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Tullius for

me uneallian

Servius, après avoir réglé toute la police intérieure du ee plus étroi- peuple romain, toujours occupé de vues grandes et pacite entre les fiques en même temps, songea à faire de Rome le centre Romains et et la métropole du Latium, et le lien commun qui unît les

lcs Latins.

*

peuples latins et entre eux et avec elle. Ces peuples avoient
été déjà plusieurs fois soumis par la force des armes : il
entreprit de les attacher à Rome par des noeuds d'amitié
et de religion. Dans ce dessein, il avoit pris à tâche de
longue main de gagner l'amitié et l'estime des premiers
des Latins, en les attirant souvent chez lui, en les traitant
avec bonté et politesse, et en leur témoignant beaucoup
de considération. Dans les conversations particulières, il
leur représentoit souvent combien la paix et la bonne
intelligence étoit pour les états les plus foibles une source
d'accroissemens, tandis que la désunion causoit la ruine
des plus puissantes monarchies. Il leur citoit l'exemple
d'Amphictyon, qui avoit établi dans la Grèce un conseil
et une assemblée, où toute la nation réunie travailloit de
concert à maintenir entre toutes les villes une union très-
étroite, et à s'aider mutuellement contre l'ennemi com-
mun. Il leur parloit aussi des Ioniens et des Doriens, qui
avoient bâti à frais communs des temples où ils se ren-
doient tous à de certains jours avec leurs femmes et leurs
enfans. Là ils faisoient ensemble des sacrifices et des of
frandes aux dieux, et ils vaquoient à leur négoce et à
leur commerce. La fête achevée, où les choses se passoient
avec tous les témoignages de la plus cordiale amitié,
y avoit quelques contestations entre les villes ou quel-
ques sujets de plaintes, les différends se terminoient à
l'amiable, au jugement des arbitres établis à cet effet, qui
décidoient absolument l'affaire. Servius exhorta les chefs
des Latins à en faire autant. Ils entrèrent sans peine dans
ses vues, et y firent entrer tous leurs peuples. En consé-
quence les Latins bâtirent à frais communs avec le peuple
romain un temple à Diane sur le mont Aventin, où les
peuples de chaque ville se rendoient tous les ans, pour y
faire des sacrifices, pour y exercer le commerce, et pour
terminer par arbitrage les différends qui pouvoient naître

s'il

entre les villes. C'étoit de la part des Latins un aveu tacite qu'ils regardoient Rome comme leur capitale, ce qui avoit fait auparavant le sujet de tant de guerres. La suite de l'histoire fera voir combien cette alliance avec les Latins contribua à la grandeur de Rome, dont elle doubla en quelque sorte les forces; et quel trésor c'est pour un état qu'un prince habile, véritablement capable de régner, qui a de grandes vues, et qui est attentif à tous les devoirs de la royauté.

Les conditions du traité que Servius conclut alors avec les Latins furent gravées sur une colonne d'airain, qui subsistoit encore avec son inscription dans le temple de Diane du temps de Denis d'Halicarnasse. C'étoit du latin, mais écrit en lettres grecques, telles que l'ancienne Grèce les employoit autrefois : ce qui n'est pas, dit cet historien, une légère preuve que les fondateurs de Rome étoient Grecs originairement. La conformité des lettres latines avec celles de l'ancienne Grèce est confirmée par un passage de Pline.

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lius.

Servius songeoit, comme je l'ai dit, à mettre le comble Mort tragià toutes ses grandes actions en abdiquant la royauté, et en que de Tulfaisant de Rome un état républicain; et déjà il avoit tracé Dionys.1.4, dans un mémoire détaillé tout le plan de ce nouveau P. 232-243. Liv. lib. 1, gouvernement, quand une mort, qu'on peut dire préma- cap. 46-48. turée, quoique ce prince fût fort âgé, prévint l'exécution d'un si beau dessein. J'en rapporterai les tragiques circonstances en reprenant les choses de plus haut.

Servius ent deux filles de Tarquinie, fille de Tarquin l'ancien. Quand elles furent en âge d'être mariées, il les fit épouser aux deux petits-fils de ce prince, cousins-germains de ses filles, la plus âgée à l'aîné, et la plus jeune au cadet. Ses deux gendres rencontrèrent chacun dans leurs épouses des caractères absolument éloignés de leur naturel et de leur humeur. Lucius, qui étoit l'aîné,

1Ea erat confessio, caput rerum Romam esse: de quo toties armis certatum fuerat. Liv.

Veteres græcas fuisse easdem pe

nè quæ nunc sunt latine, indicio
erit delphica tabula antiqui æris,
quæ est hodiè in palatio, etc. Plin.
lib. 7, cap. 58.

homme hardi, fier et cruel, eut une femme d'un esprit doux, raisonnable, plein de tendresse et de respect pour son père. Aruns, qui étoit le cadet, beaucoup plus humain et plus traitable que son aîné, trouva dans la jeune Tullie une de ces femmes entreprenantes, audacieuses, et capables des crimes les plus noirs. Il semble, dit Tite-Live, que la fortune avoit évité de joindre ensemble deux caractères violens, afin de faire durer plus long-temps le règne de Servius, et de mettre par là ce prince en état de donner au gouvernement de Rome une forme stable et permanente.

Tullie la jeune, violente et emportée comme nous venons de le dire, ne trouvant ni ambition ni audace dans son mari, souffroit avec peine ce caractère paisible, qu'elle appeloit indolence et lâcheté. Tournée entièrement vers l'autre Tarquin, elle ne cessoit de le louer, de l'admirer, de l'exalter, comme un homme de coeur, comme un prince digne de sa naissance. Elle ne parloit qu'avec mépris de sa sœur, qui secondoit si mal un tel mari. La ressemblance d'humeur et d'inclinations unit bientôt ensemble L. Tarquin et la jeune Tullie. Dans les entretiens secrets que celle-ci se ménageoit souvent avec son beau-frère, il n'y a point de termes injurieux et outra geans dont elle ne se servît pour lui donner du mépris de son mari et de sa sœur. Elle lui disoit «< qu'ils auroient « été bien plus heureux l'un et l'autre de demeurer dans « le célibat que de se voir unis à des caractères tout « opposés aux leurs, et obligés, par la lâcheté d'autrui, << à languir eux-mêmes dans un honteux repos: que, « si les dieux lui avoient donné le mari qu'elle méritoit, << elle verroit au premier jour dans sa maison le sceptre qu'elle voyoit dans celle de son père. » Elle n'eut pas de peine à inspirer ses sentimens au prince, et à le faire entrer dans ses vues. Ils complotent d'abord de se dé

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2 Fortè ita inciderat, ne duo violenta ingenia matrimonio jungerentur; fortuna credo populi romani,quo diuturnius servii regnum esset, con

stituique civitatis mores possent. Liv.

'Contrahit celeriter similitudo eos, ut ferè fit, malum malo aptissimun. Liv.

faire, l'une de son mari, l'autre de sa femme : et après avoir exécuté ce double parricide, ils joignirent ensemble leurs fortunes et leurs fureurs par un mariage auquel Servius n'osa point s'opposer, quoiqu'il en craignit les funestes conséquences.

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Ce fut pour lors que, ne voyant plus que la vie de Servius qui fit obstacle à leur ambition, la fureur de régner les porta bientôt d'un premier crime à un autre encore plus horrible, cette mégère, que Tarquin avoit toujours à ses côtés, ne lui laissant de repos ni jour ni nuit, pour ne pas perdre le fruit de ses premiers parricides. Elle lui répétoit sans cesse « que rien ne l'eût « empêchée de vivre contente, s'il ne lui eût fallu qu'un prince dont elle se pût dire la femme, et avec lequel elle languit tranquillement dans l'esclavage : que ce qui lui avoit manqué, c'étoit un généreux époux, «qui se crût digne du trône, qui se souvînt qu'il étoit «petit-fils de Tarquin l'ancien, et qui aimât mieux «prendre en main le sceptre que de l'attendre. Si 1 vous « êtes, ajouta-t-elle, ce cœur noble que je cherchois, et que je prétendois trouver en vous lorsque j'attachai mon «sort au vôtre, je vous reconnois pour mon mari, mon «seigneur et mon roi. Sinon, le changement a rendu «ma situation d'autant plus malheureuse, que je ren«< contre en vous le crime joint à la lâcheté. Osez seu«lement, et tout vous sera facile. Vous n'avez pas à * traverser les mers comme votre grand-père, ni à venir de Corinthe et de Tarquinie à Rome pour vous établir › avec peine dans un royaume étranger. Vos dieux pénates, l'image de votre grand-père, ce palais que vous occupez,

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« ce trône qui tous les jours y frappe vos yeux, le nom de Tarquin, tout vous crée et vous nomme roi. Si, pour remplir ces grandes destinées, le courage vous manque, pourquoi frustrer plus long-temps l'attente de la ville? Pourquoi vous montrer avec éclat comme un prince qui a droit au trône? Quittez ces lieux, et allez vous « confiner à Tarquinie ou à Corinthe. Retournez à la bas«sesse de votre première origine, plus semblable à votre « frère qu'à votre aïeul. »

Elle l'animoit sans cesse par de pareils reproches. Elle s'animoit elle-même, en se comparant avec Tanaquil, laquelle, tout étrangère qu'elle étoit dans Rome, avoit bien pu disposer deux fois de suite du sceptre, en le mettant entre les mains d'abord de son mari, puis de son gendre; pendant qu'elle, princesse du sang royal, ne pouvoit rien pour décider de la couronne.

Tarquin, excité par les discours de cette furie domestique, ne garde plus de mesure, et marche résolument an crime. Il travaille à gagner les sénateurs, surtout ceux de la nouvelle création. Il les fait souvenir de ce que son grand-père avoit fait pour eux, et les presse de lui en témoigner leur reconnoissance. Il s'attache la jeunesse à force de présens. Il grossit son parti de jour en jour en se rendant affable à tout le monde, en promettant des merveilles de lui-même, surtout en décriant le roi par noires calomnies.

de

Quand il jugea que le moment étoit venu de faire éclore son dessein, environné d'une troupe de satellites, il entre brusquement dans la place publique. Tout le monde étant saisi d'épouvante, il avance jusqu'au sénat, va s'asseoir sur le trône, fait convoquer les sénateurs au nom du roi Tarquin. Ils s'y rendent aussitôt, les uns déjà gagnés auparavant, d'autres, dans la crainte qu'on ne leur fit un crime de s'être absentés dans une pareille. occasion; la plupart, surpris et troublés par un événement si étrange et si peu attendu, et croyant que étoit déjà fait de Servius. Alors Tarquin prenant la pa role, représente « qu'après la mort indigne de son aïeul,

c'en

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