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CHAPITRE X I.

Du rétablissement des Forêts & des Bois.

LEs dégradations dont nous avons parlé,

& trop fouvent l'inexécution des Ordonnances pour la confervation & l'entretien des bois, ont opéré des dépériffements bien confidérables dans plufieurs des forêts du Roi auxquelles la rareté du bois doit engager plus que jamais à remédier : la bienfaifance du Souverain le demande pour fubvenir aux befoins du public, & la cherté du bois indemnifera des dépenfes qu'il faut faire pour remettre en valeur les forêts dégradées.

Le bien général & le bien particulier eft effentiellement intéreffé au rétabliffement des forêts, & c'est l'opération la plus importante, on peut même dire la plus preffante qui doive fixer l'attention & les fcins du Gou

vernement.

La plupart des forêts du Roi, très-dégarnies, donnent beaucoup moins de produit, premiere caufe de la difette de bois qui commence à fe faire fentir.

On a parlé d'un moyen de remettre les forêts du Roi en valeur, c'est de les céder à cens & par parties à des particuliers que leur intérêt porteroit à les rétablir, à les entretenir & à les conferver; l'augmentation des

revenus de l'Etat & l'abondance du bois fe roient les fuites infaillibles d'un pareil arrangement. Mais fi des difficultés ou des confidérations particulieres empêchent d'y avoir recours, il eft plus aifé & moins difpendieux qu'on ne penfe peut-être, de rétablir & d'entretenir en bon état les forêts du Roi.

Je m'abftiendrai de parler ici des Réglements néceffaires pour cet effet, je m'en tiendrai à expofer les meilleurs moyens à prendre pour parvenir à moindres frais à repeupler les bois.

Quand bien même on veilleroit avec foin à leur confervation, il manque toujours un plus ou moins grand nombre de fouches qui périffent de vétufté, de maladies, d'accidents, & par les manœuvres des malfaiteurs; de là des plus ou moins grandes clairieres, & des vagues quelquefois très-étendues qui diminuent confidérablement le produit d'une forêt : ces clairieres auroient pu d'abord fe regarnir naturellement par les femences qui s'y répandent ou qui y font apportées par les oiseaux; mais les bêtes rouffes, le fauve & le bétail mangent une partie des femences & broutent les jeunes arbres qu'elles ont produites, & le mal ne fait qu'augmenter.

On fait que les Officiers des Eaux & Forêts font tenus d'examiner les clairieres ou vagues, & d'en tenir note dans leurs procèsverbaux de vifite, pour mettre le Confeil en état d'y pourvoir. Nous n'examinerons point ici fi ce compte fe rend toujours bien exac

tement; obfervons feulement que ces omif fions d'entretien qui coûteroient peu d'abord, peuvent être comparées à des réparations qui, lorfqu'elles font négligées, augmentent de jour en jour, & obligent enfin le Proprié taire à réédifier entiérement fa maison.

Notre objet eft d'examiner ici les meilleurs moyens & en même temps les moins difpendieux de répeupler, de regarnir & remettre en valeur non-seulement les bois du Roi qui ont été négligés & dégradés, mais auffi ceux des Propriétaires particuliers qui pourroient être en cet état.

Je dois prévenir qu'il est très-inutile & de nul effet d'en pratiquer aucun, fi on ne commence par interdire abfolument l'entrée des animaux qui broutent dans les bois. J'en ai déja fait voir les conféquences que je ne puis trop répéter.

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Les habitants naturels des bois, tels que les cerfs & les biches les chevreuils & les lapins y font de terribles ravages, lorf qu'ils s'y font beaucoup multipliés ; c'est à quoi il faut remédier par des battues & des chaffes fréquentes, & par le furet pour les lapins.

Cette grande multiplicité de bêtes fauves ne devroit être permife que dans les forêts où le Roi & les Princes viennent prendre le divertiffement de la chaffe; on devroit l'empêcher dans toutes les forêts où ils ne chaffent point.

Les Seigneurs Propriétaires des grands bois ont foin de les détruire, tant pour leur inté rêt particulier que par humanité pour les

Riverains, dont les grains & les vignes fouffrent beaucoup des incurfions noЯurnes de ces animaux.

Examinons maintenant tous les cas où les bois ont befoin d'être réparés, felon leur différent état de dépériffement & les meilleurs moyens à employer: nous allons détailler plufieurs procédés pour repeupler un bois qui n'est que dégarni; mais à l'égard de ceux où, par des négligences multipliées, les clai rieres & les vagues font devenues très-étendues, c'est presque une nouvelle formation qu'il faut faire; & pour fuivre la comparaifon, c'est une maison où il ne manquoit d'abord que quelques tuiles qu'il eût été aifé de remplacer à peu de frais; mais comme on a uégligé de le faire, le dommage s'eft tellement accru qu'il faut refaire toute la toiture à neuf de même dans les vagues, devenues très-étendues, il faut reformer un bois & ufer des moyens dont nous avons parlé; c'est-à-dire de labourer le terrain pour l'enfemencer ou y repiquer de jeune plant.

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Mais fi les clairieres ne font pas fort étendues, & qu'il y ait à portée des arbres qui puiffent y répandre des femences, il n'y a fouvent qu'à laiffer opérer la Nature, qu'il eft bon cependant d'aider, comme je vais l'expliquer.

Les glands, les faines, les graines de frênes, d'ormes, &c. germent d'elles-mêmes, fur le terrain; la radicule s'y enfonce, & le jeune arbre s'y éleve. Mais il périt fouvent de ces femençes, foit par la gelée, foit par la

curée des oifeaux & autres petits animaux ; de plus, la plus grande partie defféchée par le fo leil, périt enfuite fans germer; ce qui arrive encore à celles qui, n'étant point enveloppées de terre & ne rencontrant qu'un fol dur & mal difpofé à les recevoir, pouffent leur germe à pure perte.

Il eft un moyen bien fimple & peu coû teux pour favorifer la germination de ces femences; c'est d'ouvrir avec la houe de petites tranchées, en tout fens, d'environ deux ou trois pouces de profondeur dans les clai rieres: cette opération doit fe faire avant la chûte des femences, pour recevoir celles que les arbres d'alentour pourront y répandre; finon il faudroit y en jetter de celles qu'on auroit ramaffées ailleurs: on remplit ces tranchées au mois de Novembre avec la terre qu'on en a retirée & qu'on avoit laiffée à côté, les femences qui font tombées dans les i tranchées & même celles qui fe trouvent fur les evers font ainfi recouvertes & réuffiffent affez bien; on en voit fortir au Printemps une quantité de jeune plant qui, en peu d'années, regarnit les clairieres.

Il eft quelquefois mieux, felon les circonftances, de faire des foffés de diftance en diftance, plus larges & plus profonds dans les clairieres, & de répandre la terre qu'on en retire au hafard fur la furface du terrain; on recouvre ainfi les femences qui s'y font répandues, & on affure leur germination & leurs fuccès. Ces moyens, d'une exécution fácile & peu coûteufe, peuvent feuls rétablir un

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