Imágenes de páginas
PDF
EPUB

parce que non-feulement il fe déclara en faveur des viteffes trouvées par Huygens, mais encore, parce qu'ayant tracé la courbe, déterminatrice des viteffes, il ajouta à ce fujet Elle décide par conféquent la controverfe en fa faveur contre la prétention de M. Renau. Jean Bernoulli ne voulut cependant pas limiter les viteffes du vent, comme l'avoit fait fon frere, d'après des réflexions très-fondées : c'eft pour cela qu'il ne put déterminer celles des Vaiffeaux avec la même exactitude. Il fit cependant attention à l'obliquité avec laquelle le vent frappe la voile, ce que fon frere avoit omis; & en examinant l'équation donnée par Huygens, pour trouver l'angle que doit former la voile avec la direction du vent, pour gagner au vent le plus qu'il eft poffible, étant donné celui qu'elle forme avec la quille, il parvient non-feulement à la même formule que Huygens, mais il le blâme d'avoir, pour ainsi dire, fait myftere du calcul. Il cherche enfuite l'angle que doit former la voile avec la quille, pour fe procurer le même avantage, celui qu'elle forme avec le vent, étant fuppofé connu; & l'ayant trouvé, il traite de la maniere. de réunir les plus avantageux de ces deux angles, qui eft un objet encore plus intéressant; car puifque pour chaque angle donné de la quille avec la voile, il y en a un de la voile avec le vent qui eft le plus avantageux, on peut chercher le cas dans lequel tous les deux feront en même-temps les plus avantageux, & donneront par conféquent la plus grande marche. Il réfout cette queftion avec la même adreffe; mais cette folution ainsi que toutes les autres, eft fondée fur la fuppofition, que la vitesse du vent eft infinie & la dérive nulle: fuppofition bien, éloignée de ce qui arrive réellement dans la pratique.

Les trois premiers Auteurs établirent leurs calculs fur l'hypothefe, que le Navire est un rectangle dont les moindres côtés représentent la poupe & la proue; mais Jean Bernoulli s'avança jufqu'à le fuppofer formé d'un rhombe, d'un rhomboïde, & même de fegments circulaires. En effet ayant remarqué que tout le calcul

[ocr errors]
[ocr errors]

dépendoit des fuppofitions rélativés aux réfiftances, & que les refiftances dépendoient de la figure de la carêne du Navire, il ne put s'empêcher d'entrer dans ces détails, & il blâma Huygens d'être convenu que la dérive affignée par le Chevalier Renau, feroit effectivement la véritable, fi les réfiftances des fluides étoient comme les fimples viteffes & non comme leurs quarrés. Il s'occupa auffi de l'examen des différentes résistances, particuliérement de celles des fegments circulaires; & il donna le nom d'axe des réfiftances à la ligne qui divife en deux parties égales les efforts des eaux dans toute la longueur du Navire, de la proue à la poupe. Ceci lui donna lieu de penfer que le mât étant pofé dans cette ligne, la force de la voile s'oppoferoit directement à celle des eaux, & qu'on obtiendroit un manege parfait. Cette idée lui parut fi importante, qu'il dit à fon fujet : Je m'étonne que ni M. Renau, ni M. Huygens, n'aient point fongé à cette question, qui paroît pourtant affez effentielle à la Théorie de la Manœuvre des Vaiffeaux. En effet, cette détermination & toutes les autres que produifit ce grand homme, auroient été, fans doute, de la plus grande utilité, fi les profondes connoiffances qu'il poffédoit en Géométrie avoient été accompagnées de quelque pratique.

Un Ouvrage auffi étendu, & auffi rigoureufement calculé que celui dont nous venons de parler, dans lequel l'Auteur, outre ce que nous avons dit, fe livra encore à l'examen de la courbure des Voiles, de leurs forces, & de l'axe où l'on peut fuppofer ces forces reunies, qu'il nomma Ligne de la Force Mouvante; un tel Ouvrage, dis-je, paroiffoit devoir mettre fin à toute difpute: cependant le Chevalier Renau ne voulut fe donner pour vaincu. Il répliqua de nouveau, s'appuyant toujours fur le principe de la décompofition des forces, & argumenta de maniere que Bernoulli, malgré fa fublime Géométrie, ne put le fatisfaire qu'en lui difant, que les loix de la décompofition des mouvements, ne font pas les mêmes, lorfqu'ils fe font dans les fluides,

pas

que lorfqu'ils fe font dans le vuide. Ces abfurdités font la fuit e néceffaire des principes erronnés qu'on avoit aveuglément adoptés; mais enfin, le Chevalier céda, plus par prudence, ou par le respect dû à l'autorité de Bernoulli, que par une conviction parfaite fur ces objets. Pendant tous ces débats, M. Parent, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, donna au Public, (année 1713,); son Ouvrage intitulé, Effais & Recherches de Mathématiques, & de Phyfique, dans lequel, ( Tom. 2, pag. 741,) on trouve cette propofition: De la fituation, route & viteffe d'une figure plane quelconque tirée dans un fluide. Les principes fur lefquels cet Auteur fonde fon calcul ne different pas de ceux de Jacques Bernoulli: mais cependant, faute d'avoir fait l'attention, convenable à d'autres principes de méchanique très-nécessaires, il n'obtint pas les mêmes résultats que ce célebre Auteur.

Avant tout ceci, (année 1697), avoit paru un Ouvrage in-folio beaucoup plus étendu, par le Pere Paul Hofte, Jéfuite, Professeur de Mathématiques dans le Séminaire Royal de Toulon, intitulé, Théorie de la Conftruction des Vaiffeaux ; cet Ouvrage eft très-connu. 'dans la Marine, parce qu'il accompagne, & fert de fuite à un autre Ouvrage du même Auteur, intitulé, l'Art des Armées Navales, qui a beaucoup de célebrité: c'eft pour cela que nous ne pouvons nous dispenser d'en dire un mot. Le P. Hofte s'efforce dans ce livre, d'établir en principe, que les résistances des fluides fur les fuperficies qu'ils choquent, ne font que comme les fim→ ples viteffes, & comme les fimples finus des angles d'incidence. Quoique ceci foit la premiere chofe que plufieurs Géometres lui reprochent, on verra cependant dans la fuite de cet Ouvrage, que les erreurs dans lesquelles cet Auteur eft tombé, tant fur les réfiftances, que fur la force du Navire pour porter la voile, les roulis, les tangages, & autres mouvements, viennent plutôt de ce qu'il ignoroit plusieurs principes effentiels de Méchanique, que de ce qu'il admettoit ce principe prétendu faux. Nous pourrions citer ici plufieurs paffages de cet Ouvrage, pour

prouver ce que nous venons de dire: mais ce feroit nous arrêter Lans utilité, ce que nous avons dit étant fuffifant, pour que le. Lecteur fçache le mérite qu'il doit lui affigner.

Après les Ouvrages dont nous venons de parler, on ne vit paroître, pendant un certain temps, que quelques productions de pure pratique. Aucun principe fondamental ne précede & dirige les regles que ces Auteurs expofent; un jugement fain & droit, mais fans culture, eft leur feul guide, pour perfectionner, ou corriger; auffi il leur arrive très- fouvent de tomber dans des erreurs plus préjudiciables que celles qu'ils veulent éviter. La fublime théorie des Bernoulli, peu, ou même point du tout, appliquable à la pratique, ne produifit que l'Ouvrage de M. Pitot, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, publié l'année 1731, intitulé, la Théorie de la Manœuvre des Vaiffeaux, réduite en Pratique. Cet Auteur rappelle les principes établis dans la théorie des Bernoulli, & d'après ces principes il donne des tables des angles que doivent former les voiles; mais outre les erreurs théoriques que contient cet Ouvrage, M. Pitot manquoit entiérement de pratique, ce qui lui fit porter des jugements purement arbitraires, fur les effets de la mer, & les opérations des marins, en leur attribuant des faits qui n'ont jamais eu lieu.

Quatre années auparavant, M. Bouguer, alors Profeffeur d'Hydrographie au Havre de Grace, avoit donné un Ouvrage intitulé, de la Mâture des Vaiffeaux, qui mérita le prix de l'Académie Royale des Sciences de Paris, année 1727. Cet Ouvrage dans lequel brillent particuliérement la Géométrie & le calcul, fe termine par des regles très-peu conformes aux vues de fon Au& qui font abfolument impraticables. Ses idées étoient de pouvoir appliquer aux Vaiffeaux des voiles beaucoup plus grandes que celles qu'ils portent actuellement, afin d'augmenter leur marche, fans qu'ils rifquent de fubir de grandes inclinaisons; mais malheureusement cet avantage ne s'obtient que dans le cas unique, Dù l'on a vent en poupe : dans tous les autres cas, encore que

[ocr errors]

l'Auteur reconnoiffe, lui-même, l'impoffibilité de faire ufage de ce qu'il propofe, il exige pourtant que les voiles s'abaiffent & s'élargiffent, de maniere qu'elles aient deux ou deux fois & demi la largeur quelles ont aujourd'hui. Par cette pratique, les voiles & les vergues feroient continuellement noyées fous l'eau, puifque cela arrive même, quelquefois, dans l'état actuel des chofes. Outre plufieurs inconvénients qui tiennent à la maniere d'affujettir & d'orienter une voilure auffi étendue, on verra dans la fuite de cet Ouvrage, qu'il feroit prefque, pour ne pas dire abfolument, impoffible, que le Vaisseau gouvernât avec un tel appareil. Cette confidération est échappée à l'Auteur, malgré l'étendue de fes connoiffances, & la fagacité qui lui étoit fi naturelle, parce que ce font des chofes que la pratique feule peut apprendre, & qu'on trouveroit très-difficilement fans elle.

Dans l'Ouvrage célebre intitulé, A Treatise of Fluxions, que publia en 1742 le fçavant Colin MacLaurin, Profeffeur de Mathématiques dans l'Université d'Edimbourg, & Membre de la Société Royale de Londres, on trouve (Tome II, §. 922) là folution 'du problême concernant les angles que doivent former les voiles avec la quille & avec le vent. Cette folution eft vraiment digne du grand homme qui l'a produite; elle eft d'accord avec celle donnée par Jean Bernoulli; mais les principes fur lefquels elle: eft fondée, font que la vîteffe du vent eft infinie à l'égard de celle 'du vaiffeau, & que la dérive eft nulle, comme l'avoit fuppofé ce dernier. Sans cela, & fans les faux principes qu'il admet sur les, réfiftances, comme on le verra par la fuite, nous aurions eu la folution rigoureufe de ce problême, qui eft tant defirée.

Tous ces Ouvrages fe réduifent cependant à un nombre limité de propofitions détachées ; il nous en manquoit la récapitulation,, la correction de celles qui étoient erronnées, & l'addition de beau- coup d'autres abfolument nouvelles. Cet Ouvrage refta pour M.. Bouguer, le même qui nous donna, dans l'année 1727, le Traité de la. Máture des Vaiffeaux. Il publia donc, en 1746, fon second Quvrages

« AnteriorContinuar »