Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors]

Le Roy de Navarre ayant reçû avis que Richard comte de Cornouailles, frere du roy d'Angleterre, devoit arriver inceflamment, s'embarqua auffi-tôt avec les débris de fa croifade, pour ne pas rendre le Prince Anglois témoin de fa difgrace. Richard étant arrivé, trouva que l'émir de Carac qui dépendoit en quelque maniere de celui de Damas, n'étoit par maître d'entretenir la tréve. Ce Prince à la tête de fa croifade, s'avança auffi-tôt jusqu'à Jaffa où il reçut un envoyé du Soudan d'Egypte, qui étoit actuellement en guerre avec celui de Damas, & qui lui offrit de fa part une autre tréve. Richard y confentit de l'ady vis du duc de Bourgogne, du comte: Gaulthier de Brienne, neveu de Jean de Brienne, roy de Jerufalem, du Grandmaître des Tempiers, & d'une partie des Seigneurs du pays; & on convint par ce traité, que ce Prince infidéle feroit fortir de Jerufalem, tous les Mahométans qui s'y étoient établis; qu'il rendroit Bethlehem, Nazareth & plu. fieurs villages, avec différens châteaux, qui affuroient le chemin à la capitale de Judée; que tous les prifonniers feroient relâchés de part & d'autre, & que les chrétiens pourroient relever les fortifications de Jerufalem, & des autres

di, continentes fummam

tionis. M. Pa

1241. p. 566.

places qui leur étoient cedées. Le Prin- GUARIN. ce Anglois au défaut d'exploits militai- Littera Cores, conclut ce traité qui n'étoit pas mitis Richar moins utile, & qui fut exécuté avant fon départ; mais dans lequel les Templiers na peregrinapar jaloufie contre les Hofpitaliers, ne ris, in Henr voulurent point à leur tour être com- 111. ad-ann pris. Ainfi, au milieu de ces deux tréves, & 567. les Templiers & les Hofpitaliers reftoient en guerre chacun de leur côté, les uns contre le Soudan de Damas, & les autres contre celui d'Egypte : ces divifions auroient été funeftes à l'Etat, fi ces Soudans,& la plupart des defcendans de Saladin & de Safadin, n'avoient pas été divifés en même tems par des guerres civiles. Ce fut à la faveur de ces troubles, que les chrétiens latins fe virent. enfin maîtres & feuls habitans de Jerufalem. Le Patriarche avec tout fon clergé y revint; on bénit de nouveau les Eglifes; on y célébra enfuite avec une joye infinie les faints Myfteres, & le Grandmaître des Hofpitaliers porta au patriarche tout l'argent qui étoit dans le tréfor de l'Ordre, pour contribuer à relever les murailles de la fainte cité.

Malgré tous les ouvriers qu'on y employoit, le travail avançoit lentement; & à peine avoit on fait quelques légers retranchemens, que la Palef

GUARIN. tine se trouva inondée par un déluge de barbares appellés Corafmins. C'étoient des peuples fortis récemment de la Perfe, & iffus, à ce qu'on prétend, des anciens Parthes du moins ils en habitoient alors le pays, appellé Hircanie Perfienne. D'autres les placent proche de la Corofane; mais je ne fçai fi ces Corafmins, n'étoient pas plữtôt originaires du royaume de Carizme, que Prolomée appelle Chorafmia, d'où ces barbares la plupart paftres, & qui n'avoient guéres de demeures fixes, pouvoient être paffés dans quelques-unes des provinces de la Perfe. Quoi qu'il en foit, ils avoient été enveloppés dans cette fameuse révolution, qui étoit arrivée vingt ans auparavant dans la haute Afie, dont Genchizcan premier Empereur des anciens Mogols Tartares, s'étoit rendu maître. Octay fils de Genchizcan, fucceffeur de ce conquérant ou le Prince Keiouċ fon fils, Caan ou grand Can d'autres difent, Tuly troifiéme fils de Genchizcan, qui avoit eu la Perse dans fon partage, irrité contre ces peuples qui avoient tué ceux de fes officiers qui levoient les tributs, les chaffa des pays de fa domi

nation.

[ocr errors]

Ces peuples payens de religion, cruels,

féroces, & barbares entre les plus barba- GUARIN. res, roulerent en différentes contrées, fans pouvoir trouver de demeure fixe & affurée, ni aucun prince qui les voulût Bibl. Orients fouffrir dans fes Etats: odieux aux ma- p.1001, hométans, comme aux chrétiens par leurs brigandages & leurs cruautés, ils étoient regardés comme ennemis du genre humain. Il n'y eut que le foudan d'Egypte, qui pour fe venger des Templiers, & de la ligue qu'ils avoient faite avec fes ennemis les Soudans ou Emirs de Damas, de Carac & d'Emefle, con- ad ann. 1244. feilla à Barbacan chef & général des P Corafmins, de fe jetter dans la Palestine; de S. Louis pa il lui en représenta la conquête facile; les places démantelées & ouvertes de tous côtés, peu de troupes dans le pays, de la divifion parmi les chefs; à quoi il ajouta des préfens confidérables, & la promeffe d'un puiffant fecours, & de joindre un corps de troupes à fon armée.

[ocr errors]

Il n'en falloit pas tant pour détermi. ner des peuples fauvages & barbares qui à la pointe de l'épée, cherchoient des terres qu'ils puflent habiter ; ils avoient pénétré jufques dans la Méfopotamic. Barbacan en partit auffi-tôt à la tête de vingt mille chevaux, & entra dans la Palestine avant qu'on en eût eu la moin

98.

Matt. Paris

Foinville via

1243a

de

GUARIN. dre nouvelle. Mais les cruautés de cette Sanus. p. 217. nation, le feu qu'ils mettoient par-tout, les annonça bien-tôt. Jerufalem étoit encore ouverte de toutes parts; les Grands-maîtres de l'Hôpital & du Temple s'y trouvoient alors, mais prefque fans troupes. Dans une conjoncture fi furprenante, ils crurent qu'ils n'avoient point d'autre parti à prendre, que conduire les habitans à Jaffa, place fortifiée & hors d'infulte; de tenir enfuite la campagne, & de raffembler toutes les troupes pour s'opposer aux entreprises des ennemis. Tout fortit de Jerufalem fous la conduite des Chevaliers, excepté un petit nombre d'habitans qui avoient peine à abandonner leurs maifons, & qui à la hâte éleverent de foibles retranchemens dans les endroits les plus ouverts. Cependant les Corafmins arrivent, emportent ces re tranchemens, entrent dans la ville l'é pée à la main, mettent tout à feu & à fang, fans épargner ni l'âge ni le fexe; & pour tromper les chrétiens qui s'étoient enfuis, ils planterent fur les tours des étendarts avec la croix. Ceux qui avoient pris le devant, avertis qu'on voyoit encore les croix arborées fur les murailles touchés du regret d'avoir abandonné leurs maifons avec tant de

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »