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כן

malgré la facilité qu'elle donne pour cet effet, nous fommes encore fort inférieurs aux Anciens dans la compofition des artifices propres à la guerre. Outre le bitume, le foufre, la poix & le feu gregeois dont ils fe fervoient avec beaucoup d'art & d'intelligence, ils employoient un grand nombre d'autres matieres pour offenfer l'Ennemi. On peut en juger par ce que M. de Beaufobre rapporte fur ce fujet, d'après Philon, dans fon Commentaire fur Enée le Tacticien : « Les Badriens fe fervoient, dit-il, de petits vafes pour faire » bouillir & jetter des huiles, du fable, » & autres matieres inflammables; des facs de nates de joncs, des cuirs, du plomb, des bois inflammables, de la glue, des falamandres, du venin de vi» peres & d'afpics, du naphte de Baby» lone liquide, qui s'enflamme aifément, » & enfin des huiles inflammables. Toutes » ces matieres inflammables & liquides » étoient verfées, & même jaillies, fur l'En» nemi qui montoit à l'affaut ; & l'affiegé fe fervoit pour cela d'une machine compa»rable à celle dont nous faifons ufage dans » les incendies. Ils jettoient encore du fable » fin & brûlant de la même maniere. A l'égard des falamandres & autres fer» pens, ils les enfermoient dans des va

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»fes fragiles qu'ils jettoient fur l'Ennemi. » (a) Ces vafes fe caffoient en tombant, » & ces animaux inquiétoient l'affaillant. » Ils employoient de même les guêpes, » les abeilles, des matieres puantes, &c.

On ne rapporte point ces différentes inventions pour infinuer d'en renouveller l'ufage; l'humanité, fans doute, en a fait profcrire le plus grand nombre, ainsi que la pratique d'empoifonner les armes, que les Nations policées ont abandonnées depuis long-tems (b), Nos différentes bou

(a) Annibal fe fervit du même expédient dans un combat naval contre Eumene, Roi de Pergame. Voyez les Stratagêmes de Frontin, liv. 4; Juftin, &c.

(b) » La loi générale de la guerre, dit M. l'Abbé Des » fontaines dans ses Notes fur Virgile, eft de faire à l'En» nemi le plus de mal qu'il eft poffible; mais cette loi a >> eu les restrictions depuis que le genre humain s'eft poli. » Il y a eu une horrible inhumanité à ne pas fe contenter » de mettre un ennemi hors de combat par les bleffures » qu'il reçoit. Les Anciens étoient plus cruels que nous ; » du refte, comme le mal étoit alors réciproque, on ne » gagnoit rien à cet ufage barbare; c'eft ce qui apparemment l'a fait abolir; car les hommes ne s'abîtiennent » d'être méchans, que lorfqu'ils gagnent à être bons.

Cafimir Siemiencwicz remarque que les Allemands obligeoient anciennement ceux qui s'appliquoient à l'Artillerie, de promettre par ferment « qu'ils ne prépareroient jamais » aucuns feux d'artifice fautant, voltigeant, ni choquant

quoi ni qui que ce fût ; que de nuit ils ne tireroient point » de Canon; qu'ils ne cacheroient point de feux clandeftins » en aucuns lieux fecrets, & fur-tout qu'ils ne conftruiroiens » aucuns globes empoisonnés, ni autre forte d'invention ou >> il entreroit aucun poifon outre cela, qu'ils ne s'en fer→ viroient jamais pour la ruine & destruction des hom¬

ches-à-feu, nos mines & nos artifices fourniffent affez d'expédiens pour la deftruction des hommes. Rien, depuis la découverte de la poudre, ne peut mettre à l'abri de ces funeftes inventions. Les armes défenfives devenues trop foibles pour réfifter à la violence du canon & du fufil, ont été, pour ainsi dire, entierement abandonnées. Cependant comme la confervation des hommes eft extrêmement précieuse, on croit qu'il feroit plus à-propos de s'appliquer à trouver des moyens pour en diminuer la perte à la guerre, que de chercher à rendre les armes offenfives encore plus meurtrieres & plus dangereuses.

Si l'on veut bien refléchir fur ce sujet, on fentira aifément que les Princes mêmes ont le plus grand intérêt à faire enforte que la guerre foit moins nuifible à l'humanité; car comme leur puiffance dépend

»mes; eftimant ces actions autant injuftes qu'elles font » indignes d'un homme de cœur & d'un véritable Soldat. Il obferve que c'eft à tort que l'on donne le nom d'armes à quelque poifon que ce foit, & que fi l'ufage en eft condamnable pour tout le monde, à plus forte raifon doit-il l'être dans l'état militaire, « qui eft la vraie lice, non d'une » licence effrenée, mais bien de toute honnêteté, d'une » force inébranlable, d'une magnanimité conftante, d'une » fincere probité, & le théatre de toutes fortes de vertus. N'avons nous pas, ajoute-t-il, affez d'armes que nous pouvons employer envers nos Ennemis, fans nous fervir. encore de tant de voies défendues pour détruire nos femblables? Grand art d'Artillerie, p. 299.

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du nombre de leurs fujets, tout ce qui peut en augmenter la destruction, ne peut manquer d'affoiblir leur Etat. Or comme les nouvelles découvertes qu'on peut faire pour rendre la guerre encore plus cruelle & plus fanglante, ne peuvent être particulieres à ceux qui en font ufage les premiers, parce qu'on eft bien-tôt imité par l'Ennemi, il ne peut en réfulter qu'une plus grande perte de part & d'autre dans les combats; cette perte étant réciproque, ne change point le rapport des forces refpectives; d'où il fuit qu'on eft toujours àpeu-près dans le même état, eu égard à Î'Ennemi, & que la guerre eft feulement plus coûteufe & plus deftructive. Cette confidération fait penfer qu'il feroit digne de la bonté, de l'humanité, & même de l'avantage des Souverains, de fe refuser unanimement à toutes les nouvelles inventions dont l'objet eft de rendre nos armes offenfives encore plus funeftes & plus nuifibles, & de propofer au contraire des prix ou des récompenfes à ceux qui indiqueroient des moyens propres à diminuer la perte des Soldats, c'est-à-dire qui trouveroient le fecret de faire des armes défenfives qui puffent réfifter au fufil, & dont le poids ne chargeât point trop le Soldat.

CHAPITRE XVIII.

L

Des Ponts.

ES PONTS que l'on conftruit à l'armée pour paffer les fleuves, les rivieres, &c. étant du détail de l'Artillerie, nous donnerons ici une idée de leur construction.

Ces Ponts fe font avec des bateaux que l'on place à peu de diftance les uns des autres dans toute la largeur de la riviere ; ils font pofés parallelement à leur longueur, & couverts de planches foutenues fur des pieces de bois appellées poutrelles, qui font attachées fixement à ces bateaux.

Il y a des Ponts de bateaux de plufieurs fortes; les uns font conftruits avec des bateaux de cuivre,que l'on appelle Pontons, dans l'Artillerie, & qu'elle fait marcher avec elle, portés fur des haquets faits exprès; les autres font conftruits avec les bateaux ordinaires que l'on trouve fur les = rivieres que l'on veut paffer.

Pour conftruire un Pont de bateaux on les lie enfemble avec de bons cordages, comme le repréfentent les figures 1 & 2, Planche XXVI. On pofe en-travers de ces

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