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dans les plus heureux fuccès de la République. Le triomphe même du Dictateur eut quelque chofe de particulier. Camille parut dans un char magnifique, & tiré par quatre chevaux de poil blanc.

Ande Ro

me 358.

1.5.

. Cette fingularité déplut au peu-
ple; Et au milieu des louanges qu'il
donnoit au Dictateur, il ne vit qu'a-
vec une indignation fecrete ce pre-
mier Magiftrat affecter une pompe
réfervée autrefois pour la Royauté,
& depuis l'expulfion des Rois, con-
facrée feulement au culte dès Dieux.
Cela diminua l'eftime & l'affection
publique & la réfiftance que Ca-
:
mille apporta depuis à de nouvel-
les propofitions d'un Tribun, ache-
va de le rendre odieux à la mul-
titude.

T. Sicinius Dentatus Tribun du Tit. Liv. peuple, propofa de faire une feconde Rome de la ville de Veïes, d'y Plut. vita envoyer pour l'habiter la moitié du Camilli. Senat, des Chevaliers & du peuple. Il en repréfentoit la fituation, la force, la magnificence des édifices, & le territoire plus étendu & plus ferque celui de Rome même : & il ajoûtoit que les Romains par ce

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moyen pourroient conferver plus facilement leurs conquêtes.

Le peuple toujours avide de nouveautez, reçut ces propofitions avec de grandes démonftrations de joye, L'affaire, fuivant l'ufage, fut portée d'abord dans le Senat: Camille qui ne faifoit que fortir de la Dictature,s'y oppofa hautement. Ce n'est pas qu'il ne lui fùt honorable de voir habiter par des Romains une ville fi fameufe, & qui étoit devenue fa conquête. Il pouvoit même penfer que plus il y auroit d'habitans, & plus il s'y trouveroit de témoins de fa gloire. Mais il croyoit que c'étoit un crime de conduire le Peuple Romain dans une terre captive, & de préferer le pays vaincu à la patrie victorieufe. Il ajoûta, qu'il lui paroiffoit impoffible que deux villes fi puiffantes puffent demeurer long-tems en paix, vivre fous les mêmes Loix, & ne former cependant qu'une feule République. Qu'il fe formeroit infenfiblement de ces deux villes deux Etats differens, qui après s'être fait la guerre l'un à l'autre, deviendroient à la fin la proye de leurs ennemis K 4

communs.

An de Ro

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Les Senateurs & les principaux de

me 359 la nobleffe, touchez des remontrances de ce premier citoyen de la République, déclarerent qu'ils mourfoient plutôt aux yeux du PeupleRomain,que de quitter leur patrie. Les vieux & les jeunes fe rendirent fur la place où le peuple étoit affemblé; & s'étant difperfez dans la foule, ils conjurerent le peuple les larmes aux yeux, de ne pas abandonner cette ville augufte, qui devoit un jour commander à toute la terre, & à laquelle les Dieux avoient attaché de fi grandes deftinées. Ils montroient enfuite de la main le Capitole, & demandoient aux Plebeiens s'ils auroient bien le courage d'abandonner Jupiter, Vefta, Romulus, & les autres divinitez tutelaires de la ville, pour fuivre un Sicinius, qui ne cherchoit par un partage fi funefte qu'à ruiner la République. Enfin ces fages Senateurs ayant fçu prendre la multitude par des motifs de Religion, le peuple n'y put refifter. Il ceda, quoiqu'à regret, à ce fentiment interieur que produifent toûjours les préjugez de l'éducation. La propofition de Sici

559.

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Tit Liv. l.

s.c.30.

nius fut rejettée à la pluralité des An de Rovoix, & le Senat, comme pour ré- me 360. compenfer le peuple de fa docilité, ordonna par l'avis deCamille,qu'on diftribueroit par tête fept arpens des terres des Veïens à chaque chef de famille, & que pour porter les perfonnes libres à fe marier, & les mettre en état d'élever des enfans qui ferviffent un jour la République, on leur donneroit part dans cette diftribution.

Le peuple charmé de cette liberalité, donna de grandes louanges au

Senat. On vit renaître la concorde entre ces deux Ordres : le peuple par déference pour le Senat, confentit même qu'on rétablit le Confulat. Sous le gouvernement de ces Magiftrats Patriciens, les Eques furent vaincus, & les Falifques s'étoient déja donnez à la République. Tous ces avantages étoient attri- 360. 361. buez à la fageffe & à la valeur de Camillus. Ce furent de nouvelles injures à l'égard des Tribuns, qui ne pou voient lui pardonner cette union du peuple avec le Senat, qu'ils regardoient comme fon ouvrage, & comme l'extinction de leur autorité.

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Ils auroient bien voulu pouvoir fe défaire de celui qui leur étoit feul plus redoutable que tout le Senat. Mais il étoit bien difficile d'attaquer un homme reveré de fes citoyens pour fes vertus, adoré du foldat, & en qui on n'avoit jamais reconnu d'autre interêt que celui de fa patrie.

Sa pieté leur fournit le prétexte que leur envie & leur haine n'avoient pû leur infpîrer. Ce General avant que de faire monter fes foldats à l'affaut au fiege de Veïes,avoit voué de confacrer la dixiéme partie du butin à Apollon. Mais lorfque la ville fut emportée, parmi le defordre & la confufion du pillage, il ne fe fouvint point de fon voeu. Et lorfque la délicateffe de fa confcience lui en rappella la memoire, tout étoit diffipé. Il n'y avoit pas moyen d'obliger les foldats à rapporter des effets, ou qu'ils avoient confumez, ou dont ils s'étoient défaits. Dans cet embaras, le Senat fit publier que tous ceux qui auroient la crainte des Dieux, eftimaffent eux-mêmes la valeur de leur butin, & qu'ils apportaffent aux Questeurs le dixième de

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