avec un plaifir animé, & rappelloit avec douleur, les triftes époques, où la Monarchie Françoife avoit fouffert de fi confidérables démembremens. Hugues étoit trop profond, & tiroit des conféquences trop juftes de tout ce qu'il apprenoit, pour ne pas être perfuadé que Philippe, non feulement ne perdroit aucune occafion, mais encore qu'il tâcheroit d'en faire naî tre, pour rétablir, du moins en partie, cette grandeur paffée, objet de fa jufte & noble ambition.

Le Duc de Bourgogne étoit le moins tranquile des Souverains dont les Etats touchoient à ceux de Philippe, parce qu'il étoit le plus pénétrant. Sa politique

autant que fon équité, l'engageoit à louer avec chaleur toutes les vertus de cet illuftre & redoutable voifin: il fouhaitoit fon amitié; mais comme il ne vouloit pas qu'on imputât à foibleffe toutes fes attentions, il erut devoir donner à Philippe une idée de fa piffance, pour lui faire fentir qu'il étoit un ami à ménager, & pouvoit être un ennemi dangereux. Pour parvenir à fon but il déclara dans l'hiver de l'année 1182. qu'à la fin d'Avril, il formeroit un Camp près de Dijon, où il raffembleroit la meilleure partie de fes forces; que comme c'étoit un plaifir qu'il vouloit donner aux Dames de fa Cour, il feroit l'ouverture de ce Camp par des Tournois & des Carousels,où la galanterie des Seigneurs Bourguignons ne brilleroit pas moins que leur

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valeur & leur adreffe, fi des Chevaliers étrangers, avides de gloire, vouloient entrer en Lice

avec eux.

. Les Seigneurs Bannerets reçûrent les ordres pour fe trouver, à jour marqué, dans cette belle Plaine qui conduit de Dijon à Nuits, avec leurs Compagnies d'Ordonnance, le nombre d'Archers & autres Gens de pied qu'ils devoient fournir pour leur contingent. Ces Chefs de la Nobleffe de Bourgogne connoiffoient trop la magnificence de leur Souverain › pour négliger de paroître à fes yeux avec cette Pompe guerriere & galante, fi capable de lui plaire. Rien ne fut oublié.

Dès qu'on apprit à la Cour de Philippe, la fête Militaire que Hugues préparoit, tous les jeunes Seigneurs parurent fouhai

,

ter de voir un fpectacle nouveau pour eux aux Tournois & Caroufels près: ils en parloient à tous propos au Roi, & tâchoient de lire dans fes yeux, s'il trouveroit bon qu'on lui demandât la permiffion d'aller fatisfaire une curiofité, qu'un defir de gloire fembloit juftifier. Philippe, fans fe découvrir, laiffa languir quelques jours cette grande Nobleffe, avide de se fignaler; mais enfin il déclara que pour faire honneur à fon voifin & allié, il choifiroit des perfonnes de fa Cour, capables de foutenir avec éclat la grandeur de la nation Françoife. Quelques jours après, Philippe fit tomber fon choix fur Roger, Comte de Rethel; (4) fur Raoul, Sire de Couci; fur Guillaume, Comte

(a) Il étoit de la Maifon de Champagne.

des Barres; (a) & fur Alberic, Seigneur du Mez. (b) Il fouhaita que les deux premiers, chargez fans doute d'instructions fecretes, partiffent plutôt que les deux autres, & qu'ils fe rendiffent à la Cour de Hugues, quinze jours avant l'ouverture du Camp. Ces quatre Seigneurs convinrent des Equipages qu'ils devoient avoir. Tout fut préparé avec autant de foin que de fecret; & les gens qui conduifoient ces Equipages, eurent ordre de fe rendre dans des Villages fur les Frontieres de Bourgogne, pour être à portée d'arriver au Camp, le jour qui leur

(a) C'est le même que l'Hiftoire appelle Comte de Rochefort, & qui étoit Grand Sénéchal du Roi.

(b) Il étoit Maréchal de France, dignité alors unique, & fils de Clément, Maréchal de France, Gouverneur du Roi, & fon Miniftre.

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