Imágenes de páginas
PDF
EPUB

DISCOURS

PRÉLIMINAIRE.

DES

ES branches nombreuses de la Phyfique, il en est peu dont la connoiffance importe plus à notre confervation que celle de l'Electricité; & il n'en eft point dont les phénomènes, vus en grand, offrent un fpectacle à la fois plus fingulier, plus impofant, plus terrible. De tout tems, ces phénomènes furent un mystère impénétrable que le vulgaire admiroit ftupidement, & que les Philofophes expliquoient fottement la gloire de le percer étoit réfervée à quelques Phyficiens de nos jours.

D'autres ont fait l'hiftoire de l'Electricité; contentonsnous d'y jetter un coup d'œil rapide: mais passons sous filence la longue fuite de fiècles où le nom même de cette fcience (1) fut inconnu, pour nous tranfporter à l'époque où elle devint l'objet d'une étude fuivie.

(1) Quelques faits échappés à la confufion des tems laissent appercevoir qu'elle eut, comme toutes les autres fciences, des commencemens foibles & obfcurs. Depuis l'origine des chofes, la vertu électrique s'étoit manifeftée par l'attraction : mais durant bien des fiècles elle ne fut connue que par ce phénomène. Thales, le premier, l'obferva dans l'ambre jaune. Surpris de voir cette substance attirer des corps légers, après avoir été frottée vivement, il la crut animée ; opinion ridicule, qui ne paroît pas avoir trouvé de partifans. Ce phénomène que Thalès avoit obfervé dans l'ambie, A

--

On n'ignore point que fes progrès furent très-lents, & ils dûrent l'être. Dans une matière où tout paroiffoit tenir du prodige, on ne fongea d'abord qu'à confidérer des phénomènes que quelques circonftances fortuites avoient mis fous les yeux; ensuite on essaya de les faire reparoître à volonté telles furent les premières expériences. Ref treintes à quelques objets particuliers, bientôt on les étendit à différens objets, & on obferva les résultats.

:

Vers la fin du fiècle dernier, Gilbert (1) ouvrit la carrière des recherches électriques : mais il fe borna à découvrir les fubftances qui s'électrifent par frottement, & celles qui empêchent ou favorifent l'électrifation. Pour cela, il fit usage d'une aiguille légère mouvant fur pivot : -méthode auffi fimple qu'ingénieuse.

Excités par fon exemple, quelques Membres de l'Académie del Cimento fe livrèrent aux mêmes recherches, & ils augmentèrent la table qu'il venoit de commencer.

Otton de Guerike, (2) qui fuivit de près, entreprit d'exciter fortement l'Electricité à l'aide d'un globe de foufre tournant fur fon axe par une manivelle; expédient qui fit naître l'idée de la machine électrique.

Il obferva la différence des phénomènes d'attraction & de répulfion que préfentent une plume, un bout de fil

Théophrafte l'obferva dans le Lyncurium, qui paffe pour être la tourmaline. Pline, Strabon, Plutarque, &c. l'observèrent enfuite dans le jais. Comme il s'étoit d'abord décelé dans l'ambre jaune que les Grecs nommoient Eledron, nous en avons déduit le mot Electricité. Et ce mot fouvent employé à défigner la vertu électrique, défigne plus fouvent encore l'ensemble des phénomènes qui dépendent de cette propriété.

(1) Voyez Gilbert. de Magnete.

(2) Voyez Experimenta Magdeburgica. Lib. 4, cap. 25.

& d'autres petits corps électrifés par des fubftances de différente nature.

Il obferva auffi que la vertu électrique fe tranfmet à certaine distance le long d'un fil de lin.

Enfin il obferva qu'un globe de foufre frotté répand une lueur fenfible, & refte enfuite électrifé durant des heures entières.

Boyle, émule & contemporain de Guerike, étendit la Table des corps électrifables par frottement; il s'apperçut que le foufre n'eft pas la feule substance frottée qui devienne lumineufe, & il découvrit que l'attraction électrique s'exerce dans le vide comme dans le plein.

Après Boyle, l'Electricité fut négligée quelque tems, Hawkesbée (1) parut & en fit l'objet de ses recherches.

A l'aide d'une machine propre à frotter rapidement les corps dans le vide, il obferva que certaines fubftances y répandent plus de lumière qu'en plein air.

Trouvant les matières vitreufes fort électrifables, il fubftitua un tube de verre au globe de foufre, il s'en fervit à répéter diverfes expériences, & il obferva que ce tube vide s'électrifoit foiblement; mais qu'il acquéroit enfuite beaucoup d'électricité par la fimple intromiffion de l'air."

Il s'apperçut à l'obfcurité que certains corps tirent une légère étincelle accompagnée de pétillement, lorsqu'on les approche du tube électrifé plein d'air; ce qui n'arrive plus dès qu'il eft vide.

L'attraction électrique ne s'étoit encore manifeftée dans aucune substance qu'à l'aide du frottement; il la vit paroître d'elle-même dans la réfine qui venoit d'être fondue; & cela en lui préfentant une feuille d'or à la distance de quelques pouces.

(1) Voyez Phyfico-Mechanical Experiments.

1

Enfin il imagina de faire tourner fur fon axe un globe de verre au moyen d'une poulie, d'une roue & d'une corde; - espèce de machine électrique : mais imparfaite comme elle étoit alors, on conçoit qu'elle dut produire peu d'effet, même entre les mains de fon Inventeur.

Grey (1) pourfuivit avec fuccès les découvertes de Hawkesbée. Voulant un jour s'affurer fi le tube bouché produiroit les mêmes phénomènes, il vit un floccon de duvet qui flottoit au-deffus de l'un des bouchons attiré, puis repouffé par le liége comme il l'étoit par le verre. De cette obfervation, il inféra d'après fon maître que l'Electricité fe communique par contact. Dans le deffein de vérifier cette conféquence, il fufpendit une boule d'ivoire au bout d'une longue ficelle, nouée par l'autre bout à un tube de verre électrifé: la boule attira & repouffa alternativement une feuille de cuivre placée au-deffous.

Après avoir tranfmis en ligne verticale l'Electricité, il entreprit de la tranfmettre au loin en ligne horisontale ; & il y parvint à l'aide d'une ficelle fufpendue à des fils de foie. Ayant remplacé par un bout de cannetille (2) un des fils qui s'étoit rompu, l'Expérience manqua ; ce qui lui fit penfer que le fuccès dépendoit de la nature des supports de la ficelle de-là, l'idée des conducteurs.

:

Enfin il découvrit que l'Electricité peut fe communiquer fans contact, par la fimple approche du tube électrifé.

Encouragé par tant de fuccès, du Fay fe mit à faire des recherches. Jufqu'à lui, tout ce que l'on connoifsoit fur l'Electricité fe réduifoit à des obfervations particulières, il s'appliqua à les généralifer, & à rappeller les effets à leurs causes; c'est-à-dire, à étudier ce sujet en Phyficien.

(1) Voyez les Tranfactions Philofoph. abrégées, vol. 7 & 8. (2) Fil métallique extrêmement délié.

Grand obfervateur, il ne négligea rien de ce qui auroit pu le conduire à de véritables découvertes: on mettra néanmoins en question s'il augmenta les foibles rayons qui commençoient à nous éclairer.

D'après fes nombreuses (1) expériences, il établit comme règles certaines » que les animaux & les métaux font de tous les corps ceux qui s'électrifent davantage par communication, & les feuls qui ne s'électrisent point par frottement «<: deux règles peu fondées, mais dont il étoit impoffible encore de fufpecter la fauffeté.

Répétant avec un tube de verre & une feuille d'or l'expérience de Guerike, dans laquelle une plume avoit été attirée, repouffée & foutenue en l'air au-deffus d'un globe de foufre; il vit avec furprise cette feuille s'attacher à un morceau de gomme copal frottée qu'il lui préfentoit. Ce phénomène lui parut contredire la loi de la répulfion des corps électrifés, qu'il regardoit comme invariable; il travailla à le constater par de nouvelles expériences, & il ne trouva d'autre moyen d'en rendre raison que de diftinguer de l'électricité du verre l'électricité de la gomme copal (ou plutôt des réfines), comme deux espèces effentiellement différentes par leur nature; -vaine diftinction que les Phyficiens n'ont point admise, fans toutefois en démontrer le faux.

L'étincelle qu'on tire de certains corps électrisés avoit été regardée comme la lumière fans chaleur de divers phofphores mais le pétillement qui l'accompagne & l'impreffion qu'elle produit fur le toucher lui firent croire qu'elle étoit réellement du feu : - opinion erronée, quoique vraisemblable & univerfellement reçue.

Sans doute il est humiliant que l'efprit s'égare de la

(1) Voyez les Mém. de l'Acad. des Sc. pour 1733 & 1734

« AnteriorContinuar »