D. H. 1, leurs maifons de campagne. Les De cemvirs y envoyerent des Huiffiers leur indiquer l'affemblée pour le lendemain. La plûpart revinrent à Rome, & fe trouverent au Senat; mais avec des vûës bien differentes de celles des Decemvirs.Appius representa par un discours étudié la neceffité de prendre les armes pour s'oppofer aux incurfions des Eques & des Sabins. pu L. Valerius Potitus fans attendre que ce fût fon rang pour opiner, fe leva auffi-tôt. Il étoit fils de ce Valerius qui fut tué à la tête des Romains en combattant contre Herdonius, & petit-fils du fameux Valerius appellé Publicola, un des principaux auteurs de la liberté blique. Appius craignant qu'un homme de fa naiffance & de fon caractere, s'il parloit le premier n'ouvrit quelque avis contraire aux interêts des Decemvirs, lui dit fierement de s'affeoir & de fe taire & qu'il devoit attendre que des Senateurs plus anciens que lui, & plus confiderables dans la République, euffent déclaré leurs fentimens. Je l'aurois auffi attendu,lui repartit paisiblement Valerius, fi je n'avois " eu à parler que de l'affaire que vous de avez propofée. Mais il s'agit ici de « la liberté de la République. Sera-t-il « dit qu'un fimple particulier dont la Magiftrature eft expirée, impofera « filence à Valerius? Faut-il que « votre tyrannie réduise un Senateur «< сс à regreter le fecours le fecours que le fimple peuple tiroit de l'oppofition de fes « Tribuns? Mais puifque vous & vos " Collegues en avez ufurpé la puiffance, j'en appelle à ces Collegues mêmes, moins dans l'efperance d'en être fecouru, que pour expofer aux « yeux du public la confpiration que « vous avez faite contre la liberté. » « Enfuite adreffant la parole à Fabius Vibulanus « Et vous, lui dit-il, <s qui avez été honoré de trois Con- « fulats, fera-t-il dit que par complaifance pour des tyrans, vous trahi- « rez les interêts de votre patrie? Fabius incertain & déconcerté ne lui répondit rien. Mais Appius tranfporté de colere lui cria de nouveau qu'il lui impofoit filence, & les autres Decemvirs le menacerent de le faire precipiter du haut de la Roche Tarpeïenne comme un Сс féditieux & un brouillon. Une maniere de proceder fi violente & fi extraordinaire dans uneCompagnie où devoit regner une parfaite égalité, fouleva toute l'Affemblée. M. 'Horatius Barbatus en parut le plus indigné. Il étoit petit-fils de cet Horatius Coclès, qui pour la défenfe de la liberté de fa patrie, foûtint feul fur un pont tout l'effort -de l'Armée de Porfenna. Ce même efprit Républicain qui avoit fait tant d'honneur aux peres,étoit paffé dans leurs enfans. Horatius dont nous parlons ne pouvant fouffrir plus long-tems l'orgueil & l'infolence des Decemvirs, prit la parole, & les traita publiquement de Tarquins & de tyrans de leur patrie. Vous nous parlez, leur dit-il, de » la guerre des Sabins, comme fi le PeupleRomain avoit de plus grands » ennemis que vous mêmes. Je vou» drois bien fçavoir par quelle auto» rité vous avez convoqué cette af femblée, & par quel droit vous prétendez y préfider. Le tems de » votre Magiftrature n'eft-il pas expiré? Pouvez-vous ignorer que la "puiffance du Decemvirat ne vous се ce се Сс ce avoit été déferée que pour une feule année? Nous vous avions choifi « pour établir des Loix convenables ce dans un Etat libre, & vous n'avez « laissez aucune trace de cette égalité, l'objet unique des Romains. « Vous avez fupprimé les Affemblées « du Peuple, & les convocations du Senat. On ne parle plus d'élection, ni de Confuls, ni de Tribuns. Toutes les Magiftratures annuelles font « abolies. Vous avez changé abfolu- «e ment l'ancien ordre du gouverne- « ment pour élever fur les ruines votre empire & votre domination particuliere. Mais fçachez que le « fang de Valerius & d'Horatius qui chafferent autrefois les Tarquins de Rome, anime encore leurs defcen- « dans. Nous avons le même courage, « & le même attachement pour la « liberté de notre patrie. Les Dieux « protecteurs de cette Ville nous don- ce neront le même fuccès, & j'efpere « que le peuple auffi jaloux de fa li- «e berté que fes ancêtres, ne nous " abandonnera pas dans une entre- « prife fi jufte. ce Un difcours fi ferme étourdit les Decemvirs. Ils ne fçavoient s'ils се ce се devoient montrer de la colere, ou affecter de la moderation. Appius pour adoucir les efprits, representa que bien-loin de vouloir s'ériger en tyrans, ils n'avoient convoqué le Senat que pour prendre fes avis fur la conjoncture prefente des affaires. Que s'il avoit impofé filence à Valerius, ce n'avoit été que pour l'obliger à fe conformer à l'ufage ordinaire où chacun devoit parler à fon rang, à moins que la parole ne lui fût adreffée par celui qui préfidoit au Senat. Pour lors fe tournant du côté de C. Claudius fon oncle, il l'exhorta à dire fon fentiment avec toute la liberté qui regnoit dans l'affemblée. Il fe flatoit que l'interêt de fa famille, les liaifons du fang, & même l'honneur qu'il lui faifoit de lui demander le premier fon avis, l'engageroit à refuter ce qu'il y avoit eu de trop dur contre lui dans le difcours d'Horatius. Mais il s'adreffoit à un veritable Romain, & qui auroit facrifié fes propres enfans à la conservation de la liberté publique. Il avoit même été plufieurs fois, venons de le dire comme nous à la maison |