Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pere me dit, que le bon Rofoi, quoique très-prévenu en ma faveur, ne vouloit rien preffer. Il craint, ajouta-t'il, que la foumiffion de fa fille ne lui voile fes véritables fentimens; il veut fe donner le tems de les développer à fonds: mais, mon fils, vous avez la permiffion de donner tous vos foins à Mademoiselle de Rofoi, & nous retournerons dans peu de jours chez fon pere; car je vois bien que le féjour de Rethel va vous paroître infupportable.

Nous ne reftâmes que huit jours à Rethel; mais que ce peu de tems me parut long! que j'en partis avec plaifir! La vûë de Mademoiselle de Rofoi me caufa cette tendre émotion, que l'amour feul fait fentir. Je la voiois tous les jours, & à tous les momens : nos peres nous laiffoient une honnête liberté. Alix ne me fuïoit Tome I. D

point: lorfque je lui difois des chofes où ma tendreffe fe laiffoit entrevoir d'une maniere refpeaueufe, elle baiffoit les yeux, & ne me répondoit rien. Comme ma paffion augmentoit à chaque inftant, elle s'allarmoit d'une pudeur, qui me déroboit la connoiffance des vrais fentimens du cœur d'Alix. Je tremblois qu'elle ne fût infenfible à ma tendreffe: quelquefois auffi, je regardois cette pudeur,comme l'effet d'une paffion naiffante, qu'elle n'ofoit encore s'avouer à elle-même.

Un jour que nous étions feuls, je lui dis: La permiffion que vous avez, Mademoifelle, de ne me point haïr, ne vous donne-t'elle pas celle de me laiffervoir,fi je fuis affez heureux pour que votre cœur ne murmure point contre la volonté d'un pere? Voïant qu'elle rougiffoit, que fon embarras étoit

extrême, que même elle cherchoit à m'échapper, j'ajoutai d'un ton plus animé: Hé! quoi, Mademoiselle, vous n'ofez répondre? Vous pouvez rompre ce cruel filence fans crime; & vous le gardez fans pitié! Ah! vous craignez, fans doute, de m'apprendre que je fuis le plus malheureux de tous les hommes. Vous craignez, par cet aveu, de montrer de la défobéïffance à un pere: hé bien! Mademoiselle, je vais lui dire que vous me haïffez, & qu'il nous rendroit infortunez, en nous uniffant. Arrêtez, me dit Alix ; n'allez pas abuser mon pere, & m'attirer un reffentiment que je ne mérite pas. Ces paroles, prononcées avec émotion, me cauferent un transport fi vif, que je me jettai aux pieds d'Alix, dont je pris une main que j'ofai baiser. Dans cet

[ocr errors]

inftant, Madame de Rofoi entra ; elle parut furprise & offenfée de me trouver aux genoux de fa fille; elle nous regarda d'un œil févere. Alix, dont le défordre avoit encore augmenté à la vûë de sa mere, fut à elle, & en se jettant à fes pieds, elle lui dit toute tremblante: Aurois-je fait un crime, de laiffer voir au Comte de Rethel que j'obéirai, fans répugnance, à vos ordres & à ceux de mon pere? Madame de Rofoi, avec un air froid, dit à fa fille : Je crois qu'il auroit fuffi d'inftruire de vos fentimens, ceux qui vous ont permis de ne pas les combattre : la modeftie ne vous le défendoit pas; mais elle devoit vous faire défapprouver l'action trop paffionnée de Monfieur,qui manque, par cette licence, au refpect qu'il vous doit. Elle fortit, fans me donner le tems de me justifier; &

Alix, toute en pleurs, la fuivit, fans ofer me regarder.

Je reftai à la place où j'étois, pénétré de joie & de trifteffe. La tendreffe d'Alix me mettoit au comble de la félicité; & la colere injufte de fa mere, me caufoit une inquiétude extrême. J'étois dans cette fituation, & dou loureuse, & pleine de charmes, quand le Seigneur de Rofoi, venant à moi les bras ouverts, me dit: Roger, vous êtes mon gendre; ma fille vous aime. Sa mere vient de me conter ce qui s'eft paffé: j'ai blâmé fa févérité, & je pardonne à Alix de vous avoir inftruit de votre bonheur ; vous en êtes digne. Madame de Rofoi, continua-t'il, veut que votre mariage fe faffe inceffamment; elle vient de m'en preffer, & c'est avec plaifir, que je lui ai promis cette fatisfaction.

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »