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ne marche à Rome que pour rendre la liberté à fes concitoyens.

L'Armée entra dans Rome fur le foir fans caufer aucun defordre, & fans qu'aucun foldat quittât fon rang. Ils fe contentoient en paffant d'affurer leurs parens & leurs amis qu'ils n'étoient revenus que pour détruire la tyrannie. Toutes les troupes traverferent paisiblement la Ville, d'où ils fe rendirent au Mont Aventin fans fe vouloir féparer qu'ils n'euffent obtenu la deftitution des Decemvirs, & le rétablisfement du Tribunat.

Appius épouvanté par les remords de fa confcience, & par ce foulevement de l'Armée, n'ofoit paroître en public. Mais Oppius fon Collegue qui craignoit les fuites de ce foulèvement, eut alors recours à l'autorité du Senat ; & contre la coutume des Decemvirs il le convoqua extraordinairement. La plupart des Senateurs n'étoient pas fâchez d'une émotion qui pouvoit fervir à rétablir le gouvernement fur fes anciens fondemens. Cependant comme il étoit dangereux de laisser voir au peuple qu'il

pouvoit fe faire justice lui-même, & pour retenir toujours dans le Senat l'autorité du commandement, on envoya au Mont Aventin Sp. Tarpeius, C. Julius, & P. Sulpicius, tous trois Confulaires, qui demanderent avec feverité à ces foldats, par quel ordre ils avoient abandonné leur camp & leurs Ge

neraux.

Ces foldats embaraffez de cette. queftion, demeurerent quelque tems en filence. Ils le rompirent à la fin, & crierent tous enfemble: qu'on leur envoyât Valerius &Horatius, & qu'ils leur rendroient compte de leur conduite. Ils ne de-mandoient que ces deux Senateurs que parce que la multitude les regardoit comme les ennemis déclarez des Decemvirs, & les défenseurs les plus zelez de la liberté.

Pendant que les trois Confulaires furent au Senat rendre compte de la réponse des foldats, Virginius leur fit envisager qu'il étoit de leur interêt de choisir quelques-uns de leurs Centurions pour entrer en négociation avec les Commiffaires qu'ils avoient demandez. On le

nomma auffi-tôt le premier; mais il s'excufa d'accepter cette commiffion fur la violente douleur dont il étoit accablé, & qui ne lui laiffoit pas toute la liberté d'efprit neceffaire pour foutenir les interêts publics. L'Armée fur fon refus nomma dix autres Centurions; & pour faire honneur à fon choix, on donna à ces Officiers le nom de Tribuns militaires.

L'Armée qui étoit oppofée aux Sabins, fuivit l'exemple de celle d'Algide. Numitorius & Icilius s'y étoient rendus, & y avoient excité le même tumulte. Tous les foldats après avoir élû de leur côté des Chefs pour les commander, marcherent enfeignes déployées droit à Rome, & le joignirent à l'autre Armée. Quoique le Senat ne fût pas fâché de voir l'autorité des Decemvirs anéantie; cependant outre qu'une pareille désertion étoit d'un dangereux exemple, la frontiere demeuroit expofée aux incurfions ordinaires des ennemis. Ainfi on preffa Valerius & Horatius de fe rendre au Mont Aventin pour remettre ces foldats dans leur de

voir. Mais ces deux Senateurs qui voyoient bien qu'on ne pouvoit fe paffer de leur médiation, déclarerent qu'ils ne feroient aucune démarche tant que les Decemvirs qu'ils traitoient d'ufurpateurs, feroient maîtres du gouvernement.

Ces Magiftrats foutenoient au contraire qu'ils ne pouvoient fe dépouiller de leur dignité, qu'ils n'euffent publié & fait recevoir les deux dernieres Tables de Loix qui devoient être ajoûtées aux dix premieres, & que c'étoit le feul terme prefcrit à leur Magiftrature dans la feconde élection des Decemvirs qui s'étoit faite l'année précédente. L. Cornelius toujours paffionné pour le Decemvirat, opina même à ce qu'on n'entrât en aucune negociation avec les deux Armées, qu'elles ne fuffent retournées chacune dans leur ancien camp, & qu'il falloit offrir aux foldats à cette condition une amnistie generale dont neanmoins les auteurs de la défertion feroient exclus.

Mais un fentiment fi imperieux & fi peu convenable à la difpofition des efprits, n'eut point de partifans.

An de.

On fit comprendre au contraire aux
Decemvirs qu'il falloit abfolument
qu'ils renonçaffent à une autorité
qui étoit expirée, & que le Senat &
le peuple n'étoient pas réfolus de
leur continuer. Les foldats en fureur
menaçoient même de les y con-
traindre par force; & ils pafferent
au Mont Sacré, comme dans un
lieu où leurs ancêtres avoient jetté
les premiers fondemens de la liberté
du peuple. Tout étoit à Rome dans
cette agitation qui précéde les plus
grandes révolutions. Enfin les De-
cemvirs craignant d'être accablez
par la multitude de leurs ennemis,
promirent en plein Senat de donner
leur démiffion: ils demanderent feu-
lement qu'on ne les facrifiât pas
la haine de leurs ennemis, & dirent
que le Senat avoit interêt de ne pas
accoûtumer le peuple à répandre le
fang des Patriciens.

à

Valerius & Horatius ayant amené Romezos. cette affaire au point qu'ils fouhaitoient, fe rendirent au camp: ils furent reçus des foldats comme leurs protecteurs. Le peuple ne demanda que le rétablissement de fesTribuns, le droit des appellations, & une

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