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Tit Liv. Dec. 1 1. 4.

Papirius & Sempronius Confuls An de Rol'année précedente furent élevez à me 310. cette dignité, & on la leur confera tout d'une voix pour les dédommager de ce que l'année de leur Confulat n'avoit pas été complete, & qu'ils n'étoient entrez en exercice qu'après l'abdication des Tribuns militaires.

Tant que les Confuls avoient été chargez du foin de ce dénombrement, toutes leurs fonctions à cet égard avoient été renfermées à tenir un état exact des noms, des biens, de l'âge, des conditions de tous les chefs de famille : le nom & l'âge de leurs enfans, & de leurs efclaves y devoit être compris. Mais quand on eut démembré du Consulat cette partie de la Magiftrature, & qu'on en eut fait une dignité particuliere, comme les hommes ne cherchent ordinairement qu'à étendre leur autorité, les Cenfeurs s'attribuerent la réformation des moeurs. Ils pre- val. M. L noient connoiffance de la conduite 2. c. 9. de tous les citoyens; les Senateurs & les Chevaliers étoient foûmis à leur cenfure comme le fimple peuple; ils pouvoient chaffer de ces

An de Ro

me 31.

compagnies ceux qu'ilsen jugeoient indignes. A l'égard des Plebeïens qui par leur débauche ou leur pareffe étoient tombez dans l'indigence, ils les réduifoient dans une claffe inferieure, fouvent même ils les privoient du droit de fuffrage, & ils n'étoient plus réputez citoyens que parce qu'on les affujettiffoit encore à payer leur part des tributs.

Quand les Cenfeurs faifoient cette revue generale de toute la nation, il n'y avoit point de citoyen qui ne tremblât à l'afpect de leur Tribunal; le Senateur par la crainte d'être chaffé du Senat; le Chevalier dans l'appréhenfion d'être caffé & privé du cheval que la République lui entretenoit, & le fimple citoyen par la peur d'être rayé de fa Claffe, & réduit dans la derniere, ou du moins dans une des Centuries moins honorables que la fienne. En forte que cette crainte falutaire étoit le foutien des Loix fomptuaires, le nceud de la concorde, & comme la gardienne de la modeftie & de la pudeur.

La République à la faveur de ce

nouvel établissement jouit fous le Ande Ro-. Confulat de M. Fabius, & de Pof- me 312. tumus Albutius, d'une profonde tranquilité. Ce n'eft pas que quelques Tribuns du peuple toujours inquiets ne tâchaffent depuis de faire revivre les anciennes prétentions du peuple touchant le partage des Terres ils menaçoient même à leur ordinaire de s'opposer à toute levée de foldats. Mais comme on n'avoit point alors de guerres à foutenir, on méprifoit une oppofition que la paix rendoit inutile & fans effet; & l'autorité du Senat se fortifioit d'autant plus que ce premier Ordre de la République fe pouvoit paffer alors du fecours du peuple.

Tout étoit tranquile, lorfque An de Rol'année fuivante, d'autres difent me 313. deux ans après, & fous le Confulat de Proculus Geganius & de L. Menenius, il furvint une famine affreufe qui caufa des féditions, à la faveur defquelles un particulier fut à la veille de s'emparer de l'autorité fouveraine. Le Senat attribuoit cette difette de grains à l'oifiveté & à la pareffe des Plebeïens qui enyvrez des harangues feditieu

fes des Tribuns, ne fortoient plus de la place, & qui au lieu de cultiver leurs terres, paffoient le tems à faire de vains raifonnemens fur les affaires d'Etat. Le peuple au contraire qui fe plaint toujours de ceux qui font chargez du gouvernement, rejettoit la caufe de cette famine fur le défaut d'attention des Confuls. Mais ces Magiftrats fans s'embaraffer des murmures de la multitude, prirent tous les foins Tit. Liv.1.4 Convenables pour faire venir des D.Aug. de bleds du dehors, & ils en donnerent eiv. Dei 1. la commiffion à C. Minucius.

3. C. 17.

Ce Senateur actif & vigilant, envoya des commiffionnaires dans toute la Toscane; mais il ne put tirer par leurs foins qu'une petite quantité de bled. Un Chevalier Romain appellé Sp. Melius, & qui paffoit pour un des plus riches particuliers de la République, l'avoit précedé dans cette recherche, & avoit fait enlever la plus grande partie des grains de cette Province.

Ce Chevalier encore plus ambitieux que riche, s'étoit flatté que dans une calamité fi generale, le peuple feroit bon marché de fa li

berté. On diftribuoit tous les jours par fon ordre du bled au petit peuple & aux plus pauvres ; & par une liberalité toujours fufpecte, fur-tout dans une République, il fe fit des créatures de tous ceux qu'il nourriffoit à fes dépens; fa maison fut bientôt l'afile des pauvres, des faineans, de ceux qui s'étoient ruinez par la débauche, & de ces gens qui fans aucun fentiment d'honneur & de religion, voudroient voir l'Etat bouleversé, pourvû qu'ils y trouvaffent l'établiffement d'une fortune plus avantageufe que leur condition prefente.

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Minucius qui par rapport à la commiffion dont les Confuls l'avoient chargé, ne pouvoit fe difpenfer d'avoir quelque relation foit par lui-même, foit par fes agens avec ceux de Melius, démêla que cet ambitieux, qui feul nourriffoit gratuitement autant de pauvres que tout l'Etat, fe fervoit du prétexte de cette aumône publique qui attiroit une foule de peuple à fa porte, pour faire des affemblées dans fa maifon. Des gens que Minucius avoit apparemment gagnez, l'aver

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