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que l'on ressent à quitter son ancienne patrie. C'est par ces moyens, pleins d'une sage prévoyance, et peu connus chez les autres peuples, que Rome s'acheminoit insensiblement à cette puissance et à cette grandeur à laquelle la Providence la destinoit.

On forma aussi dix nouveaux escadrons de cavaliers tirés des Albains, et l'on augmenta à proportion les anciennes légions. Ainsi le nouveau peuple fortifia tous les ordres de l'état.

nates.

Tullus laissa reposer ses troupes pendant tout l'hiver, Guerre conet au commencement du printemps il les fit marcher contre tre les Fideles Fidénates. Ils eurent la témérité de faire tête aux Dionys.1.5, Romains, qui leur étoient beaucoup supérieurs pour le pag. 172. nombre et pour le courage. Aussi cette guerre ne fut-elle ni difficile, ni de longue durée. Après la perte d'une bataille, les Fidénates se réfugièrent dans leur ville. Tullus en forma le siége, et les pressa si vivement, qu'il les obligea de se rendre à discrétion. Maître absolu de Fidènes, il se contenta de faire punir les plus séditieux, et rétablit la ville dans son ancienne liberté.

Guerre con

Liv. lib. 1,

сар. 30.

Il trouva plus de résistance de la part des Sabins, na- Ax. R. 100. tion la plus puissante du pays après les Etrusques. La AN.J.C.652. cause de cette nouvelle guerre fut des torts réciproques tre lesSabins. que les deux peuples prétendoient avoir reçus, et sur lesquels, de part et d'autre, on avoit refusé de donner Dionys. pag. satisfaction. Cette guerre dura quelques années, et se 173-175. fit avec beaucoup d'animosité. Il se donna plusieurs combats fort sanglans avec un succès à peu près égal de part et d'autre. Enfin, dans un dernier, les Sabins, obligés de lâcher le pied, furent mis en déroute. On les suivit dans leur fuite, et on en fit un grand carnage. Les Romains profitèrent de leurs dépouilles, pillèrent leur camp, et, chargés d'un gros butin, revinrent triomphans à Rome.

Guerre con

Cette expédition fut suivie de la guerre contre les La- AN. R. 102. tins. Ce qui brouilla les villes latines, anciennes colonies Av.J.C.650. d'Albe, avec Rome, fut le refus qu'elles firent de se sou- trelesLatins. mettre à l'empire romain. Quinze ans après que la Dionys.l.3, ville d'Albe eut été détruite, Tullus fit sommer par

TOM. I. HIST. ROM.

7

p. 175.

ses ambassadeurs les trente colonies dépendantes autrefois de la ville d'Albe, de reconnoître les Romains pour souverains, prétendant que, devenus les maîtres des Albains, ils étoient entrés dans tous les droits d'un peuple qu'ils avoient soumis et incorporé à Rome. On aperçoit ici déjà le génie et le caractère du peuple romain. Etabli assez avantageusement dans un pays où il n'avoit été reçu, pour ainsi dire, que par grâce et à titre précaire, il n'imite point les autres peuples, qui se contentoient du domaine qu'ils avoient acquis, et ne songeoient point à s'assujettir ni à dépouiller leurs voisins. On diroit que les Romains dès-lors avoient un secret pressentiment de leur future grandeur, et qu'ils se croyoient destinés à devenir un jour les maîtres de tous les autres peuples.

On sent bien que la proposition faite aux Latins par Tullus ne pouvoit pas ne leur point déplaire infiniment. Tel fut le sujet de la guerre entre les Romains et le peuple latin. Elle dura cinq ans; mais ce fut une guerre à l'ancienne manière, où l'on garda toujours beaucoup de modération. On ne vit point de grosses armées rangées en bataille les unes contre les autres chercher à se détruire par de sanglans combats. Il n'y eut point de villes prises, ni assujetties sous l'esclavage, ni réduites aux dernières extrémités. On se contentoit de faire ́des courses sur les terres les uns des autres pendant le temps de la moisson; et la campagne une fois dépouillée, chacun s'en retournoit chez soi après un échange mutuel des prisonniers. Médullie, ville du nom latin, où les Romains avoient envoyé une colonie sous le règne de Romulus, pour s'être soustraite une seconde fois à l'obéissance, et avoir pris parti avec ceux de sa nation, fut la seule dont le roi des Romains fit le siége. Il en vint aisément à bout, et il la fit si bien rentrer dans le devoir, qu'elle ne songea plus à la révolte. Nul autre des malheurs qu'apportent ordinairement les guerres ne se fit sentir pendant tout ce temps, ni aux Latins, ni aux Romains; ce qui fit que les esprits, moins aigris de part

Liv. lib. 1,

et d'autre, se trouvèrent plus disposés à faire la paix. Quelque temps après qu'elle eut été conclue, on vint Divers proapprendre au roi et aux sénateurs qu'il étoit tombé une diges. pluie de pierres sur le mont Albain. On crut aussi en- cap. 31. tendre une voix qui ordonnoit aux Albains de suivre dans les cérémonies sacrées le rit ancien, qu'ils avoient mis en oubli depuis leur réunion avec les Romains, comme si, en quittant leur patrie, ils avoient aussi quitté leurs dieux. En conséquence du prétendu prodige de la pluie de pierres, on ordonna des sacrifices pendant neuf jours, et cette coutume s'observa toujours depuis en pareil cas.

cap. 31.

Dionys.l.5,

Vers le même temps, un mal plus réel, je veux dire Grande peste la peste, affligea la ville de Rome. Cette maladie engour- suivie de sudit le courage et les mains des soldats, qui ne pouvoient Liv. lib. 1, perstitions. se résoudre à reprendre les armes et à se remettre anx exercices militaires. Mais Tullus, qui ne respiroit que p. 176. la guerre, et qui croyoit que le mouvement et l'agitation leur étoit plus utile même pour la santé, ne leur donnoit aucun relâche, jusqu'à ce que lui-même fut attaqué de la maladie. Comme elle fut longue et opiniâtre, elle abattit tellement le courage et la fierté de ce prince, qui avoit regardé jusqu'alors comme une foiblesse indigne d'un roi de s'amuser aux cérémonies et aux observances de religion, que, changé tout d'un coup en un autre homme, comme il arrive assez ordinairement à nos esprits forts, il se livra sans réserve aux superstitions les plus basses et les plus puériles. Pour ce qui regarde le commun des Romains, l'ancien respect pour la Divinité se réveilla généralement dans la ville. Revenus tous au même esprit qui régnoit sous Numa, ils ne trouvoient d'autre remède au mal qui les pressoit que de recourir aux dieux, et d'apaiser leur colère par des sacrifices. Comme on cherche pour l'ordinaire à mettre du merveilleux dans la mort des princes, on dit que le roi s'é- lus.

a Il n'est pas besoin d'avertir que cette pluie de pierre n'est autre chose qu'une très-grosse grêle.

Mort de Tul

tant enfermé pour faire, à l'imitation de Numa, certains

I

AN. R. 113. sacrifices occultes et secrets, où il n'observa pas les rits Av.J.C.639. commandés, Jupiter, blessé de cette religion mal entendue, lança contre lui la foudre, dont il fut brûlé avec toute sa maison. On raconte aussi sa mort de quelques autres manières, et l'on croit qu'Ancus Marcius y avoit eu part. Tullus avoit régné trente-deux ans. Ce fut un prince d'un rare mérite en ce qui regarde la guerre, qu'on ne peut assez louer pour sa présence d'esprit dans les combats et sa prudence au milieu des plus grands dangers; mais les historiens de sa nation l'ont blâmé d'avoir trop aimé les armes, et d'avoir négligé et ensuite outré le soin de la religion.

AN. R. 114.

cius rétablit

ARTICLE QUATRIÈME.

RÈGNE D'ANCUS MARCIUS

Ancus Marcius rétablit le culte divin négligé sous son prédécesseur. Il essuie plusieurs guerres malgré lui, ety remporte toujours l'avantage. Il agrandit Rome en y ajoutant le mont Aventin. Il fait bâtir la ville d'Ostie. Il ferme de murailles le Janicule. Lucumon, né à Tarquinies et originaire de Corinthe, vient s'établir à Rome avec Tanaquil sa femme. Il se rend agréable au roi et au peuple. Il prend le nom de Lucius Tarquin. Mort

d'Ancus.

Après un court interrègne, le peuple choisit pour roi Av.J.C.638. Ancus Marcius, petit-fils de Numa par une fille de ce Ancus Mar- prince son élection fut confirmée par le sénat. Le noule culte divin veau roi, voyant qu'on avoit négligé beaucoup de sacriLiv. lib. 1, fices institués autrefois par son aïeul; que la plupart des Dionys.1.3, Romains, désaccoutumés de cultiver la terre, ne cherchoient qu'à s'enrichir du butin qu'ils faisoient sur l'ennemi, fit assembler le peuple, et représenta qu'il falloit

c. 32. 33.

P. 177-183.

1 Ira Jovis sollicitati pravá religione.

ranimer la même ardeur pour le service des dieux qu'ils avoient eue sous le règne de Numa; que le mépris qu'on avoit fait de leur culte avoit attiré sur Rome des maladies, des pestes et une infinité de malheurs; que l'unique moyen d'y remédier étoit de reprendre leurs premiers exercices, et de s'adonner, comme autrefois, à la culture des terres et au soin des troupeaux. Ce discours fut reçu avec de grands applaudissemens, et généralement approuvé.

Ancus, avant toutes choses, travailla à remettre sur pied et à faire observer les sages règlemens de son aïeul sur ce qui regardoit la religion. Pour cet effet, il manda les pontifes, et reçut de leurs mains les écrits qu'avoit composés Numa sur les sacrifices. Il les transcrivit sur des planches de chêne ( car la coutume n'étoit pas encore d'employer l'airain à cet usage ), et il les fit exposer dans la place publique pour en faciliter la lecture à tout le peuple. Il remit aussi en vigueur le labourage et l'agriculture. Il renvoya de la ville tous les gens oisifs, et il ranima dans toutes les campagnes l'ardeur et la vigilance par les louanges qu'il donnoit aux bons travailleurs, et par les réprimandes qu'il faisoit à ceux dont les terres étoient négligées, tous soins dignes d'un bon roi et d'un sage gouvernement.

tre les Latins.

Ces heureux commencemens promettoient un règne Guerre contranquille; mais lorsqu'il n'étoit occupé que de régler son état et de mettre partout le bon ordre, les Latins, qui avoient fait un traité d'alliance avec les Romains sous Tullus, répandirent de tous côtés des partis dans la campagne, persuadés que l'éloignement qu'avoit Ancus pour la guerre venoit de pusillanimité, ou de peu d'exou de périence. Ils le regardoient comme un prince pieux et dé vot, qui passeroit tout son règne dans les temples, au milieu des autels et des sacrifices. Ils se trompoient. ' Ancus

1 Medium erat in Anco ingenium, et Numo et Romuli memor: et,præterquàm quòd avi regno magis necessariam fuisse pacem credebat, cùm in novo tum feroci populo, etiam, quod

I

illi contigisset otium, sine injuriá ið
se haud facilè habiturum. Tentari
patientiam, et tentatam contemni ;
temporaque esse Tullo regi aptiora,
quàm Numæ. Liv. lib. 1, cap. 32.

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