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Nous

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ous avons comme les Italiens, les Efpagnols & d'autres nations, un e que nous appellons très-feriné dont la prononciation eft très-difficile à ceux qui ne font habitués qu'au françois; tels font les e des mots italiens, fatezze, tormento, &c. & des mots Espagnols, hombre, llamen hazer, &c. C'eft celui que nous prononçons dans dëglëzi, fëramento, ëntrëföirë, & femblables.

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Le fon de cette efpece d'e differe plus de l'e fermé françois, que celui-ci ne differe de l'è ouvert. Pour le former il faut rétrécir beaucoup plus la capacité du palais & rapprocher davantage les dents & les levres, que pour l'é fermé ordinaire ; c'èft pour cela que nous avons appelé très-fermé cet e, que les Italiens appellent ftretto.

Nous voulions pour le diftinguer dans la prononciation, le marquer de deux accens aigus: mais cette même voyelle reçoit quelquefois un accent circonflexe; ce qui auroit produit une confusion d'accens: nous avons préféré de le diftinguer par deux points comme un ë tréma; ainfi qu'on l'a déjà vu dans les mots, dëglëzi, fëramento, &c.

On fentira mieux la différence des fons de ces deux e, l'un fermé & l'autre ftretto, par la comparaifon qu'on peut en faire dans les mots fuivans. Miralié; miroitier. Miralië; petit miroir. Rés; treffe d'oignon. Rës; rien. Pezës; les pieds. Pêzes; des pois. Iranjhé; oranger. Irânjhë; une orange, &c.

Le Languedocien n'a point d'e muet, ou féminin françois. On fait que cette forte de voyelle fe fait entendre fourdement & fi à demi, qu'elle n'a presque d'autre fon que celui de la confonne qui la précede. Ainfi on prononce la phrafe fuivante. Que faites-vous de ce petit livre? comme fi elle étoit écrite de cette façon.ci. Q fet vou dc pti livr

Cette

Cette prononciation qui eft aifée à ceux qui habitent de là la Loire, eft une de celles qui réuffit le moins aux Languedociens, par l'habitude prife d'enfance de donner à toutes les lettres un fon plein, entier & dif tin&t. C'est ce qui les jette par rapport à l'e muet fran çois, dont ils n'ont point d'idée, dans des prononciations qui lui font étrangeres & dans des équivoques qui apprêtent à rire à leurs dépens.

Le plus grand nombre donne à l'e féminin le fon de l'e masculin: d'où il arrive qu'on prononce les articles, le, de, ce, comme s'ils étoient au pluriel, les, des, ces ou que l'é fut marqué d'un accent aigu: en forte qu'on dira de quelqu'un, par ex. qu'il s'égorge; tandis qu'il ne fait que fe gorger; & qu'au lieu de dire qu'on a volé le tronc d'une Eglife, on dira tout autre chose par la feule mauvaise prononciation de l'article mais ces fortes de fautes font trop communes, pour que nos oreilles en foient bleffées; quoiqu'il en résulte des équivoques & des contrefens de toute efpece.

Il y a des Languedociens, qui fe piquant de mieux parler, croient avoir faifi la vraie prononciation de l'è muet, en lui donnant celle de la: ils diront en conféquence, lo, do, co, quo; au lieu de, le, de, ce, que; ou bien, l, d, c, q; & ils s'applaudiront de prononcer, par ex. lo pain do munition, ou faito ço quo la loi do Diu ordonne. (a)

Il eft certain que le féminin eft auffi étranger à là prononciation languedocienne, que l'é très-fermé l'eft au françois, où l'on remarquera encore, que les ha

(a) Les fautes de cette efpece & bien d'autres qui étoient trèsfréquentes il y a vingt-cinq ou trente ans, ne fubfiftent prefque plus dans certaines villes où les lettres ont fait depuis cette époque des progrès fenfibles; progrès qui fe font quelque peu répandus par imitation parmi le peuple même le moins lettré de ces villes : nous n'avons pas eru cependant devoir rayer ces fautes, ou les omettre dans cette nouvelle édition : elle pourra fervir dans bien d'autres endroits où ces progrès ont été plus retardés dans la claffe même de ceux qu'on appelle honnêtes gens, ou gens comme il faut ; qui croyant devoir par honneur parler françois, pour se diftinguer du peuple, manquent pour le faire avec fuccès de fecours nécef faires de celui fur-tout d'un livre élémentaire qui foit à leur portée tel que pourroit l'être fur bien des points le présent Dis

sionnaire.

Tome I.

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bitans de-là la Loire, en prononçant à leur façon le Languedocien mettent une ou féminin, ou ouvert par-tout où nous prononçons l'ë très-fermé : comme on peut le voir en prononçant à la françoise les mots languedociens fuivans: gollë, ëfpoumpi, fanabrégou, pëbërou, &c.

De la voyelle i.

La voyelle prend fouvent en françois un fon qui lui eft étranger. Nous lui donnons dans notre prononciation celui qui lui eft propre. En conféquence nous la faifons fonner dans, pêiro, fôirë, máirë; comme nous le dirons plus au long en parlant des diphthongues ái, êi, ôi, oûi; au lieu que dans la prononciation françoife, on lit les mots précédens comme, père, fouère, où l'i n'entre pas plus que dans les mots boire, faire, j'ai aimé, j'aimai, &c. qu'on rendroit par, bouère, fero, jé émé, &c. fi on les écrivoit comme on les prononce.

mère,

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C'est ce qui jette dans de fingulieres équivoques les habitans des Provinces françoifes dont l'organe ne fe plie qu'à peine à notre prononciation: ils diront, par ex. M. la Veffe, pour M. la Vâiffe; une Meffe, pour une mâiffo; c'eft-à-dire, mâchoire ; des feffes, pour des fâiffos, ou des terraffes en emphithéâtre, &c. Ils ne rencontrent pas mieux notre prononciation, forfque pour faire fonner l'i des mots précédens, ils en font un i tréma, & qu'ils difent, va-iffe, ma iffe, fa-iffe; ce qui défigure la fignification de ces mots, & les rend encore de trois fyllabes; au lieu de diffyllabes qu'ils font dans notre façon de prononcer, felon laquelle nous faifons fonner i en le liant avec la voyelle qui précéde; ce qui fait une vraie diphthongue, ou comme fi dans les mots françois théyere, fayance, par ex. on s'arrêtoit aux fyllabes they & fay: & telle eft la prononciation des mots italiens, poi, fui, lei, qui font de vraies diphthongues, comme dans le grec, tais emerais.

C'est pour n'avoir pas bien réfléchi, foit dit en paffant, fur l'y grec placé au milieu d'un mot, que des Grammairiens ont imaginé que cette voyelle équivaloit à deux i bien exprimés: il eft certain cependant qu'on n'en fait fonner qu'un, lequel on lie, foit avec la voyelle

qui précéde, soit avec celle qui fuit: en forte qu'on prononce ces mots-ci, fayance, théyere, moyen, doyen, &c. comme fi ces mots étoient écrits de cette façon fa-iance, thé-iere, moè-ien, doè ien, &c. où l'on voit qu'un feul i fuffit de quelque façon qu'on écrive ces

mots.

De la voyelle o.

La voyelle o fuivie d'une n, n'a point en françois le son qui lui eft propre; comme dans le latin fons, pons, &c. elle devient nazale dans, long, rond, &c.; & par le fon qu'on y donne, elle prend une nuance de la voyelle ou. Les Languedociens dont l'idiôme ne comporte pas la délicatesse de ces demi-fons, donnent à cet ou affoibli du françois le fon plein & entier de l'ou italien & prononcent en conféquence les mots fond, monftre, onde componition & femblables; comme found, mounftre, ounde, compounition, &c. ce qui eft une prononciation vicieuse.

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Des perfonnes ont été choquées de voir deux o de fuite dans notre orthographe de certains mots, tels que môourë, nôou, &c. Nous pourrions leur dire d'abord, que le Languedocien étant un langage à part ou à foi & totalement différent du françois ; il n'eft pas étonnant qu'il ait fon orthographe particuliere & différente de la françoife: on ne querelle point celle-ci, quoique bien plus extraordinaire : ce qui paroît d'ailleurs étrange, est une suite naturelle du plan que nous nous fommes fait, de peindre notre prononciation fans l'altérer ; comme on le fait en françois par l'orthographe établie.

Or il eft certain que lorfque dans une fyllabe languedocienne la voyelle u eft précédée d'une des quatre autres, nous y donnons la valeur de l'u italien; "c'està-dire, de la voyelle compofée ou ; comme dans nâou, nêou, víou, catiou, lêou, miôou, pôou, &c. & Porthographe que nous fuivons en cela eft fi bien fondée ou rend fi exactement notre prononciation; que fi au lieu de la voyelle ou nous ne mettions que l'u fimple en écrivant, nau, neu, viu, catiu, leu, miou, pou, &c. nous défigurerions ces termes, au point qu'on ne fauroit ce qu'ils fignifient, ou bien nous leur donnerions tout un autre fens.

C'est ce qu'on verra clairement dans le premier exem ple des termes déjà rapportés; favoir, môourè & nôou, dont le dernier fait au pluriel nôous; qu'on retranche de chacun de ces mots l'o qui faifoit partie de l'u italien, felon fa prononciation ou, & qu'on écrive, mourë, nou & nous; ils fignifioient d'après notre orthographe; le premier, moudre; le fecond, neuf; le troifieme fon pluriel, neufs au lieu que par le retranchement de l'o moure figuifiera, mufeau. Nou, fera notre particule negative, & nous, fera un nœud.

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Mais, dira-t-on, il fuffiroit d'avertir de la valeur de Pu dans ces fortes de cas; comme on l'a fait pour les confonnes ch, jh, gh; nous en conviendrions, s'il n'y avoit cette différence, que nous ne pouvions marquer fa valeur de ces confonnes que par un caractere particulier & arbitraire qui leur eft étranger: au lieu qu'il étoit plus fimple d'écrire tout au long l'u italien par ou; ce qui eft bien plus court & point fujet à équivoque. D'ailleurs on a beau faire avec le Lecteur des conven¬ tions qui lui font nouvelles, il les oubliera fi rien ne les Jui rappelle à mesure qu'il lit.

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S. TROISIEME

Sur les Diphthongues & les Triphthongues.. UNE diphthongue eft un affemblage de deux ou

trois voyelles qu'on prononce en une feule fyllabe & qui expriment un fon double; ce qui n'arrive pas toujours en françois où ce qui eft diphthongue pour les yeux, ne l'eft pas toujours pour l'oreille. Tel eft, par ex. le mot eau, qu'on prononce comme un o long.

Cet affemblage de voyelles ne contient jamais au-delà de deux fons en françois ni dans la plupart des langues connues de l'Europe elles ne connoiffent point les triphthongues, affez ordinaires dans le Languedocien; comme dans ces mots, miôou; un mulet. Iou; je, ou moi. Iuél; oil. Šiáou; coi, &c. qui préfentent chacun rois fons bien diftincts prononcés en un feul temps,

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