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noit aucun figne de vie; en cet état on le porte au Corp-de-Garde où il eft déshabillé, féché, chauffé & frotté avec l'eau-de-vie camphrée; on lui fait avaler une cuillerée de ladite eau-de-vie, ce qui lui fit éprouver des foulévements d'eftomach; enfuite il ouvrit les yeux, & peu-à-peu fa connoiffance s'eft manifestée, il témoigna même beaucoup de furprise de ce qu'il fe trouvoit dans un Corps-de-Garde. Le pouls fe faifant fentir & fe ranimant de plus en plus, on continua les frictions & on lui fit boire une feconde cuillerée d'eau-de-vie camphrée, qui acheva de le rétablir: il paffa la nuit, couché dans un bateau de foin, dont il faifoit fon domicile, & le lendemain matin, il en fortit, fuivant l'usage, pour aller par la Ville mandier fa vie.

Du Village de Cuire, près Lyon, le 11 Février 1776, à quatre, heures de relevée.

Madame PLANCHET, fon mari, & fa fille, âgée de 13 mois, dont la mere étoit nourrice, étoient dans un cabriolet fur le rivage de la Saone; le cheval les entraîne dans la Rivière, le mari faute hors du cabriolet, croyant pouvoir

retenir le cheval, il n'en put venir à bout, l'enfant tombe dans l'eau, la mere s'y jette auffi-tôt, & croyant fauver fon enfant, elle trouve la mort; l'enfant eft retiré fain & fauf; le mari veut courir au fecours de fa femme, mais des bateliers l'en empêchent à caufe de la profondeur de la Rivière dans cet endroit; ils repêchent la mere au bout d'un quart d'heure de fubmerfion; on s'adreffa à un Barbier pour la fecourir, mais il fe contenta de lui ouvrir la veine au bras, & n'ayant pû en tirer du fang, il refufa de lui ouvrir la jugulaire, il déclara affirmativement qu'elle étoit morte fans reffource; on fit cependant venir une Boîte-Entrepôt de Lyon, mais elle arriva trop tard, & tous les fecours qu'elle renferme furent employés inutilement.

Lyon, le 25 Juin 1776,

à onze

heures du matin.

Trois Tailleurs de pierre fe retirant des travaux de M.... ne voulurent pas attendre le retour du bateau qui fert à transporter les Ouvriers, de l'Isle au continent; ils crurent pouvoir fe fier à une rame qui étoit appuyée d'un côté fur

l'Isle, & de l'autre fur un bateau qui touchoit l'extrêmité de la chauffée deftinée à fermer l'ancien lit du Rhône; ils fe mirent à califourchon fur cette rame, & s'avançoient peu-à-peu par le fecours de leurs mains & de leurs cuiffes; un d'eux nommé Jean-Louis FAURE, dit la Joie, natif de Geneve, âgé de 22 ans, avoit déja paffé de cette maniere; mais perfécuté par fon camarade ( Jacques Finau, de Dijon, âgé de 19 ans), qui le fuivoit, de le débaraffer de fa vefte qu'il tenoit à la main, Jean-Louis FAURE retourna fur fes pas, prît la vefte & l'enfila dans fon bras gauche, mais ne pouvant aller à reculon, & voulant enjamber la rame pour la parcourir comme la premiere fois, il balança & tomba dans le gouffre du Rhône qui a une très-grande chûte & baucoup de rapidité; il fe foutînt cependant pendant quelque minutes avec fes deux bras à la rame, mais ne pouvant réfifter plus longtemps à l'impétuofité de l'eau, il lâcha prife & difparut fubmergé.

Le fecond, ébranlé par la chûte du premier & effrayé à la vue du gouffre qui venoit d'engloutir fon camarde tomba & difparut également. A l'égard

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du troifieme, il commençoit fa route, il fut fage, il rétrograda & fut affez heureux pour fuir le danger.

Jean-Louis Faure avoit bû plus que de raifon; il fut d'abord au fond de l'eau, puis balotté entre deux eaux l'espace d'une demi-heure, & enfin revenant fur l'eau, montrant tantôt un pied, tantôt une main, il s'accrocha un inftant à une corde qui traverse le bras du Rhône, pour guider le bateau qui fait le transport des Ouvriers, mais il difparut encore; on s'occupa à le chercher ; & pendant ce temps Jacques Finau avoit nagé, on fut affez heureux pour pouvoir le fecourir encore vivant, car il fut retiré prefque mourant; il étoit épuifé par les efforts prodigieux qu'il avoit faits pour ne fe pas noyer: une demi-heure s'étoit prefque écoulée à faire la recherche de Jean-Louis Faure, enfin il fut accroché par la ceinture de fa culotte & retiré de l'eau, il fut auffi-tôt transporté à l'Entrepôt de de l'Hôpital-Général de la Charité, où M. Grandchamp, Chirurgien principal, affifté de fes Eleves, lui adminiftra les fecours ufités, en présence de MM. les Adminiftrateurs de cet Hôpital: il étoit

fans connoiffance & ne donnoit aucun figne de vie; il fut faigné à un bras qui fournit peu de fang, ce qui détermina à faire l'ouverture d'une des jugulaires; les frictions avec l'eau-de-vie camphrée furent pratiquées avec vigueur; on lui donna des lavements de tabac; on lui fit refpirer de l'efprit volatil de Sel-Ammoniac; on lui fouffla dans les narrines de la poudre fternutatoire, & après trois quarts d'heure de fecours, du nombre defquels avoit été l'infufflation de l'air par la bouche; &, comme on fe difpofoit à faire les fumigations de tabac dans l'anus, on eut la fatisfaction de fentir un léger frémiffement à la région du cœur; alors, on lui adminiftra l'émétique qui procura par le haut une évacuation confidérable; & il proféra quelques paroles mal articulées; il fut agité pendant une demi-heure par des mou-vements convulfifs qui firent craindre pour lui. Tous les fecours furent continués avec tout le zele & les lumieres d'un Chirurgien inftruit, qui font honneur à M. Grandchamp. Il fut enfuite tranfporté dans une Infirmerie de l'Hôpital, où MM. les Administrateurs lui ont fait continuer pendant plufieurs

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