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mifere, & une vieilleffe languiffante chez les étrangers, réfolurent de s'enfevelir fous les ruines de leur patrie, & de finir leur vie dans une ville qu'ils ne pouvoient plus défendre, Plufieurs Prêtres fe joignirent à eux, & fe dévoüerent genereufement à la mort comme ces illuftres vieillards. Cette forte de dévouement faifoit partie de la Religion, & les Romains étoient perfuadez que le facrifice volontaire que leurs chefs faifoient de leur vie aux Dieux in fernaux, jettoit le defordre & la confufion dans le parti ennemi. Ces hommes venerables ayant pris les uns leurs habits faints, & les autres leurs robes Confulaires, & toutes les marques de leur dignité, fe placerent à la porte de leurs maifons dans des chaires d'yvoire, où ils attendirent avec fermeté l'ennemi & la mort.

Si après la défaite d'Allia les Gau- Plut. vie lois euffent été droit à Rome, la Ré- de Cam. publique étoit perdue & le nom Romain éteint. Mais ces barbares ayant employé près de trois jours à parta ger leur butin, le tems qu'ils mirent a jouir, pour ainfi dire, des fruits de

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la victoire, leur en fit perdre tous les avantages. Les Romains pendant ce délai firent échaper leurs femmes & leurs enfans.Les Senateurs& tout ce qu'il y avoit d'hommes capables de porter les armes, fe jetterent dans le Capitole où ils ne pouvoient pas être forcez aifément. Brennus entra dans Rome & s'en rendit maître environ l'an 363. de fa fondation. Les portes étoient ouvertes, les murailles fans défenfes & les maifons fans habitans. Cette folitude dans une ville très-peuplée lui fit craindre quelqu'embûche. Mais comme il fçavoit fon métier, & qu'il étoit foldat & Capitaine, il s'affura d'abord de fa conquête par de bons corps de garde qu'il mit dans les places publiques & dans les principales ruës.

Le premier fpectacle qui fe préfenta à fes yeux, & qui attira le plus fon attention, furent ces venerables vieillards que nous avons dit qui s'étoient dévouez à la mort, & qui l'attendoient à la porte de leurs maifons. Leurs habits magnifiques,leurs barbes blanches, un air de grandeur & de fermeté, le filence même qu'ils

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obfervoient, tout cela étonna d'abord les Gaulois, & leur inspira le même refpect qu'ils auroient eu pour des Dieux. Ils n'ofoient en approcher; mais un foldat plus hardi que les autres, ayant touché par curiofité à la barbe d'un ancien Senateur, ce genereux Vieillard ne s'accommodant pas de cette familiarité, lui déchargea un coup de fon bâton d'yvoire fur la tête. Le foldat pour s'en venger le tua auffi-tôt ; & t; en même tems les autres Vieillards & les Prêtres furent maffacrez.comme lui dans leurs chaires. Tout ce qui fe trouva d'habitans qui n'avoit pû s'échaper, paffa par le fer ennemi, fans distinction de fexe ni d'âge. Brennus investit enfuite le Capitole, & fit fommer ceux qui s'y étoient renfermez de lui livrer la place. Mais les ayant trouvez inébranlables, il tenta d'emporter le fort par efcalade. Les Romains qui combatoient avec avantage, repoufferent ces troupes, & en firent perir un grand nombre. Brennus vit bien qu'il ne fe rendroit maître que par la famine, d'une place que la nature feule avoit fortifiée, Mais pour fe

vanger de la résistance des Romains, il réfolut de ruiner Rome entierement. Ses foldats par fon ordre mirent le feu aux maifons, abatirent les Temples & les édifices publics, & raferent les murailles. Ainfi au lieu d'une ville déja celebre dans toute l'Italie, il ne paroiffoit plus, au milieu de fes débris, que des colines, & un vafte champ où Brennus fit camper cette partie de fon armée qui tenoit le Capitole invefti; l'autre fut envoyée au fourage.

Ces troupes qui par la terreur de leurs armes croyoient tenir tout le païs en fujetion, ne gardoient dans leurs marches ni ordre ni difcipline. Les foldats s'écartoient pour piller, & ceux qui demeuroient en corps, paffoient les jours entiers à boire: P'Officier comme le foldat, ne penfoient point qu'ils euffent d'autres ennemis que ceux qui étoient renfermez dans le Capitole.

Camille, depuis fon exil, s'étoit retiré à Ardée comme nous l'avons dit. Ce grand homme plus affligé des calamitezde fa patrie que de fon propre exil, entreprit de la vanger de ces barbares. Il perfuada fans pei

ne

ne à la jeunesse de la ville de le fuiyre, & de concert avec les Magiftrats, il fortit d'Ardée pendant une nuit obfcure, & furprit les Gaulois enfevelis dans le vin. Il en fit une An. de Ro horrible boucherie, & ceux qui mc 363. échaperent à la faveur des ténebres, tomberent le lendemain entre les mains des païfans qui leur firent peu de quartier.

La nouvelle de cette défaite fe répandit bien-tôt dans toute l'Italie. Les Romains qui s'étoient réfugiez à Veïes, & tous ceux qui s'étoient difperfez dans les villages voifins, s'affemblerent. Il n'y en eut pas un qui ne fe reprochât l'éxil de Camille, comme s'il en eût été l'auteur; & regardant ce grand homme comme leur unique reffource après la destruction de Rome, ils réfolurent de le choifir pour leur chef.,, Pour- « quoi faut-il, difoient-ils, que les « Ardéates qui font des étrangers, fe Ce couvrent de gloire fous la conduite « de Camille, pendant que fes con- « citoyens errent comme de malheu- « reux profcrits au milieu de leur pro- « pre pays? Tous veulent lui obéir; " tous veulent combatre fous fes enTome II.

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