Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que

au peuple fes forces, & le befoin le Senat avoit de lui. Son ambition & fes prétentions en augmenterent. Il devenoit de jour en jour plus fier & plus entreprenant. Čeux qui avoient acquis des richeffes, ou qui s'étoient diftinguez par leur valeur, demanderent qu'on abolit, comme un refte de la tyrannie des Decemvirs, la Loi injurieufe au peuple qui lui interdisoit toute alliance avec des familles Patriciennes. Des Tribuns toujours inquiets réveillerent l'affaire du partage des terres; d'autres publioient que puifqu'on avoit établi des Loix égales pour tous les citoyens, les dignitez devoient être communes entr'eux, & plufieurs des Chefs du peuple portoient déja leurs vûës jusques au Confulat réservé jufqu'alors au premier Ordre. Neuf des Tribuns D. H. 1. 112 propoferent en pleine affemblée qu'il fût fait une Loi nouvelle qui admît dans la fuite les Plebeïens au Confulat. Et C. Canuleius demanda en même-tems, que par un Decret du peuple on revoquât la Loi des douze Tables, qui défendoit aux Patriciens de s'allier dans des

21

Tit. Liv.

4.

familles Plebeïennes. M. Genutius & Caïus Curtius qui étoient Confuls cette année, tâchoient d'éluder ces nouvelles propofitions, fous prétexte qu'il étoit venu des avis que les Eques & les Volfques fe difpofoient à recommencer la guerre. C'étoit la reffource ordinaire du Senat que ces guerres étrangeres ; & il n'avoit la paix avec fes propres citoyens que quand on les pouvoit faire fortir de Rome, & les mener en campagne contre les ennemis de la patrie. Les deux Confuls dans cette vûë ordonnent des levées, & crient que chacun tienne fes armes prêtes. Mais Canuleïus fentit bien l'artifice. Soit "" que nouvelle de la guerre foit vraie, dit-il en adreffant la parole aux Confuls, ou que ce ne foit qu'un » faux bruit femé exprès pour avoir "un prétexte de tirer le peuple de la » Ville; je déclare comme Tribun, » que ce peuple qui tant de fois a répandu fon fang pour la défense de » la patrie, eft encore prêt de fuivre »fes Confuls & fes Generaux, si on » lui rend fa liberté, & ce droit fi na»turel de pouvoir s'unir avec vous

כל

[ocr errors]
[ocr errors]

la

[ocr errors]

3 par des alliances reciproques; fi « l'efperance des honneurs, & l'en- «‹ trée aux premieres dignitez eft ou- « verte indifferemment à tous les ci- « toyens qui ont du mérite. Mais fi «< vous perfiftez à vouloir maintenir « la Loi des Decemvirs touchant les се mariages; fi vous continuez à nous « traiter dans notre propre patrie comme des étrangers; fi on eftime « le peuple indigne de votre alliance, & fi on lui refufe la liberté d'élever « au Confulat ceux qu'il en jugera les «< plus dignes, fans le contraindre de « renfermer fon choix dans le Senat; « en un mot, fi on ne leve cette dif- « tinction de Nobles & de Plebeiens " fi odieuse dans une République, & « s'il y a dans la fuite d'autreNoblesse que celle que donnera la vertu au- " torifée par des Magiftratures com- « munes à tous les citoyens, parlez " de guerres tant qu'il vous plaira ; « rendez par vos difcours ordinaires la ligue & les forces de nos ennemis «< encore plus redoutables; ordon- " nez, fi vous voulez, qu'on ap- « porte votre Tribunal dans la place pour y faire des levées, je déclare «< que ce peuple que vous méprifez "

ce

се

כל

כל

» tant, & auquel cependant vous devez toutes vos victoires, ne s'en» rôlera plus ; que perfonne ne se pré» fentera pour prendre les armes, & » vous ne trouverez aucun Plebeien » qui veuille expofer fa vie pour des » maîtres fuperbes, qui ne font pas » fâchez de nous affocier aux perils » de la guerre, mais qui prétendent » nous exclure des récompenfes dues » à la valeur, & des fruits les plus » doux de la victoire.

Les Confuls étoient d'autant plus épouvantez de la hardieffe du Tribun, qu'ils n'ofoient convoquer l'affemblée du Senat où le peuple avoit des partifans déclarez, qui rendoient compte au Tribun de tout ce qui s'y paffoit. Ainfi ces deux Magiftrats furent réduits à tenir des confeils particuliers avec les Senateurs de leur parti. Il repréfenterent qu'il n'étoit pas poffible de fouffrir plus long-tems les entre prifes des Tribuns, & qu'il falloit ou fupprimer le Senat, ou abolir cette Magiftrature populaire, la fource des divifions continuelles entre le Senat & le Peuple. C.Claudius, oncle du Decemvir, & qui

avoit

avoit reçû de fes ancêtres, comme par-fucceffion, une haine hereditaire contre la faction du peuple, opina d'abord qu'il falloit plutôt avoir recours aux armes que de ceder au peuple la dignité du Confulat, & que fans diftinction de Particuliers ou de Magiftrats, on devoit traiter comme ennemis publics tous ceux qui entreprendroient de changer la forme du gouvernement. Mais T. Quintius plus moderé, & qui craignoit que ces difputes ne dégeneraffent dans une guerre civile, représenta, qu'il fe trouvoit parmi les Plebeïens un grand nombre d'Officiers d'un rare merite, & qui avoient acquis beaucoup de gloire à la guerre: Qu'il y avoit de la juftice à donner quelque fatisfaction à un peuple fi genereux, & qu'il étoit même de l'habileté du Senat dans cette conjoncture, de relâcher une partie de fes droits pour fauver le refte.

La plus grande partie de l'affemblée fe déclara pour fon avis. C. Claudius reprenant la parole: "Je me rends, dit-il, à la pluralité des « voix; mais puifque vous jugez à «

Tome 11.

F

« AnteriorContinuar »