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qui ne feroient ensemble qu'un feul pied dans un Vers. Nous avons auffi des fyllabes qu'on peut appeler Tétraphthongues; puifqu'elles fonnent quatre fois en un feul temps, comme iuéi; aujourd'hui, & cadiueisso; coffe de légume, qui eft un mot triffyllabe, puifque diueis n'en fait qu'une mais les Tétraphthongues auxquelles nous ne nous arrêtons pas, parce qu'elles font très-rares ne font pas moins une vraie & unique fyllabe; puifqu'on les prononce en une feule émiffion de voix, qui fait entendre diftin&tement le fon de quatre voyelles,

On obfervera à l'égard des Triphthongues des mots précédens, miôou, iĉou, fiáou, que le dernier membre qui eft ou, ne formant qu'un fon fimple & permapant, par la feule ouverture de la bouche, n'est compzée que pour une voyelle fimple; & qu'elle n'eft compofée que pour les yeux, ou par l'orthographe.

Les Diphthongues languedociennes différent des françoifes par la combinaifon de leurs voyelles & par la maniere de les prononcer: deux carecteres tellement propres à nos Diphthongues, qu'on ne les trouve point dans celles des autres langues modernes, formées en partie des débris de la latine & en particulier dans le François,

Les combinaifons fuivantes ne fe trouvent point dans cette derniere langue; savoir, âcu, dans barâou. ôou, dans môourë. Vié, dans cuier. Ioou, dans biôou. Iâou, dans fiáou. Iêi, dans paliéiro. iou, dans síoula, & sënëpiou, &c. Nous en donnerons une lifte plus étendue à la fin du fuivant paragraphe, à côté de laquelle nous joindrons la prononciation françoise pour en montrer la différence,

La prononciation eft toujours réglée en languedocien fur la valeur propre des voyelles dont les Diphthongues & les Triphthongues font compofées : on n'y voit point comme en françois de ces orthographes fauffes & inutiles, qui donnent des peines infinies aux enfans & aux étrangers; & qui mettent bien des fois dans la néceffité d'oublier comme on écrit, pour favoir comme on doit prononcer.

Une Diphthongue françoife prend fouvent le fon d'une fimple voyelle, qui lui eft étranger: en forte que ce qui est Diphthongue pour les yeux l'eft rarement

pour l'oreille. C'est ainsi que, ea, par ex. a le fon_de Pa dans, il mangea. Ai, le fon de l'e dans faire. Ei, oi, le fon de l'e, dans Seigneur, dans foible. Ui, le fon de l'i dans, vuide & fes compofés. Eau, au, co, le fon de l'o, dans tableau, auteur, geolier, de l'eau. Eu, le fon de l'u dans, gageure, piquûre, j'ai eu, &c. Oe, le fon de l'e dans les noms propres Edipe, Enone, Eta. Il arrive de là qu'un Languedocien qui n'eft point exercé dans la pratique de ces regles, ou de leur excep tion, prononcera la plupart de ces mots de la façon fuivante, donnez-moi un verre d'e-o, la tragédie d'O-édipe, j'ai e-u.la fièvre, &c. & ne paffera pas pour un beau difeur à beaucoup près.

On remarquera en paffant, qu'il eft rare que la Dipht. eu ait en françois le fon de l'u, comme dans gageure: il est plus ordinaire qu'elle en prenne un moyen entre l'e & Pu, comme dans, feu, peu, &c. Eu devient alors une véritable voyelle compofée, qu'on prononce d'une maniere fourde & confufe, inconnue en languedocien : lorfque nous avons à la prononcer dans les mots françois, il nous eft plus naturel ou plus commode (par la raifon qu'on a vu ci-dessus, au fujet de la voyelle ●) dy donner le fon de l'u pur. Ainfi nous prononçons, auteur, peur cœur, bonheur, couleur. beurre, &c. cur, bonur, coulur bure &c.

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comme otur, pur, Mais quelquefois auffi la crainte d'une faute nous jette dans une pire, & nous difons au contraire, un teurc, une pleume, du vin peur, &c. au lieu de turc, plume pur, &c.

Ceux qui ne font habitués, tels que les Parifiens ? qu'à la prononciation françoise fuivant laquelle on change une Diphthongue en une fimple voyelle, portent cette fauffe prononciation dans notre languedocien qui n'en a que de vraies, & qu'ils défigurent d'une façon rifible, lorfqu'ils cherchent à le parler. (a)

(a) Nous leur paffons cette plaifante bigarrure du ton de leur langue avec le nôtre; parce qu'il leur eft naturel. Mais on ne pardonne point à un Languedocien, qui pour avoir été quelques mois à Paris, s'avife à fon retour de francifer, ou plutôt de baragouiner fa langue maternelle; comme s'il en avoit oublié la prononciation, ou qu'elle lui fût étrangere, ou qu'enfin il y'cût à rougie

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Les diphthongues fur lefquelles ils fe trompent le plus fouvent & qui font leur défespoir; lorsqu'ils s'efforcent de les prononcer comme nous, font celles dans lefquelles les voyelles ́a, e, o, u, sont suivies d'un i; telles que les diphthongues ái, éi, ôi, oûi, des mots, mâisso, fáisso, péiro, foirë, boûira, dans lesquelles, comme nous l'avons déjà dit, nous faisons fonner l'i comme les Italiens dans, guai, lei, poi, & les Grecs dans arneomai, arkein, koïman, où l'i retient le fon qui lui est propre, sans devenir cependant ï tréma : prononciation qu'on avoit cru anciennement conferver, ou caractériser en françois par l'orthographe, en rendant la voyelle i de ces diphthongues par un y-grec; comme on en voit des reftes dans l'orthographe des noms propres, Ceylan, Bey d'Alger, Aymar, Vayfe, Bayle, qu'on écrit encore de cette façon : ce qui est un témoignage de l'ancienne prononciation françoife de ces mots, toute pareille à la nôtre & dans laquelle l'i de ces diphthongues retient le fon qui lui eft propre.

Cette voyelle n'est au surplus regardée que comme une appendice de celle qui la précéde & dont elle fait partie: c'eft la premiere qui a le fon principal de la diphthongue; c'eft fur elle qu'on appuie, en coulant rapidement & fourdement fur l'i qui la fuit. Et c'est pour avertir d'une prononciation aujourd'hui si étrangere au françois que nous avons toujours furmonté d'un chevron la voyelle qui précède l'i des diphthongues pareilles à celles des mots précédens, mâisso, fâisso, pêi10, fôirë, boûira; dans lefquels la prononciation de l'i, quoique tranfitoire & fugitive, ne perd pas le fon qui lui eft propre. Voy. les articles, mâizo & rôi.

C'est par une fuite de ce changement arrivé dans la prononciation françoife, qu'on y prononce les mots languedociens déjà cités comme s'ils étoient écrits, meffe, felle, pere, frere, &c. fans y faire fentir le fon

d'être de fon pays, d'en parler la langue & de la

prononcer.

On feroit renté, pour remettre ces prétendus Parifiens fur le ton de leur idiôme, de les traiter comme fit Pantagruel, le jeune - Limousin, qui venoit, difoit-il, de l'alme & inclite cité de Lutece. Perfonne n'eft la dupe d'une affectation toujours déplacée ; & l'on court rifque de fe donner un ridicule en (pure perte.

font marquées; mais encore d'y élever un peu la voix, laquelle tombe tout naturellement fur la voyelle, ou la fyllabe breve qui fuit; qu'on paffe rapidement, comme on peut le voir dans la diphthongue dou du mot cagaráoulo. (a)

Il eft effentiel de ne pas perdre de vue cet accent, qui eft la clef de la prononciation & de la profodie languedocienne il y influe fi fort, qu'il femble changer la nature des fyllabes; & qu'un même mot prend deux fons différens, felon qu'il eft chargé de cet accent, ou qu'il ne l'eft pas, ou bien qu'il eft différemment. C'est ainsi que la diphthongue fou du mot sënëptou paroît tout autre par la prononciation que l'accent y donne, que celle du mot sëghiou, où cette diphthongue n'eft point accentuée.

Et par rapport à deux mots écrits de même, on va voir dans les exemples fuivans la différence que l'accent peut y mettre. Ces mots ci ne diffèrent que par-là l'un de l'autre. Bigo; mât de vaiffeau, bigo; un hoyau. Palo; une pelle, palo; un lourdaud. Caliou de la cendre-chaude, caliou; un cochon. Coûblë; un attelage, couble; une folive. Mâou; mal, maoû; un carreau de terre cuite. Mêrlë; un merle, merlê; un créneau. diffo; plainte, aiffo; ceci. Poûgnë; pondre pougne; le poing. Margo; manche d'habit, Margó; Marguerite. Nêci; imbécille, nect, néceffaire. Lengâdo; coup de langue, trait fatyrique. Lëngadô; le Languedoc, &c. où l'on remarquera que la mesure, ou quantité du premier lëngado, en particulier en particulier, eft une fyllabe longue entre deux breves; & que le dernier eft un dactyle, ou une fyllabe longue fuivie de deux breves.

L'on remarquera auffi premiérement, que l'accent circonflexe placé fur la derniere fyllabe d'une diphthongue la féparant par cela même de la voyelle précédente, elle ceffe d'être diphthongue. Ainfi la diphthongue âòu qui eft monofyllabe dans mâou; mal, devient de deux

(a) Toutes les voyelles font fujettes à être marquées de l'accent circonflexe & par conféquent l'e très fermé, qui dans ce cas réunit les deux accens; favoir, les deux points & le chevron, que nous ayons marqué de cette façon ; comme on l'a déjà vu dans, cëzës, iëou, fanabrégou, séghiou, &c.

fyllabes dans maoû; carreau. En fecond lieu, que le même accent placé fur la derniere voyelle d'un mot y produit le même effet que l'accent grave italien, dans caftità, dormi, darò, virtù, &c. & que le même accent dans les mots latins, omninò tertiò, ufquequò, & femblables; c'est-à-dire, qu'il indique d'appuyer & d'élever en même temps la voix fur ces voyelles; comme dans diffô; ceci. Margo; Marguerite. Meri; créneau, &c.

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Indépendamment de l'accent circonflexe, ou profo. dique que nous avons mis fur la premiere voyelle des diphthongues ái, éi, ôi, oúi, nous en avons marqué encore la pénultieme des mots qui en font fufceptibles; parce que c'eft cette pénultieme qui influe comme dans I'Italien fur la prononciation des fyllabes longues, ou breves. C'est du latin probablement que nous tenons cette maniere de prononcer : elle eft marquée par un accent aigu dans les livres de l'office public de l'Eglise; tels que les Miffels & les Bréviaires : ce qui est trèscommode pour ceux qui ne feroient pas familiarités avec cette partie de la profodje latine, qui fe borne à prononcer. Un Lecteur ou un Orateur choqueroient étrangement l'oreille de ceux qui y font un peu exercés, & donneroient une mauvaise idée de leur favoir ou de leur éducation, s'ils faifoient longues les fyllabes que doivent être breves & réciproquement.

Les Lecteurs des livres précédens ne fauroient fe tromper, s'ils font attentifs aux accens qui ne font placés dans ces livres, comme fur notre languedocien, que fur la pénultieme ou fur l'ante-pénultieme de certains mots; comme dans ceux-ci, fenióres audíte, príncipes, pópuli, &c. L'accent indique, comme nous l'avons déjà dit, qu'il faut appuyer & élever en même temps la voix fur les voyelles qui en font marquées, paffer rapidement, ou faire breves celles qui fuivent, & faire d'une même mefure les fyllabes d'un mot qui n'ont aucun accent. C'est le point principal pour ceux qui en public lifent, chantent, ou récitent du latin.

L'ufage de notre accent, ou fes effets fur la pénultieme d'un mot languedocien, font exactement les mêmes que celui de l'accent aigu pour le latin. Cette pénultieme eft clairement marquée dans les mots précédens, pâlo coûble, &c. On ne la diftingue pas de même au premier

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