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son train, spectacle nouveau dans Rome, attirèrent d'abord sur lui les yeux de tous les habitans; mais bientôt après on ne fut plus attentif qu'à sa personne même, et ses rares qualités lui acquirent une estime générale. Un abord doux Eloge deLu et affable, des manières honnêtes et prévenantes à l'égard cumon. de tout le monde, une inclination naturelle à obliger, et une sorte d'empressement, mais sans faste et sans ostentation, à aider de ses revenus ceux qui étoient dans le besoin, lui gagnèrent tous les cours. Qu'il est beau, qu'il est rare de faire un tel usage des richesses, qui seul néanmoins les peut rendre estimables! Peut-être sa libéralité n'étoit-elle pas tout-à-fait désintéressée.

On ne parloit que de Lucumon à Rome. Le bruit de ses vertus et de ses libéralités passa jusqu'à la cour, et fit naître au roi l'envie de le connoître. Il ne perdit rien à être vu de près. Ancus avoua que son mérite passoit de beaucoup sa réputation. Il le mit à l'épreuve, et le trouva propre à tout. Lucumon s'acquittoit avec une dextérité et une promptitude merveilleuse de tous les emplois dont le prince l'honoroit. Il brilloit dans les conseils par la sagesse de ses avis, qui étoient toujours suivis. Il ne se distingua pas moins dans les actions guerrières par son courage et sa prudence; et, ce qui est encore plus admirable que tout le reste, il sut tempérer l'éclat de tant de belles qualités par une si parfaite modestie, que jamais l'envie n'osa l'attaquer, et qu'il fut toujours également agréable aux grands et aux petits. Le roi ne mit aucune borne à sa confiance, et il lui en donna une dernière marque en l'établissant, par son testament, tuteur de ses enfans. Ancus mourut après avoir Mort d'Anrégné vingt-quatre ans. Il ne le céda en mérite, soit pour aus. R. 158. la guerre, soit pour la paix, à aucun de ses prédéces- Av. J.C.614.

seurs.

AN.

Tarquin est déclaré roi.

AN. R. 138. Av.J.C.614. Liv. lib. 1,

сар. 35.

ARTICLE CINQUIÈME.

RÈGNE DE TARQUIN L'ANCIEN.

Tarquin est déclaré roi. Il crée cent nouveaux sénateurs. Il soutient plusieurs guerres contre les peuples voisins, et en sort toujours avec avantage. Etablissement de Tarquin pendant la paix. Il augmente, embellit, et fortifie la ville. Il creuse les égouts de Rome, ouvrage magnifique. Il batit le Cirque. Il prépare les fondemens du Capitole. Histoire de l'augure Névius. Naissance de Servius Tullius. Tarquin le choisit pour gendre. Mort du roi, assassiné par l'ordre des enfans d'Ancus Mar

cius.

Les fils d'Ancus Marcius étoient déjà sortis de l'enfance. L'aîné avoit quatorze ans, et pouvoit par conséquent être un obstacle aux projets ambitieux de Tarquin, si l'élection d'un roi eût été différée de quelque temps. Tarquin. le sentit, et c'est ce qui l'engagea à presser cette élection. Il se montra alors tel qu'il avoit toujours été dans le secret et dans le fond du cœur, c'est-à-dire possédé d'un désir de régner qui avoit animé toutes ses démarches.

que

Cet exemple nous fera connoître l'ambition peut prendre le masque de toutes les vertus pour parvenir à ses fins, et paroître aux yeux des hommes modeste, équitable, désintéressée, bienfaisante. Quoique pour lors ce ne soient que de fausses vertus, un état pourtant seroit fort heureux, si ceux qui sont parvenus au commandement par cette voie y conservoient toujours le même caractère et c'est ce que fit Tarquin.

Quand le jour de l'assemblée fut indiqué, Tarquin, qui craignoit que la présence des fils d'Ancus ne fût contraire à ses vues, les écarta sous prétexte d'une partie de chasse. Dionys.l.3, Il ne dissimula plus son dessein, et, par un discours propre à gagner les suffrages du peuple, il demanda ouvertement la royauté, ce qu'aucun de ses prédécesseurs n'avoit

p. 186.

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fait. Tarquin représenta à l'assemblée « que sa prétention
<< n'étoit pas sans exemple, puisque deux étrangers étoient
« déjà montés sur le trône avant lui, Tatius et Numa; et
« que le premier, non-seulement d'étranger, mais d'en-
nemi, étoit devenu roi : que, pour lui, depuis qu'il avoit
« été maître de lui-même et avoit pu disposer de son sort,
«< il s'étoit transporté à Rome avec sa femme et tous ses
« biens que de ce temps de la vie où les hommes sont
occupés aux emplois publics il en avoit passé une plus
grande partie à Rome que dans son ancienne patrie :
« qu'il avoit eu le bonheur, tant en guerre qu'en paix,
« d'être formé sous la discipline d'Ancus Marcius lui-
« même, qui avoit bien voulu lui servir de maître, et que
« c'étoit sous lui qu'il avoit appris le droit, les lois et les
« coutumes romaines : qu'il ne l'avoit cédé à aucun des
« anciens Romains pour la soumission et le respect envers
« le roi, ni au roi même pour la générosité et l'inclina-
«<tion bienfaisante envers tous les citoyens. » Ce discours
fut d'autant mieux reçu, qu'il ne contenoit rien que de
vrai. Le peuple, d'un commun consentement, le choisit
pour roi.

cent nouveaux séna

Liv. lib. 1,

cap: 35.

p.199.

Il commença, pour gagner le peuple de plus en plus, Tarquin crée par faire choix de cent plébéiens les plus distingués dans la profession des armes, et les mieux entendus dans les teurs. affaires de l'état, et il les éleva à la qualité de patriciens et de sénateurs; en quoi il ne travailla pas moins pour ses Dionys.l.3, propres intérêts que pour ceux de l'état; car c'étoient autant de créatures qui, lui étant redevables de leur élévation, devoient lui demeurer fortement attachées. Ils furent nommés sénateurs et patriciens du second rang de la noblesse, patres minorum gentium, pour les distinguer de ceux de l'ancienne création, qu'on appeloit sénateurs du premier rang, patres majorum gentium. Ainsi le sénat, qui jusqu'alors n'avoit été composé que de deux cents membres, par cette nouvelle création le fut de trois cents; et il demeura fixé pendant plusieurs siècles à ce nombre. C'étoit rendre un grand service à la république que de remplir ainsi d'excellens sujets une compagnie où

Nombre des vestales aug

199.

se traitoient et se décidoient toutes les grandes affaires. Et c'est en effet à la sage conduite du sénat que Rome sera redevable de sa grandeur. Mais il est bien étonnant, comme je l'ai déjà remarqué, et bien glorieux pour cette compagnie, qu'une augmentation n'y ait point trouvé d'opposition, et n'ait excité aucune plainte.

Tarquin accrut aussi le nombre des vestales préposées menté. pour entretenir le feu sacré. Numa, comme nous l'avons Diony's. pag. dit, en avoit institué quatre: Tarquin en ajouta deux, parce que, les sacrifices publics et les cérémonies qui regardent le culte divin où les prêtresses de Vesta devoient se trouver étant multipliés, il fallut augmenter le nombre des ministres. Celui des vestales demeura toujours dans la suite fixé à six.

Jalousie des

sins contre

Il fit aussi d'autres établissemens par rapport à la religion, à la police et à l'embellissement de la ville, que je ramasserai ensemble vers la fin de son règne, pour ne point interrompre la suite des guerres qu'il eut à soutenir en grand nombre. J'en abrégerai extrêmement le récit, excepté lorsqu'il s'y trouvera quelque circonstance impor tante et digne de l'attention du lecteur.

Il n'est pas étonnant que les peuples voisins de Rome peuples voi- vissent d'un œil jaloux cette ville s'accroître considéraRome. blement par de nouvelles conquêtes, et être obligée par Dionys,1.5, la multiplication de ses nouveaux citoyens de reculer au Liv. lib. 1, loin ses bornes, et d'augmenter de jour en jour l'enceinte

p. 186-199.

c. 36-38.

de ses murailles. Les principaux de ces peuples étoient les Latins, les Etrusques, les Sabins. Le plus léger prétexte leur faisoit oublier des traités et des sermens que la seule nécessité avoient extorqués d'eux, et les portoit à renouveler des guerres qui jusque-là leur avoient toujours été funestes, mais dont ils espéroient toujours un meilleur succès. Tantôt ils attaquoient Rome seuls et séparément; tantôt ils se fortifioient du secours de quelques voisins. La faute essentielle qu'ils commirent, et qui causa leur ruine, fut de ne s'être pas joints tous ensemble d'abord, ou du moins dans le temps dont nous parlons, contre un ennemi commun, dont ils avoient tout à craindre, et

tre les Latins.

qui les menaçoit tous également d'esclavage. Rome eut l'adresse de les affoiblir en les séparant, et de se fortifier elle-même en s'unissant tous les peuples qu'elle soumettoit. La mort d'Ancus Marcius parut aux Latins une occa- Guerre con sion favorable de reprendre les armes, et de faire de nouveaux efforts pour rentrer en possession de quelques places qu'ils avoient été obligés de céder aux Romains. Le nouveau roi, qui pressentit leur dessein, n'attendit pas qu'ils vinssent l'attaquer, et marcha le premier contre eux. Il leur enleva diverses places, entre autres Collatie, à cinq milles de Rome. Il en donna le gouvernement à Aruns Tarquin, son neveu, fils unique et posthume de son frère, qui étoit mort depuis plusieurs années. Cet Aruns, surnommé Egérius, parce qu'il n'avoit point de bien, prit alors le surnom de Collatin, qui devint celui de ses descendans.

Il y eut dans cette campagne et dans les suivantes, de part et d'autre, ravages de terres, attaques de villes, rencontres fréquentes, batailles en forme, quelquefois fort sanglantes et long-temps disputées, mais presque toujours favorables aux Romains par le succès final, et par la cession de plusieurs places. Après un très-grand avantage que Tarquin avoit remporté sur les Latins, qu'un renfort considérable de troupes venues d'Etrurie avoit rendu extrêmement fiers, il marcha à la conquête des villes latines, résolu d'emporter de force celles qui refuseroient de se soumettre. Mais il ne fut point dans la nécessité de former aucun siége: toutes eurent recours à sa clémence, et par une députation générale faite au nom de la république des Latins, elles lui demandèrent la paix à telles conditions qu'il voudroit, et elles lui ouvrirent leurs portes. Tarquin, loin d'abuser de sa victoire, fit paroître à l'égard de toutes ces villes beaucoup de modération et de douceur. Il ne fit mourir aucun des Latins; il n'employa ni les exils, ni les confiscations de biens: il ne changea rien dans leurs lois, ni dans leur gouvernement; mais il les obligea seulement à renvoyer sans rançon tous les pri

a Egere, être pauvre.

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