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viennent pas entr'eux de ce qui peut avoir donné lieu à cette dénomination. La chofe eft dans le fond affez inutile; mais, ce qu'il eft plus effentiel de fçavoir, c'est que cette fecte eft la plus ancienne de toutes comme on n'en fçauroit douter; elle a été la plus générale, & elle dure encore aujourd'hui, principalement en Afie, parmi ceux qu'on appelle Pharfis, Mendains, ou les Chrétiens de Saint Jean. Ceux, qui croyent que c'est à Zoroaftre qu'on doit rapporter l'origine de cette forte d'Idolâtrie, fe trompent certainement; car, foit que cet homme, fi célebte dans les écrits des Anciens, ait vécu feulement du tems de Darius, fils d'Hyftape, comme le prouvent Thomas Hyde & M. Prideaux, ou qu'il ait été beaucoup plus ancien, ainfi que paroît le démontrer M. Moyle; on ne peut pas le regarder comme l'auteur de cette fecte, beaucoup plus ancienne que lui, puifqu'elle fubfiftoit du tems d'Abraham, & que la vil le de Haran où ce Patriarche fe retira en fortant d'Ur, de Chaldée, a toujours été regardée comme la Métropole du Sabifme. Nous croirions même que ce ne fut pastant le Sabifme qui fut rétabli par Zoroaftre,que le Magifme, autre fecte trèsancienne, dont le principal dogme étoit l'adoration du feu. Celle-ci tiroit auffi fon origine de Chaldée, & regnoit principalement dans la ville d'Ur.

Cette fecte,qu'il faut bien diftinguer de celle duSabifme,quoique l'une & l'autre euffent en partie les mêmes dogmes, dure encore aujourd'hui, fi nous en croyons Thomas Hyde, parmi les Gau

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ou les Guebres, qui habitent aux extrêmités méridionales de la Perfe, près des frontières du Mogol.

Il y a des Sçavans qui croyent ly que les anciens Philofophes, fur-tout ceux de Chaldée avoient donné lieu au Sabifme. Il est vrai en effet, qu'ils raifonnoient beaucoup fur les aftres, fur leurs influences, & fur leur beauté ; peut-être même qu'ils crurent que c'étoit dés êtres éternels, & dès - là aurant de divinités, ou que du moins il y avoit des Dieux qui les habitoient, & en régloient le cours & les influences. Ils débitoient même, & cette opinion est très ancienne, que le corps de l'aftre n'étoit que fa voiture, ou une espèce d'efquif qui fervoit à porter les Dieux; mais, falloit-il tant de raifonnemens à des hommes charnels & groffiers pour les engager à adreffer leurs premiers vœux à ces corps brillans & lumineux ? Ne leur fuffifoitil pas de tourner les yeux vers le foleil, de voir comment outre la manière dont il éclaire le monde, il lui procure la chaleur & la fécondité, pour juger qu'il étoit comme le pere de la nature, qu'il la vivifioir, & que fans lui elle ne feroic qu'une étendue fans vie, fans lu

mière & fans aucune production, ainfi qu'on l'a déjà remarqué? Tous les peuples qui ont adoré le foleil, les Mexicains, les Péruviens & les autres fauvages du nouveau continent, ont-ils attendu les décifions des Philofophes pour adreffer leurs vœux & leurs prieres à cet astre lumieux?

Quoi qu'il en foit, le Sabifme doit être regardé comme la plus ancienne fecte du monde payen. Elle a commencé peu de tems après le déluge, puifqu'elle étoit connue des ancêtres d'Abraham, de Tharé, & de Sarug, & peut-être même avant eux. Elle eft celle qui a fair le plus de progrès; nous avons parlé des différens peuples qui l'avoient adoptée; & fi on en croit les plus fçavans Rabbins & les Auteurs orientaux, elle a infecté prefque le monde entier. Enfin, c'eft de toutes les fectes celle qui a duré le plus long-tems, puifqu'il y a core un grand nombre d'Idolâtres qui la fuivent.

V I.

Progrès de l'Idolatrie.

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dans les commencemens l'Idolâtrie fût un fyftême raifonné ; que la théologie fe trouvât alors chargée de cet attirail de cérémonies qu'on y ajoûta dans la fuite. Rien de plus fimple, ni en même tems de plus groffier que la religion des premiers Idolâtres. On ne faifoit guere de dépense ni pour repréfenter les Dieux, ni pour leur rendre un culte religieux. Paufanias nous apprend que les Athéniens, du tems de Cecrops, n'offroient à Jupiter célefte, que de fimples gâteaux; & comme ils les nommoient Bous, on a cru mal à propos qu'ils lui immoloient des boeufs. Les Scythes, felon Saint Clément d'Alexandrie, adoroient dans

les anciens tems un cimeterre ; les Arabes, une pierre brute & informe; & parmi les autres nations on fe contentoit d'élever un tronc d'arbre, ou quelque colomne fans ornement. On nommoit ces cippes, Zoara, parce qu'on les peloit, s'ils étoient de bois, & qu'on les lifoit un peu, s'ils étoient de pierre. Dans l'ifle d'Orcade, l'image de Diane étoit un morceau de bois non travaillé ; & au mont Cithéron, la Junon Thefpia n'étoit qu'un tronc d'arbre coupé; celle de Samos, qu'une fimple planche; ainfi des autres.

Ce qui commença à donner un grand cours à l'Idolâtrie, & qu'on doit mettre par conféquent parmi les principales caufes de fes progrès, ce fut l'in

vention des arts, fur-tout de la peinture & de la fculpture. Des ftatues bienfaites attirerent plus de refpect, & on eut moins de peine à croire que les Dieux qu'elles repréfentoient, y habitoient. Souvent même les ftatues augmentoient le nombre des Dieux, comme Saint Auguftin le remarque à l'occafion des Mufes, qui originairement n'étoient que trois; mais, ayant été repréfentées par trois fculpteurs différens, leurs ftatues parurent fi belles, qu'on les confacra toutes, & on porta ainfi jufqu'à neuf, le nombre de ces déeffes.

Du culte des aftres, que nous venons de montrer avoir été les premiers Dieux du paganifme, on paffa à celui des autres chofes matérielles,

fur-tout du ciel, des élémens, des fleuves & des montagnes; enfin au culte des hommes qu'on plaça au rang des Dieux.

Nous avons dit les raifons qui porterent les hommss à adorer leurs femblables. La reconnoiffance, l'amour d'une épouse pour un époux chéri, ou d'une mere pour fon fils bien aimé; la beauté de l'ouvrage d'un fculpteur, les belles actions, l'invention des arts néceffaires

s; tout cela fit honorer la mémoire de quelques grands hommes, & obligea à garder leurs portraits, à diftinquer leurs tombeaux qui devinrent enfin des temples publics, comme le prouvent Eufebe & faint Clément d'Alexan

drie; tels étoient les tombeaux d'Acrife, de Cécrops, d'Erichthonius, d'Ifmarus, de Cléomaque, de Cinyras, & de plufieurs autres.

Nous fçavons que l'ordre que l'on vient de mettre dans le progrès de l'Idolâtrie, ne s'accorde pas avec Sanchoniathon, qui place l'Apothéofe des hommes dans les premiers tems; mais, il y a beaucoup d'apparence qu'on ne fe porta pas d'abord à cet excès de folie, & qu'on adora les afires & les différentes parties de l'univers, avant que de rendre aucun culte à fes femblables.

Enfin, fi le progrès de l'Idolâtrie n'eft pas précisément tel que nous venons de le décrire il est du moins très-vraisemblable que la chofe arriva comme nous le difons; car enfin fi l'Auteur que nous venons de nommer, dit que Cœlus ou Uranus, qui eft un des premiers hommes dont il parle, fut mis après fa mort au rang des Dieux, il reconnoît pourtant qu'il y avoit auparavant une forte d'Idolâtrie. » Les Phéniciens, » dit-il, & les Égyptiens font » les plus anciens d'entre les » Barbares, & ceux de qui » tous les autres peuples ont » enfuite pris la coutûme dẹ » mettre au nombre des grands » Dieux tous ceux qui avoient >> inventé des chofes utiles à » la vie, & ils ont appliqué à >> cet ufage les temples qui » étoient bâtis auparavant. »

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Quoi qu'il en foit, il paroît par cet Auteur que ce fut encore dans la Phénicie & dans l'Egypte que commença cette forte d'Idolâtrie; & il y a apparence que ce fut, pour l'Egypte, peu de tems après la mort d'Ófiris & d'Ifis. Comme ils s'étoient diftingués l'un & l'autre par leurs belles actions, qu'ils avoient enseigné l'Agriculture, & appris à leur peuple plufieurs autres arts néceffaires à la vie, on crut pouvoir reconnoître les obligations immortelles qu'on leur avoit, qu'en les honorant comme des divinités. Mais, parce qu'on auroit été choqué de voir qu'on rendoit des honneurs divins à des perfonnes qui venoient de mourir, on publia apparemment que leurs ames s'étoient réunies aux aftres dont elles étoient forties auparavant pour venir animer leurs corps. On les prit dès-lors pour le foleil & la lune,- & leur culte fut confondu avec celui de ces deux aftres, comme nous l'avons déja dit.

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Cette coutume de déïfier les hommes, paffa d'Égypte chez les autres peuples, & nous voyons que les Chaldéens mirent prefque dans le même tems leur Bélus au rang des Dieux. Les Syriens, les Phéniciens, les Grecs enfin & les Romains imiterent les Égyptiens & les Chaldéens; & le ciel fe trouva bientôt peuplé de mortels déïfiés, comme le remarque Cicéron; ce qui étoit encore

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vrai dans un autre fens, puifqu'en faifant leurs apothéofes, on publioit que leurs s'étoient attachées à quelques étoiles, qu'elles choififfoient pour leur féjour. Ainfi, Andromede, Céphée, Perfée, & Caf fiopée, compoferent les conftellations qui porterent leurs noms; Hippolyte, le figne du Charretier; Efculape, les Serpens; Ganymede, le Verfeau; Phaeton, le Charriot; Caftor & Pollux, les Gemeaux; Erigone & Aftrée, la Vierge; Atergatis, ou plutôt Vénus & Cupidon, les poiffons; ainfi des autres. Cette coûtume paffa dans prefque tous les païs, & pénétra même jufqu'à la Chine où les Aftromones donnerent aux vingt-huit conftellations, qui dans leur fyflême renferment toutes les étoiles, le nom d'autant de leurs Héros, qu'ils affurent avoir été changés en altres. Il n'y eut que les Égyptiens qui donnerent aux conftellations des noms d'animaux; & c'eft ce qui fut caufe du culte que ce peuple leur rendit dans la fuite.

Tel eft le progrès de l'Idolâtrie, qui fut portée enfin aux excès que nous venons de décrire.

On n'adora d'abord, comme on l'a dit, que les aftres, le foleil & la lune; enfuite, on regarda la nature elle-même, ou le monde, comme une divinité. Les Affyriens l'adorerent fous le nom de Bélus ; les Phéniciens, fous celui de

Moloch; les Égyptiens, fous celui d'Ammon; les Arcadiens, fous celui de Pan; les Romains, fous celui de Jupiter. Et comme fi le monde avoit été trop grand pour être gouverné par une feule divinité, on en affigna chaque partie à un Dieu particulier, afin qu'il eût plus de loifir & moins de peine à la gouverner; ou pour mieux dire, on voulut adorer la nature en détail, & on fit préfider une divinité à chacune de fes parties. On adora la terre, fous le nom de Rhéa, de Teilus, d'Ops, de Cybele, de Proferpine, de Maïa, de Flore, de Faune, de Palès, & de Vertumne; le Feu, fous ceux de Vulcain & de Vefta; l'eau de la mer & des fleuves, fous ceux de l'Océan, de Neptune, de Nérée, des Néréides, des Nymphes & des Naïades; l'air & les vents, fous ceux de Jupiter & d'Eole; le foleil, fous ceux d'Apollon, de Titan, d'Oliris, &c. la Lune, fous ceux de Diane, d'lfis, &c. Bacchus fut le Dieu du vin; Cérès, la Déeffe du bled; chaque fleuve & chaque fontaine eurent leur divinité tutélaire ; l'enfer, fon pluton; la mer,Neptune & Téthys; les bois & les montagnes, leurs Nymphes & leurs Satyres.

Les Colonies de l'Égypte & de la Phenicie qui vinrent s'établir dans la Grece, y porterent leur culte religieux, & ce culte fe répandit peu à peu dans les différentes Provinces qui la

compofoient. C'étoit même une des plus grandes marques de confidération qu'une ville pûr donner à fes voifins,que d'adopter leur cuite religieux & leurs cérémonies; car, chacun avoit des Prêtres & d'autres Miniftres qui régloient les chofes divines, ajoûtoient & retranchoient au culte primitif. De tout cela il fe faifoit un mêlange confus, qui rendoit la religion des Grecs, de toutes les religions la plus monftrueufe & la plus fuperftitieufe. Lifez les voyages de Paufanias, Vous trouverez à chaque pas des Temples, des Autels, des Statues. des Dieux de différent métail, de différentes formes, & avec des noms particuliers, que le lieu, ou quelque prétendu prodige, ou quelque vou public,

leur avoient fait donner.

On affigna auffi des divinités aux affections & aux paffions; Vénus & Priape préfiderent à la génération; Morphée, au fommeil; Hébé & Horta, à la jeuneffe ; Juturne chez les Latins, & Hygiée chez les Grecs, furent les Déeffes de la fanté; & Jafo, de la maladie. On établit une Bellone

pour la guerre, une Pomone pour les jardins, des Furies pour les enfers. Toutes ces divinités eurent des Temples, des Autels & des Sacrifices; & comme les paffions ne s'oublient jamais, il n'y eut point de crime qui n'eût un Dieu patron. Les adultères reconnurent Jupiter; les Dames galantes, Vé

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