Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

Veïens & les Volfques, fufpendit l'animofité des Tribuns contre Servilius; on ne fongea qu'à réfifter aux ennemis, & le bruit ayant couru que tous les peuples de la Tofcane devoient prendre les armes en faveur des Veiens, Mamercus Emi- An de Rolius perfonnage illuftre dans la paix me 319, & dans la guerre, fut élevé à la Dictature; dignité qu'il avoit déja remplie, & où il avoit acquis beaucoup de gloire contre les mêmes ennemis. Mais la nouvelle d'une ligue fi redoutable s'étant trouvée fauffe Emilius fe voyant privé de l'efperance de fignaler fa feconde Dictature par une nouvelle victoire entreprit de laiffer au moins quelque monument de fon zele pour la liberté publique. Il reprefenta au peuple dans une affemblée gene le que leurs ancêtres pour conferver cette même liberté, n'avoient établi dans la République aucune Charge dont l'autorité & les fonctions du raffent plus d'un an ; qu'on ne s'étoit pas fouvenu d'une précaution fi fage dans la création desCenfeurs, aufquels on avoit attribué cinq années de Magiftrature; que pendant

Tit L. 1. 4.

une autorité de fi longue durée, ils pouvoient en abufer, fe faire des créatures & opprimer la liberté de leur patrie, qu'il requeroit qu'il fût fait une Loi qui abregeât le temps de cette dignité, & que perfonne ne la pût exercer plus d'un an & demi.

Ce difcours fut reçu avec de grands applaudiffemens, furtout de la part du peuple. On ajoûta depuis à cette Loi qu'un Senateur ne pourroit pendant fa vie obtenir deux fois la Čenfure, quoiqu'il eût exercé la premiere avec l'approbation de fes concitoyens. Et de peur que cette Dignité entre les mains d'un feul ne le rendit trop puiffant, il fut encore ordonné que fi l'un des Cenfeurs venoit à mourir ou à fe démettre de fa Charge, l'autre ne pourroit la retenir ni même se faire fubroger un Collegue; & que dans l'élection des Cenfeurs, celui qui auroit eu le nombre fuffifant de fuffrages, ne feroit pourtant pas déclaré Cenfeur, fi fon Collegue manquoit du nombre des voix requifes; qu'on recommenceroit l'élection de l'un & de l'autre jufqu'à ce qu'ils

euffent par le même fcrutin tous les fuffrages neceffaires pour pouvoir être reconnus en même temps pour Cenfeurs toutes précautions que ce peuple jaloux de fa liberté crut devoir prendre contre les brigues & les cabales des Patriciens.

:

Le Senat ne vit qu'avec un mécontentement fecret que le Diétateur eût diminué la puiffance d'une Magiftrature attachée à fon Ordre. C. Furius & M. Geganius Cenfeurs cette année, en firent éclater leur reffentiment, fans égard pour le mérite & les fervices d'Emilius. Ce Dictateur n'eut pas plûtôt abdiqué fa Dignité, qu'en vertu du pouvoir attaché à la Ĉenfure, ils retrancherent un homme fi illuftre de fa Tribu, le réduifirent dans la derniere, le priverent comme un homme deshonoré du droit de fuffrages, & le chargerent d'un tribut huit fois plus fort que celui qu'il avoit coutume de payer. Mais cet aviliffement au lieu de le deshonorer, lui donna un nouvel éclat; toute la honte de cette vangeance retomba fur fes auteurs. Le peuple indigné, les pourfuivit dans la place, & les auroit

r

maltraitez fi Emilius n'eût été affez genereux pour s'y oppofer.

Les Tribuns du peuple, profiterent de cette occafion pour exciter de nouveau l'animofité de la multitude contre le Senat. Ils reprefentoient dans toutes les affemblées, qu'il n'étoit pas furprenant que les Patriciens maltraitaffent le peuple, puisqu'en haine de ce même peuple, ils n'avoient point été honteux d'ôter à un Senateur, Confulaire, & honoré de deux Dictatures, le droit de Citoyen, feulement pour avoir propofé une Loi qui en diminuant de leur autorité, affùroit la liberté publique. De pareils difcours repetez par les Tribuns dans la plupart des Affemblées, entretenoient l'aigreur dans l'efprit du peuple, qui pour marquer fon reffentiment au Senat, ne voulut jamais confentir qu'on élût des Confuls il fallut encore revenir aux Tribuns militaires. C'étoit à la verité la même dignité & les mêmes fonctions, quoique fous des noms differens; mais l'exclufion que le peuple avoit du Confulat, & le pouvoir de concourir dans les élections pour

le Tribunat militaire, faifoient que les Tribuns du peuple qui afpiroient à cette Dignité, n'oublioient rien pour déterminer le peuple à demander des Tribuns militaires. Cependant malgré toutes leurs brigues, le peuple toujours prévenu en faveur de la Nobleffe, quand il s'agiffoit du gouvernement & du commandement des armées, donna An de Rofes fuffrages à des Patriciens.

[ocr errors]

me 320 &

321.

ce

Cette préférence tourna les plaintes & le reffentiment des Tribuns du peuple contre la multitude: ils menacerent publiquement d'abandonner fes interêts. Faut-il, di- «e foient-ils dans leurs harangues, que « la crainte que vous avez de la puif- « fance des Grands, vous retienne à «<< leur égard dans une fervitude per- «e petuelle ? pourquoi dans l'élection « des Tribuns militaires, & lorfqu'il est question de donner vos fuffra- « ges, ne vous fouvenez-vous ni de « vous mêmes ni de vos Magiftrats? « Sçachez qu'il faut de grandes ré- « compenfes pour animer de gene- « reux courages. Et fi vous n'êtes pas « touchez par les motifs d'une jufte reconnoiffance, craignez du moins «

се

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »