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fépara fans rien conclurre, & les MagiftratsCarthaginois irritez qu'on voulût exiger d'eux des conditions qui les réduifoient à un état peu different de la fervitude, firent prendre les armes à tous les habitans. Xantippe le Lacedemonien arriva en même tems, fe mit à leur tête & ayant rallié ce qui leur reftoit de troupes, fortit en pleine campagne, & préfenta la bataille aux Romains. Il choifit pour camper une plaine propre pour faire combattre les Elephans qu'il avoit dans fon armée & plus favorable à la cavalerie en quoi il furpaffoit les Romains. Regulus par la même raifon, & comme plus fort en Infanterie, devoit chercher les montagnes & les hauteurs; mais fes foldats méprifant le General Grec,& des troupes qu'ils avoient vaincuës tant de fois, demanderent la bataille avec de grands cris. Regulus n'eut pas la force de An. de Ro- leur réfifter; la bataille fe donna dans la plaine; il y fut défait; fon infanterie ne put réfifter à la cavalerie ennemie. Les Romains y perdirent plus de trente mille hommes, tant de leur nation que de leurs al

me 498.

liez, & le General lui-même fut fait prifonnier. Les Carthaginois le traiterent avec beaucoup de dureté, & plûtôt en criminel qu'en prifonnier de guerre. On le chargea de chaînes

& on l'enfevelit dans un cachot où

il refta pendant près de quatre ans Il y auroit peri, mais les arthaginois ayant pendant ce tems-là perdu des batailles confiderables par terre & par mer, ils tirerentRegulus de fa prifon pour l'envoyer à Rome ménager la paix,ou du moins l'échange des prifonniers.Les Magistrats avant que de le faire embarquer, tirerent de lui parole, que s'il ne pouvoit rien obtenir des Romains, il reviendroit à Carthage reprendre fes fers on lui fit même entendre que fa vie dépendoit du fuccès de fa negociation.

Il ne tint pas au Senat que la paix ne fefît, ou du moins l'échange des prifonniers. Cette Compagnie crut ne pouvoir acheter trop cher la liberté & la confervation d'un citoyen comme Regulus. Mais le plus grand obftacle à la conclufion du Traité vint de la part de celui qui en étoit chargé. Regulus étant arri

vé à Rome, fit connoître au Senat qu'avec un peu de conftance, & en continuant la guerre, on acheveroit de foumettre les Carthaginois. Qu'à l'égard de l'échange des prifonniers, tout l'avantage feroit du côté des ennemis qui avoient à Rome leurs principauxOfficiers & leurs meilleurs foldats : au lieu que les Carthaginois n'avoient que peu de Romains, des gens avancez ên âge, en ou des lâches dont on ne pouvoit efperer aucun fervice. Enfin ce genereux Romain parla avec tant de force contre fes propres interêts App. Alex. qu'il fit réfoudre la continuation de in Lybica. la guerre. Et fans vouloir entrer Gell. 1.6. dans fa maifon nivoir fa femme & Val. Max. fes enfans de peur d'être attendri 1.6. &9. par leurs larmes, il retourna à CarAutor de thage pour dégager fa parole: il y Viris illu- perit dans les plus cruels fupplices.

Zonaras.

L. Flor.

ftribus.

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On reprit les armes de part & d'autre avec la même animofité. Les An de Ro- fuccès furent differens: enfin deuxmej 506. batailles navales que gagnerent les Romains, l'une fous le Commandement de M. Fabius Butéo Conful, & l'autre fous celui de C. Lutatius Catulus, forcerent les Car

thaginois à demander la paix tout de nouveau. Rome la leur accorda: An.de Romais Rome inflexible, quelquefois me s11. même cruelle envers des ennemis abbatus, ne leur donna la paix qu'à des conditions très-onereufes. On exigea d'eux qu'ils remettroient aux Romains la Place & le Port de Lilibée dans la Sicile ; qu'ils abandonneroient entierement cette Ifle; qu'ils rendroient les prifonniers fans rançon; qu'ils livreroient les deferteurs & les transfuges; qu'ils payeroient comptant mille talens pour les frais de la guerre, & deux mille deux cens en dix ans par forme de tribut. Les Carthaginois épuifez, foufcrivirent à tout, & le Traité fut conclu fous le Confulat de Q. Lutatius & de A. Manlius, l'an 512. de la fondation de Rome.

Mais ce fut moins une paix qu'u- Tit. Liv. ne trêve. Les Carthaginois comme 1. 30. les plus foibles ne l'avoient recherchée que pour avoir le tems de rétablir leurs forces. Ils ne fe virent pas plûtôt en état de foutenir une nouvelle guerre, qu'ils reprirent les armes avec fureur. Le fiege qu'ils in Lybica. App. Alex. mirent devant Sagunte, ville d'Ef- An de Ro

me 535.

pagne alliée des Romains, fut le prétexte de cette guerre, & Annibal le veritable auteur. Il étoit né foldat, & l'exercice continuel des armes en fit un grand Capitaine. Ce fut dans cette guerre qu'il fit éclater ces talens fuperieurs qui lui donnerent tant d'avantages fur les Generaux Romains toujours jufte dans fes projets ; des vûës immenfes ; le genie admirable pour diftribuer dans le tems l'execution de fes deffeins; toute l'adreffe pour agir fans fe laiffer appercevoir; infini dans les expediens; auffi habile à fe tirer du peril qu'à y jetter les autres; du refte fans foi, fans religion, fans humanité, & cependant ayant fçu fe donner tous les dehors de ces vertus, autant qu'il convenoit à fes interêts.

Tel étoit le fameux Annibal lorf

qu'il forma le plus hardi projet que jamais aucun Capitaine eût ofé concevoir, & que l'évenement feul juftifia. Du fond de l'Espagne il refolut de porter la guerre en Italie, &d'attaquer les Romains jufques dans le centre de leur domination, fans y avoir ni Places, ni magasins, ni

fecours

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