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pour faire le plus de chemin qu'il eft poffible, soit pour virer promptement;de connoître exactement la dérive, & par confequent la vraie route qu'on a tenuë;d'eftimer la grandeur du fillage ou le chemin le Navire:ce qui eft tout ce qu'on peut exiger de l'art, pour rendre une Navigation auffi fure, auffi prompte, & en un mot auffi parfaite qu'il eft poffible. Car comme on fçait toujours le lieu d'où l'on eft parti, la connoiffance de la route ou du chemin parcouru, conduit auffi à faire connoître le lieu où le Vaiffeau fe trouve.

Mais il y a plus; au moyen d'une bonne Manœuvre, les Marins feront en état de profiter heureusement des vents, pour s'élever d'une Côte, pour doubler un Cap, pour éviter un écueil, pour fuivre un Vaiffeau, lui donner la chaffe ou l'éviter, pour prendre le deffus ou l'avantage du vent,ou fe le conferver: principalement dans un Combat Naval.

Il eft vrai qu'on a vô de très grands hommes de Mer, excelens Manoeuvriers, quoi qu'ils ne fuffent que peu ou point au fait des principes theoriques de la Manoeuvre. De ce nombre font Mrs. de Tourville, Jean-Bart, du Quefne, du Gué - Trouin, &c. La fuperiorité de leur genie, une longue habitude à pratiquer, & leur exactitude à mettre à profit tout ce que leur enfeignoit un exercice journalier, avoient en quelque forte fupléé à ce qui leur manquoit du côté de la Theorie. Mais n'eft -il pas probable, pour ne

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dire évidemment certain, qu'ils euffent porté Ï'Art de la Navigation à un plus haut degré de perfection, ou que du moins ils fuffent plutôt parvenus à ce degré d'habileté, qui les a fait admirer, s'ils euffent fçû de bonne-heure les principes de la Manœuvre ?

De tous ceux qui jufqu'ici fe font fait une fi grande réputation, il n'y en a pas un feul qui ne dût fes connoiffances à une très longue experience. Quel avantage ne fera-ce donc point, pour les Officiers de Marine, & les Pilotes, de pouvoir acquerir ces mêmes lumieres, fans qu'il leur en coute tant d'années d'exercice? Une connoiffance réflechie des Principes de la Manœuvre, leur rendra la pratique plus prompte & plus familiere. La dérive ne fera plus inconnuë, le fillage ne fera plus incertain : & cet art où l'on ne se rendoit habile qu'à force de courfes, de voyages, d'incidents, & d'obfervations réiterées, ne fera plus que l'ouvrage d'une courte pratique, lorfqu'elle fera éclairée & guidée, par la connoiffance des Regles & des Principes certains fur lefquels il est fondé.

C'est pour procurer aux Marins ces facilités, que de grands Géometres modernes ont employé leurs veilles, à perfectionner par une bonne Theorie, cette partie de la Marine fi negligée jufqu'àlors. Le Pere Pardies eft le premier qui ait entrepris d'en donner quelques notions. Elles fe trouvent à la fuite d'un traité du Mouvement Local & des Forces Mouvantes, qu'il fit imprimer en 1671.

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mais fes tentatives ne furent pas heureuses. Il est rare,même dans les fciences exactes,que ceux qui défrichent les premiers faffent autre chofe que preparer les voïes à ceux qui les fuivent. La fagacité & la netteté d'efprit,qui lui étoient fi naturelles,ne l'empêcherent point de donner dans de faux principes. Toutes les propofitions fondamentales qu'il effaya de donner, furent autant de paralogifmes.

M. le Chevalier Renaud plus habile dans la pratique de la Navigation vint ensuite, & publia un traité plus étendu de la Theorie de la Manœuvre. Mais comme il bâtit fur les mêmes fondemens que le Pere Pardies, il donna auffi dans les mêmes paralogifmes. Son traité fit cependant beaucoup de de bruit. On publia qu'il renfermoit les principes d'une nouvelle fience; & il fut imprimé en 1689. par ordre du feu Roi.

Deux ou trois ans après, le Pere Hotte fit imprimer à Lyon un autre petit Ouvrage fur cette matiere, dans un Recueil de Traités de Mathematiques; mais comme vraifemblablement il fuivit le Pere Pardies, & M. le Chevalier Renaud, il donna dans les mêmes faux principes.

La principale erreur dans laquelle M. le Chevalier Renaud étoit tombé, fut relevée par M. Huguens. Ce favant Géometre reconnut, que le principe fur lequel M. le Chevalier Renaud déterminoit les differentes viteffes d'un Vaisseau, étoit faux; ce qui faifoit tomber la plus grande partie de fa Theorie. M. le Chevalier Renaud ne fut

point détrompé par les objections de M. Huguens; il ne les regarda que comme des difficultés qui ne demandoient que des éclairciffeniens. Il répondit à M. Huguens ; celui-ci répliqua, & les écrits se multiplierent de part & d'autre.

Le point de la difficulté étoit bien délicat, puifque M. Bernoulli, l'un des plus grands Géometres de ce fiecle, prit alors parti en faveur de M. le Chevalier Renaud. Mais quelques années après on le vit fe ranger du côté de M. Huguens. Il alla même plus loin, car il trouva que M. le Chevalier Renaud étoit tombé dans une autre méprife, non moins délicate que la premiere, puisqu'elle avoit échapé à toute la fagacité de M. Huguens. Cependant elle n'étoit pas au fond d'une moindre importance; vâ qu'il s'agiffoit de la détermination de la dérive, ou de la connoiffance de la vraie route du Vaiffeau.

Cette nouvelle attaque de M. Bernoulli ne produifit pas plus d'effet fur l'efprit de M. le Chevalier Renaud, que celle de M. Huguens. Il étoit si fort prévenu en faveur de la solidité des principes qu'il avoit adoptés, qu'on ne pût même parvenir à l'en faire douter. Il s'obftina à les deffendre;mais fa mort, arrivée peu de temps après, termina cette difpute.

M. Bernoulli voyant donc que prefque toute la Theorie de M. le Chevalier Renaud, auffi-bien que celle du Pere Pardies & du Pere Hotte, tom

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boit nécessairement par les deux méprises, touchant la vitesse & la dérive d'un Vaiffeau;il publia en 1714. une nouvelle Theorie de la Manoeuvre, & que fondée fur des principes incontestables, personne avant lui n'avoit fi folidement établis. Mais autant elle eft propre à contenter les Géometres, autant elle l'eft peu à fatisfaire le commun des Marins.

C'est donc pour mettre plus à la portée de ces derniers les Principes de la Manœuvre, que je me fuis déterminé à compofer ce petit traité : où l'on verra que je me suis attaché à donner des démonstrations plus fimples & plus courtes, que ne font celles de cet illuftre Géometre ; & à en apliquer les principes, à des formes de Vaiffeaux plus aprochantes que les fiennes, de celles des Vaiffeaux ordinaires.

Un autre point très important pour la pratique de la Navigation, c'eft la conftruction des Tables que j'y ai jointes. Elles font dreffées de maniere les Officiers de Marine, & les Pilotes, pourque ront y trouver d'un coup d'œil les déterminations des viteffes, & que par leur fecours l'on fera en état de donner des folutions fimples, des plus importantes Questions ou Problemes,qui puiffent régarder la Manoeuvre

M. Bernoulli qui avoit fenti toute l'utilité de ces Tables, n'a pas manqué d'exciter à les conftruire, par l'expofition des avantages qui en réful

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