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précautions qu'on peut regarder comme les gages affurez du bon fuccès. Rome leur oppofa C. Sempronius premier Conful,perfonnage plein de valeur, populaire, & familier avec les foldats dont il étoit adoré; mais plus foldat lui-même que grand Capitaine, & qui faifoit la guerre comme fi le courage feul eût fuffi pour remplir tous les devoirs d'un General. Il s'avança du côté des ennemis, comme s'il eût été à une victoire certaine, & il marchoit avec une confiance toûjours dangereufe. Les deux Armées furent bientôt en préfence : les Volfques avoient pris tous les avantages que la fituation du lieu leur avoit pû permettre. Sempronius au contraire qui méprifoit des ennemis tant de fois vaincus, négligea ces précautions, fi neceffaires. Et comme s'il eût été affuré de vaincre avec fa feule Infanterie, il laiffa fa Cavalerie dans un endroit d'où il n'en pouvoit tirer du fecours. On en vint aux mains de part & d'autre avec une égale fureur. Les Romains quoiqu'en defordre, s'avancerent avec audace, & chargerent les en

nemis avec leur valeur ordinaire. Mais comme ils combatoient avec plus d'impetuofité que d'ordre, & que les Volfques au contraire unis & ferrez par bataillons, fe défendoient avec beaucoup de courage, la fortune commença à fe déclarer pour le parti où il y avoit plus de difcipline. Les Volfques conduits par un habile General, preffent, pouffent & enfoncent les Legions. Le Soldat Romain étonné, au lieu d'attaquer, ne fonge qu'à éviter les coups de l'ennemi. On plie infenfiblement, on cede peu à peu, & enfin on eft contraint de reculer. Le Conful qui s'en apperçoit, fe porte dans les endroits où il y a plus de peril. Il combat de fa main, & tâche d'animer fes foldats par fon exemple & par fes reproches, mais en vain. Il crie & il menace ; on n'entend plus fa voix ni fes ordres; & le foldat effrayé fait bien voir qu'il ne craint que l'ennemi & la mort. Enfin la confufion & le defordre fe mettent dans les Legions, & la bataille étoit perduë, fi Sex. Tempanius ancien Capitaine de Cavalerie, n'eût propofé aux au

Val. Max. 13. c. 2.

Id. 1.6.c. s.

tres Officiers du même corps de defcendre de cheval & de fe jetter à la tête des Legions pour foutenir l'effort des ennemis.

Sempronius qui s'étoit flaté, comme nous l'avons dit, d'en triompher avec fon Infanterie, avoit laiffé fa Cavalerie dans un endroit coupé de ravins, où elle ne pouvoit combattre. Tempanius s'étant apperçu de cette faute,& du defordre où étoient les Legions, mit pied à terre avec route fa compagnie, & s'adressant à fes camarades: Suivez ma lance leur dit-il, comme fi c'étoit un guidons & faifons voir aux ennemis qu'à pied comme à cheval rien ne nous peut réfifter. Tout ce corps de Cavalerie defcendit de cheval à fon exemple, & le fuivit. Tempanius à la tête de cette nouvelle Infanterie, marche droit aux ennemis, & rétablit le combat: il pouffe tout ce qui fe préfente devant lui. Les Legions à la vûë de ce fecours reprennent courage, & la bataille recommence avec une nouvelle fureur. Le General des Volfques ne peut deviner d'où ce nouveau corps d'Infanterie eft venu aux Romains. Mais comme il s'en

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vit preffé, il envoya ordre à fes troupes de s'ouvrir, de donner paffage au corps que commandoit Tempanius, de refermer enfuite les bataillons, & de les rejoindre, afin de féparer ces nouvelles troupes du corps des Legions. Les Volfques en execution de fes ordres reculent, femblent plier, s'ouvrent & laiffent paffer Tempanius & fa troupe, qui, emportez par leur courage, croyant fuivre la victoire & un ennemi épou vanté, s'avançoient toûjours. Mais ils ne furent pas long-temps fans s'appercevoir qu'ils avoient été coupez par des bataillons ennemis qui s'étoient rejoints, & qui s'étoient poftez entre eux & l'Armée Romaine. Tempanius fit ce qu'il put pour s'ouvrir de nouveau le paffage, & rejoindre le Conful: mais il ne put percer les bataillons oppofez. Dans cette extrêmité, il apperçut une éminence dont il s'empara.

Les Volfques fe flatant qu'il ne pouvoit leur échaper, viennent l'affaillir. Tempanius fe défend avec un courage invincible, & cette diverfion fauve l'Armée du Conful

Les Legions moins preffées fe ralient, reviennent à la charge, & le Conful à leur tête fait des efforts furprenans pour tâcher de dégager & de joindre Tempanius. Les Volfques font fermes de tous côtez; & quoiqu'ils euffent perdu beaucoup de monde dans cette derniere action, ils fe laissent plutôt tuer que de s'enfuir. Aucun ne recule; le foldat vivant fuccede au mort, occupe fa place, & la défend avec la même intrepidité, fans que les Romains puffent rompre cette barriere & forcer ces bataillons. On combattit bien avant dans la nuit, fans que les deux Generaux puffent démêler de quel côté étoit l'avantage, & il n'y eut que les tenebres & la laffitude qui feparerent les deux Ar

mées.

Sempronius & le General des Volfques incertains du fuccès de la bataille, & craignant également l'un & l'autre d'être encore obligez de combattre le lendemain, abandonnerent comme de concert,le champ de bataille, & ne fe croyant pas encore en fûreté dans leur camp, ils en fortirent avec précipitation.

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