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Cam.

vos maîtres & vos tyrans. Ces motifs tirez de la Religion & de la gloire, toucherent un peuple fuperftitieux & hautain, qui préferoit l'efperance feule de l'Empire aux commoditez préfentes de la vie : & une parole échapée au hazard acheva de le déterminer. Le Senat s'étoit affemblé extraordinairement pour dé liberer fur une affaire fi importante: c'étoit à L. Lucretius à opiner le premier. Comme ce Senateur ou vroit la bouche pour dire fon avis, on entendit le Capitaine qui montoit la garde, crier à celui qui portoit le drapeau, de s'arrêter là & d'y planter fon enfeigne: Car, ajouta cet Officier, c'eft ici qu'il faut demeu

rer.

Cette voix qui fut entendue dans le tems même qu'on étoit en peine du parti qu'on devoit prendre, fembla être venue du ciel: J'accepte l'anPlutar. vit. gure, s'écria Lucretius, & j'adore les Dieux qui nous donnent un si heureux confeil: tout le Senat applaudit à fon avis. Cette nouvelle répandue dans le peuple, changea la difpofition des efprits; & une parole jettée au hazard, mais tournée en préfage,

eut plus de pouvoir que les raifons les plus folides du Senat. On ne parla plus de Veïes; chacun s'empreffa de bâtir, fans même difcerner fon propre fond de celui d'autrui. La République donna une maison fituée au Capitole à M. Manlius, comme un monument de fa valeur & de la reconnoiffance de fes concitoyens. Mais en même tems qu'elle recompenfoit un fervice fi important, elle crut devoir punir Q. Fabius Ambuftus, qui avoit violé le Ande Rodroit des Gens, & attiré le reffenti- me 364. ment & les armes des Gaulois.

C. Marcius Rutilus Tribun du peuple le fit affigner pour rendre raifon devant l'Affemblée du peuple de la conduite qu'il avoit tenue dans fon Ambassade. Le Senat qui ne pouvoit lui pardonner l'extrêmité à laquelle il avoit réduit la République, ne s'intereffa point à fa défenfe; tout le credit que fon pere avoit parmi le peuple, ne put pas le fauver. Ses parens publierent qu'une mort fubite avoit empêché la décifion de cette affaire. C'eft ce qui ne manquoit jamais d'arriver à ceux qui avoient le courage de prévenir

1.6.

leur condamnation, & la honte du fupplice.

Cependant ce qui étoit refté de citoyens difperfez dans les Provinces, ceux qui pendant que les Gaulois étoient maîtres de Rome s'étoient établis à Veies ou dans les Tit. Liv. villes voisines, les Prêtres, les femmes & les enfans, tous reviennent à Rome. On ne fonge qu'à fe loger: on bâtit de tous côtez; il étoit permis de prendre de la pierre où on en pourroit trouver. La tuile fut fournie aux dépens de l'Etat, & on pouffa le travail avec tant d'ardeur, qu'en moins d'un an la ville fut entierement rétablie.

Rome, pour ainsi dire, fembloit renaître de fes cendres; mais à peine fes habitans commençoient-ils à refpirer, que de nouvelles guerres leur firent reprendre les armes. Les An de Ro- Tofcans, les Eques, & les Volfques tous voisins de Rome, & par confequent fes ennemis firent une ligue pour l'accabler avant qu'elle eût repris fes forces.Les Latins & les Herniques, quoique alliez du Peuple Romain, mais toujours jaloux de fa grande.r, entierent dans ce def

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fein, & fournirent leur contingent de troupes. Les uns & les autres fe flattoient qu'après tant de pertes, ils trouveroient la ville fans défenfe. Ils fe jetterent de concert & par differens côtez fur fon territoire; & après avoir ravagé le païs & réuni leurs troupes,ils marcherent droit à Rome. On en fit fortir les Tribuns militaires à la tête des legions pour empêcher les ennemis de penetrer plus avant. Ma s ces Generaux, fans 'avoir combatu, se laifferent enfermer dans des gorges & dans des détroits. Tout ce qu'ils purent faire, fut de gagner le fommet du Mont de Mars, où ils fe retrancherent. Leur camp étoit à la verité hors d'infulte à l'égard des ennemis, mais auffi il étoit inaceffible aux convois: & l'armée couroit rifque de mourir de faim.

Dans cette extrêmité on eut recours à un General toûjours fupe

rieur aux perils & aux difficultez: Plut. in Camille. fut nommé Dictateur pour Camilla. la troifiéme fois. Auffi-tôt il fit prendre les Armes à tous les citoyens, fans en excepter les vieillards. Au feul bruit de fon nom & de fa mar

che, la peur faifit les ennemis; ils ne fongent plus à vaincre; toute leur attention eft de n'être point vaincus; ils fe retranchent dans leur camp, qu'ils fortifient avec foin d'une paliffade de pieux & d'un grand abatis d'arbres. Camille s'en approche, & en ayant reconnu la difpofition, il remarqua que tous les matins il s'élevoit un grand vent qui venoit des Montagnes. Sur cette obfervation il forma fecrettement le plan de fon entreprise. Une partie de fes troupes firent d'un côté du camp une fauffe attaque, pendant que de l'autre, des foldats instruits des intentions de leur General, jetterent contre cette clôture de bois des traits enflammez, & des matieres combustibles, qui à la faveur du vent qui s'éleva à l'ordinaire, eurent bien-tôt embrafé cette paliffade. Le feu gagne les tentes, le foldat effrayé, fans attendre l'ordre de fes Officiers fe jette avec précipitation hors du camp. Tout fort en foule & en confufion, & tombe dans les armes des Romains qui en font un grand carnage. Camille envoya pour lors éteindre le feu pour fau

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