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pouvoient encore venir à bout, ces perfides montant fur le haut du rocher, l'accablerent à coups de pierres; & ce brave guerrier qui étoit forti victorieux de tant de combats, perit enfin malheureusement par la main de quelques traîtres que les Decemvirs avoient armez contre lui. Ils retournerent enfuite au camp, & rapporterent qu'ils étoient tombez dans une em- Tit. Liv.1.3 bufcade où ils avoient perdu leur c. 44. Commandant,& une partie de leurs compagnons. On les crut d'abord; mais une troupe de foldats qui regardoient Siccius comme leur pere, étant allez d'eux-mêmes fur le lieu du combat pour enlever fon corps, & lui rendre les derniers devoirs, s'apperçurent que ceux qui avoient été tuez dans cette occafion, étoient tous Romains; qu'ils avoient le vifage tourné de fon côté ; qu'on ne leur avoit enlevé ni leurs armes, ni leurs vêtemens; & d'ailleurs qu'il n'y avoit parmi eux aucun foldat des ennemis, & qu'on ne trouvoit même aucune trâce de leur retraite. Toutes ces circonftances leur firent foupçonner que Siccius avoit été

affaffiné parfon escorte. Ce foupçon fe répandit dans tout le camp & y excita des plaintes, & un mécontentement general. Toute l'Armée demandoit avec grands cris qu'on fit le procès à ces affalfins. Mais les Decemvirs les firent échaper; & pour détourner la penfée qu'ils pouvoient être eux-mêmes les auteurs d'une action fi indigne, ils firent faire des funerailles militaires à Siccius, auffi honorables que s'il eût commandé l'Armée en chef. Ce furent ces honneurs fi extraordinaires pour un Plebeïen qu'on fçavoit leur être odieux, qui acheverent de convaincre les foldats, que Siccius n'étoit peri que par leur ordre. Le mécontentement de cette armée paffa bien-tôt dans l'autre camp, & jufques dans Rome. Les citoyens & les foldats, le Senat & le peuple déteftoient tout haut une action fi infame. Tout le monde étoit difpofé à fecouer le joug d'une domination fi cruelle, lorfqu'Appius par une nouvelle entreprife encore plus odieufe & plus tyrannique, mit le comble à fes fureurs, & à la haine que tous les Ordres de l'Etat lui portoient.

Nous avons dit que de concert avec fes Collegues, il étoit resté dans Rome à la tête d'un corps de troupes pour en contenir les habitans fous l'obéiffance du Decemvirat. Ce Decemvir qui avoit réuni en fa perfonne toute l'autorité de la Magiftrature, rendoit la justice dans la place. Comme il étoit un jour dans fon Tribunal, il vit paffer auprès de lui une jeune fille d'une rare beauté, âgée d'environ quinze ans, qui alloit avec fa nourrice aux écoles publiques. Ses charmes, & les graces naiffantes de la jeuneffe, attirerent d'abord fon attention. Il ne put s'empêcher de la regarder avec un plaifir fecret : fa curiofité redoubla le jour fuivant; il la trouva encore plus belle. Et comme cette jeune perfonne paffoit tous les jours dans la place, il conçut infenfiblement pour elle une paffion violente dont les fuites furent également funeftes à l'un & à l'autre. Il avoit pris foin dès le premier jour qu'il l'avoit vûë, de s informer de fon nom & de celui de fa famille. On lui avoit appris qu'elle étoit d'une famille Plebeïenne; qu'elle s'appel

loit Virginie; qu'elle avoit perdu fa mere appellée Numitoria; que Virginius fon pere fervoit actuellement en qualité de Centurion dans l'Armée de F. Vibulanus le Decemvir, & que Virginius avoit promis fa fille à Icilius qui avoit été Tribun du peuple, & qui devoit l'époufer à la fin de la campagne.

Ces nouvelles fi funeltes pour l'amour d'Appius, ne fervirent qu'à l'augmenter. Il eut bien voulu pouvoir époufer lui-même la jeune Virginie; mais outre qu'il étoit marié, il ne pouvoit pas ignorer que les dernieres Loix des douze Tables dont il étoit le principal auteur, interdifoient toute alliance entre les Patriciens & les Plebeïens, & il fe vit réduit à ne pouvoir efperer l'accompliffement de fes defirs criminels, que par la voye honteuse de la féduction.

L'innocence & la pudeur de Virginie, l'empêcherent de lui expliquer lui-même ses mauvais deffeins. Il trouva plus à propos de faire entamer la négociation par une de ces femmes d'intrigue,qui trafiquent fourdement de la beauté & des char

mes de la jeuneffe. Il la combla de D. H. l. 17. bienfaits, & après l'avoir inftruite de p 710. fes intentions, il lui défendit de le. Tit Liv. 1.3.6.13. nommer, & de le faire connoître autrement que comme un homme des premieres Maifons de la ville, & qui avoit une autorité abfolue dans la République. Cette femme s'adreffa par fon ordre à la nourrice de Virginie. Elle fit connoiffance avec elle, tâcha de s'infinuer dans fa confidence ; & après bien des foins foutenus de riches prefens,&de promeffes encore plus magnifiques, cette malheureufe s'ouvrit à elle fur le fujet de fa commiffion. Mais la nourrice fage & fidele, rejetta avec horreur fes prefens & fes propofitions. Appius apprit avec douleur, qu'elle étoit également incapable de fe laiffer furprendre ni corrompre. Ce Magiftrat furieux & opiniâtre dans fes paffions ne fe rebuta point: il eut recours à un autre artifice, & Til inventa une fourbe détestable dont le fuccès devoit faire tomber Virginie entre fés mains.

II en confia le principal rôle à un certain M. Claudius fon Client, homme hardi, effronté, & de ces

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