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a prétendu que l'auteur s'étoit groffierement trompé fur l'origine de l'Idolâtrie; mais, c'eft qu'il n'a pas voulu voir que celui qui a compofé ce livre, n'a jamais eu deffein de traiter dogmatiquement de l'origine du culte des faux dieux, & qu'il n'a voulu que donner en paffant quelques exemples de cette Idolâtrie, qui porta les anciens à adorer des ftatues, & a rendre à des hommes morts, les honneurs divins.

Ce n'est donc point dans les Livres faints, que nous pourrons apprendre la véritable époque de l'établiffement de l'Idolâtrie, & nous n'avons dans l'Antiquité aucun auteur qui mérite d'être fuivi fur cette matière. Voici ce qu'il en faut penfer.

fes commencemens, fouffrit de grandes altérations dans la fui te, mais il n'eft pas poffible de marquer les véritables époques des changemens qui y furent faits. On fçait feulement en général, que l'ignorance, & encore plus les paffions, y cauferent un mêlange qui corompit tout. Dès lors l'idée de Dieu s'obfcurcit; on fit entrer fes ouvrages en concurrence avec lui; & par un renverfement bien étrange, mais trop réel, au lieu que la beauté des créatures devoit élever l'homme à la connoiffance du Créateur, elle fit oublier celui qui les avoit formées, & leur attira le culte qui lui étoit dû.

Une chole bien digne de remarque, c'est que quelque altération qu'ait fouffert le culte primitif, le fond en a toujours été le même. Parcourez toutes les religions du monde, & Vous trouverez que ce font prefque par tout les mêmes miniftres des autels, le même caractère des facrifices, les mêmes obfervations légales ; en forte qu'il femble qu'on peur dire du culte en général, ce que Procope de Gaza dit des purifications en particulier, lorfqu'il compare celles qui étoient prefcrites par la loi de Moife, avec celles qui étoient pratiquées dans le Paganifme. Car, la feule différence qu'il y trouve, c'eft que les purifications judaïques étoient plus Cette religion, pure dans parfaites, & fans aucun mêlan

Dieu s'étoit trop manifefté aux Patriarches, pour qu'ils puffent le méconnoître & le laifer ignorer à leur poftérité. Ainfi, les premiers defcendans de Noé confervoient la pureté du culte, dont Dieu lui avoit lui même dicté les loix. Ce culte ne fe perpétua pas feulement dans la branche d'Abraham; il fe trouva même quelquefois dans les païs les plus adonnés à l'Idolâtrie, des hommes qui adoroient Dieu en efprit & en vérité. Melchifedech roi de Salem, Jethro beau-pere de Moïfe, & Job, ne font peut-être pas les feuls qui conferverent la connoiffance du vrai Dieu.

ge de fuperftition, pendant que celles des Payens en étoient infectées.

La dépendance où eft l'ame. de l'homme, à l'égard des fens & de l'imagination, ne lui permettant pas de voir Dieu autrement qu'en énigme, comme dit faint Paul, fait qu'on n'a pu nous le faire connoître que fous des images fenfibles; images qui étoient autant de fymboles capables de nous élever jufqu'à lui, du moins autant que le comporte l'état de l'homme, comme le portrait nous remet celui dont il eft la peinture. Ces fymboles furent multipliés dans la fuite à l'infini, & jetterent fur la religion une obfcurité impénétrable.

Les Egyptiens porterent plus loin que les autres nations cette fcience fymbolique & hieroglyphique; mais, on n'oferoit alfurer qu'ils en furent les inventeurs. Il est sûr du moins que dans toutes les religions que nous connoiffons dans les Indes orientales & occidentales, il n'y en a pas une dont la Théologie ne foit remplie de pareils fymboles. Si nous nous en rapportons à Diodore de Sicile, les Crétois, qui fe vantoient que la plupart des dieux étoient nés chez eux, fe glorifioient en même-tems d'être les premiers qui leur avoient établi un culte, des facrifices, des myítères, lefquels s'étoient répandus de chez eux, chez tous les autres peuples.

Quoi qu'il en foit, les Phi

lofophes, fur-tout les Platoniciens, tâchoient d'établir, au fujet de l'origine de l'Idolâtrie, un fyftème particulier, qui feroit très capable, s'il étoit bien prouvé, d'en diminuer l'abfurdité. Ils foutenoient que l'idée que les fages de l'Antiquité s'étoient formée de Dieu, étoit celle d'un Être fupérieur à tout ce qui existe; d'un efprit répandu dans l'univers, qui anime tout, qui eft le principe de toute génération, & qui donne la fécondité à tous les êtres; d'une flamme vive pure, & toujours active; d'une intelligence infiniment fage, dont la Providence veille fans ceffe à tout & s'étend fur tour; en un mot, d'un être auquel, a raifon de fa fupériorité, ils avoient donné des noms différens, mais qui portoient toujours le caractère de ce domaine fouverain, qui ne convient qu'au maître abfolu, & à celui de qui tout émane.

Porphyre, après Théophrafte, s'efforça même de prouver que la religion dans fes commencemens, étoit fondée fur des pratiques très-pures, & fur des idées bien différentes de

celles qui regnoient de fon tems. Il prétend que dans les commencemens on n'adoroit aucune figure fenfible, qu'on n'offroit ancun facrifice fanglant, & que les noms & les généalogies de cette foule de dieux qu'on connoiffoit de fon tems n'étoient pas même alors inventés. On rendoit, disoit-il

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Tel étoit, felon lui, le Paganisme, & la religion des fçavans; celle que l'on combattoit avec tant de succès, n'étoit que celle du peuple & des ignorans. Ainsi, cet, habile philofophe prétendoit, par un fyftême raffiné, excufer l'Idolâtrie; mais, on ne prit pas le change. On lui foutint qu'on n'avoit jamais trouvé nulle part, excepté parmi les Patriarches & chez les Juifs, une religion telle qu'il dépeignoit ; & que Idolatrie la plus groffière étoit le fyftême dominant. Il faut pour fe conduire dans la recherche de l'origine de l'Idolâtrie, des guides plus fûrs que des philofophes payens.

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Les Peres ont pris la chofe du côté de la morale, & ils ont dit avec beaucoup de raifon, que l'Idolâtrie n'est venue dans le monde , que par la corruption du cœur de l'homme. L'orgueil, l'amour de l'indépendance, le penchant aux plaifirs des fens, font les vérita bles caufes de fon établiffement, & on ne sçauroit en difconve

nir.

1 I.

En quel tems commença l'Idolâtrie?

On demande en quel tems

commença ce défordre, & par quels degrès arriva-t-il à ce comble d'horreur, qui fera toujours rougir de honte l'humanité Saint Epiphane croit que Sarug, ayeul de Tharé pere d'Abraham, en fut le premier auteur; mais, l'Ecriture infinue feulement que les ayeux de ce Patriarche étoient engagés dans le culte des idoles fans dire qu'ils en avoient été les inventeurs. Jofephe avance même que ce mal étoit alors fi général, qu'Abraham fut le premier qui ofa dire qu'il n'y avoit qu'un Dieu, & que l'univers étoit l'ouvrage de fes mains; & il y a des Peres qui n'ont pas même fait difficulté de dire que ce Patriarche luimême avoit été Idolâtre. Mais, en fuppofant qu'il ait été engagé dans cette contagion, Dieu du moins l'en retira, en le faifant fortir de la Chaldée où il

demeuroit.

Il faut donc remonter plus haut. Nemrod eft celui à qui on attribue ordinairement le premier établiffement de l'ldolâtrie; on prétend que c'est lui qui introduifit le culte du feu, qui a duré fi long-tems. La ville d'Ur étoit ainfi appellée à caufe qu'on y adoroit le feu, & c'eft ce qui a donné lieu à la fable, qui dit que le Roi qui regnoit du tems d'Abraham, l'avoit fait jetter dans le feu, parce qu'il s'oppofoit à cette fuperftition, & que Dieu l'en avoit retiré miraculeufement; fable Rabbinique,

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fondée fur ce qui eft dit dans l'Ecriture , que ce Patriarche fortit de Ur des Chaldéens. Mais, quelque idée que l'Ecriture nous donne de l'infolence de Nemrod qui fut l'auteur du deffein de la Tour de Babel, deffein qu'on peut regarder comme une espece de révolte contre le ciel, il n'eft dit nulle pare qu'il ait porté les Chaldéens à adorer des êtres fenfibles.

dire

On n'eft pas mieux fondé à que Ninus fut le premier auteur de l'idolâtrie; elle est plus ancienne que lui, puifqu'il ne vivoit que vers le tems des premiers juges, comme Ufférius le prouve fans replique, & que l'Ecriture fainte reproche long-tems auparavant à Tharé & à Nachor le culte des idoles. On peut dire feulement, pour ne pas s'éloigner du fentiment de faint Jérôme & de faint Cyrille, que ce fondateur de l'empire des Affyriens, fut un des premiers qui introduifit cette efpece d'Idolâtrie, qui eut pour objet le culte des grands hommes, ayant fait bâtir un temple à l'honneur de fon pere Bélus; mais, il y avoit une Idolâtrie bien plus ancienne, comme nous le dirons dans un moment.

I I I.

L'Egypte & la Phénicie, berceau

de l'Idolâtrie.

C'eft, fans doute, dans la famille de Cham qu'il faut chercher la véritable origine

de l'Idolâtrie. Les enfans infortunés d'un pere maudit, oublierent les premiers les fages confeils de Noé, & fuivant le penchant de leur cœur, & s'abandonnant à leurs paffions, ils chercherent des objets fentibles, pour leur offrir un culte fuperftitieux. Comme les deux fils de Cham, Chanaam & Mefraïm, s'établirent, l'un dans la Phénicie, & l'autre dans l'Egypte, c'eft dans ces deux royaumes que l'idolâtrie prit naiffance. M. l'Abbé Banier croit qu'elle commença plus tard dans les païs peuplés par les defcendans de Sem & de Japhet.

L'Egypte & la Phénicie font donc les premiers berceaux de 'dolâtrie; c'est le fentiment d'Eufebe, qui avoit fort examiné cette matière; de Lactance & de Caffian, dont le premier en rapporte l'origine à Chanaan, & le fecond à Cham fon pere; c'eft ce qu'ont pensé fur ce fujet plufieurs Rabbins, qui croyent même que le

dernier de ces deux Patriarches étoit Idolâtre avant le Déluge. Voffius dit qu'il eft hors de doute que l'Idolâtrie a commencé dans la famille de Cham, & par conféquent dans l'Egypte. Cet Auteur ajoûte que tous les Anciens en conviennent, & fans parler de Diodore de Sicile & de plufieurs autres il fuffit de citer Lucien, qui die formellement que les Egyptiens font les premiers qui ont honoré les dieux & leur ont ren

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du un culte folemnel. Hérodo

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te, a commencement de fon hiftoire, n'eft pas auffi précis là-deffus que Lucien; mais ce qu'il en dit, revient à peu près au même. Les Egyptiens, au » rapport de ce fçavant Hifto» rien, font les premiers qui » connurent les noms des douze » grands dieux, & c'est d'eux » que les Grecs les ont appris.» Ce même Auteur affure la même chofe en plufieurs autres endroits.

L'Égypte a toujours été regarde comme le centre de Pidolâtrie; c'eft l'idée que l'Écriture en donne en plufieurs endroits. Là regnoient la magie, la divination, les augures, Pinterprétation des fonges, malheureux fruits d'un culte fuperititieux. Dès le tems même de Moïse, l'Idolâtrie y étoit à son plus haut point, ce qui suppose une grande ancienneté; car, enfin, un, fyftème complet de religion ne s'établit qu'avec beaucoup de tems. Moise même ne femble avoir donné un fi grand nombre de préceptes aux Juifs, que pour les oppofer en tout aux cérémonies Égyptiennes. Ce qui regarde les facrifices, l'ufage des viandes, & la police, ne fut établi que pour les éloigner des pratiques de ce peuple Idolatre.

Voilà fans doure le païs où commença l'Idolâtrie; ́de - là elle paffa dans la Phénicie, fi même elle n'y commença pas en même tems; & de la Phénicie elle fe répandit en Orient, dans

les lieux où habitoient les defcendans de Sem, dans la Chaldée, la Mefopotamie, & les

lieux voisins, enfin dans l'occi

dent où s'étoit établie la poitérité de Japhet, c'est - à - dire, dans l'Asie mineure,dans la Grece & dans les lles. C'est le chemin qu'Eufebe & les autres anciens Peres lui font prendre; & il ne faut pas écouter les Grecs, quand ils difent que l'idolâtrie commença, ou dans l'ile de Crete fous le regne de Méliffus, ou à Athènes fous Cécrops, ou en Phrygie; puisqu'ils ne connoiffoient pas leurs véritables Antiquités, & qu'il eft für que leur religion & leurs cérémonies étoient venues d'Égypte & de Phénicie, avec les colonies qui leur arriverent de ces anciens royaumes, comme tous les Sçavans en conviennent & comme Hérodote le dit formelle

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