Marius même lui donna dans la fuite un corps de troupes feparé qu'il commandoit en Chef. Je n'entrerai dans le détail de cette guerre, qu'autant que cela peut fervir à lier les differentes parties de mon fujet. Il fuffit de remarquer, que Jugurtha avant l'arrivée de Marius en Affrique, pouffé à l'extrêmité de fes Etats par Metellus, s'étoit fait un protecteur & un allié d'un Roi voifin appellé Bocchus. Ce fut contre ces deux Princes que Marius eut affaire. Il prit Capfa grande ville & fort peuplée, & il fe rendit maître enfuite de cette Fortereffe, devant laquelle Aulus Albinus avoit éOrof. 1. 5. choué. On en vint bien-tôt aux mains. Les deux Rois à la faveur d'une marche dérobée furprennent les Romains, les attaquent de nuit, portent par tout la terreur, tuent beaucoup de monde, & auroient An de Ro- remporté une victoire complette, fi les tenebres leur avoient permis de connoître tout leur avantage, & C.IS. me 646. d'en profiter. Marius eut bientôt fa Plutar, in revanche, & prefqu'avant qu'on Mar. eût fçû à Rome l'échec qu'il avoit Saluf. bell. reçû dans la premiere occasion, on Jugur. y apprit qu'il avoit défait les deux Vid. Orof Rois dans deux batailles décifives, Eutr. lon & qu'il les avoit mis l'un & l'autre hors d'état de tenir la campagne. Bocchus ayant éprouvé dans ces deux combats, la valeur & la fortune des Romains, ne jugea pas à propos de hazarder fa Couronne pour défendre celle de fon allié: il réfolut de faire fa paix, & il envoya des Ambaffadeurs jufques à Rome, pour la demander. Ces Ambaffadeurs étant admis dans le Senat, dirent que le Roy leur maître avoit été furpris par les artifices de Jugurtha, qu'il fe repentoit d'un pareil engagement, & qu'il demandoit l'alliance & l'amitié des Romains: on leur répondit en ces termes: се Le Senat & le Peuple Romain n'oublient ni les fervices ni les in- « jures puifque Bocchus fe repent" de fa faute, ils lui en accordent le « pardon; & pour ce qui eft de la « paix & de leur alliance, il les ob- « tiendra quand il les aura méritées. « Bocchus embaraffé d'une pareille réponse, fit demander fecretement à Marius de lui envoyer fon Quef teur. Sylla le fut trouver; on traita de differens moyens qui pouvoient fervir à établir la paix « Vous n'en » avez point d'autre, dit Sylla à Bocchus, que de nous livrer Jugurtha. » Par là vous réparerez l'imprudence » & les malheurs de votre premier » engagement; & ce fera le prix de »notre alliance & de notre amitié. Bocchus fe recria d'abord contre cette propofition, & il reprefenta à Sylla qu'une pareille infidelité envers un Prince à qui il avoit donné fa foi, attacheroit une honte éternelle à sa memoire. Ce fut le fujet de differentes conferences qui fe firent entre ce Roi & le Quefleur des Romains. Mais Sylla qui étoit preffant & éloquent, revint fi fouvent à la charge, & il fçut fi bien lui repréfenter qu'il n'y avoit qu'un grand fervice qui pût balancer le tort qu'il avoit eu de fe declarer contre les Romains, qu'il le détermina enfin à lui livrer Jugurtha. An de Ro- Ce Prince fut trahi & arrêté fous e6+7 prétexte d'une conference que Bocchus lui avoit demandée: on le chargea de chaînes, on le livra à Sylla, qui le remit 'enfuite à Marius د fon General : & par la captivité de ce malheureux Prince, la guerre de Numidie fut finie. Une auffi heureuse nouvelle ne pouvoit venir à Rome plus à propos.On venoit d'y apprendre qu'une multitude prodigieufe de barbares fortis du Nord, s'avançoient du côté du Midi, & menaçoient toute l'Italie. On réfolut de leur oppofer Marius qui jouiffoit actuellement de cette faveur & de ces applaudiffemens que donne une victoire recente. On le nomma Conful pour An de Rola feconde fois, contre la difpofi- me 649. tion des Loix qui ne permettoient pas d'élire un abfent pour Conful, & qui exigeoient même dix ans d'intervalle entre deux Confulats, On ajoûta à ces graces fi pleines de diftinction, le Gouvernement de la Gaule Narbonnoife, & on lui décerna en même tems les honneurs du Triomphe. Jugurtha chargé de chaines en fit le principal ornement. Il étoit traîné comme un esclave à la fuite du Char de Marius. Ce Prince après cette ceremonie fut conduit en prifon, & on le condamna à y mourir de faim. Le boureau lui déchira fa robbe Royale, le dépouilla de tous fes habits, & le pouffa enfuite dans le fond d'une baffefoffe qui lui devoit fervir de tombeau. On rapporte qu'en y entrant tout nud, il s'écria: ô Hercule, que vos étuves font froides! Faifant allufion aux bains de ce Dieu qu'on difoit être froids. Ce Prince lutant contre la faim, vêcut encore fix jours; & le defir inutile de prolonger fa vie, fervit de fupplice à un Roy qui avoit toujours compté pour rien la mort de fes proches, & des premiers de fa Cour qu'il avoit facrifié à fa fortune & à fon. ambition, Fin du fecond Volume. |