Imágenes de páginas
PDF
EPUB

à cet inconvénient, il fut arrêté que l'un des deux consuls seulement auroit droit aux faisceaux armés de haches, et que les licteurs qui précéderoient l'autre ne porteroient que des faisceaux sans haches, en sorte néanmoins que, pour éviter tout air de supériorité entre les deux consuls, ils partageroient chaque mois l'un après l'autre cette marque d'autorité. Brutus en usa d'abord, son collègue lui ayant cédé cet honneur par considération pour son

mérite.

frir de rois à

Les consuls ne se montrèrent pas moins vifs pour con- On jure dene server et assurer la liberté qu'ils l'avoient été pour l'éta- jamais soufblir. Ayant assemblé le peuple, ils l'exhortèrent à l'union Rome. et à la concorde, comme au seul moyen de salut dans des conjonctures si difficiles, et ils renouvelèrent et confirmèrent la sentence qui condamnoit les Tarquins à un exil perpétuel. Pour donner plus de poids et de force à ses engagemens, on y joignit les cérémonies de la religion, on célébra des sacrifices, et les consuls s'étant approchés de l'autel, jurèrent pour eux, pour leurs enfans, et pour toute leur postérité, qu'ils ne rappelleroient jamais d'exil ni Tarquin, ni ses enfans, ni personne de sa famille : que les Romains ne seroient plus jamais gouvernés par des rois; et qu'ils ne souffriroient en aucun temps qu'on prît des mesures pour les rétablir. Ainsi on ne se contenta pas de proscrire les rois: la royauté même fut proscrite, On dévoua aux dieux des enfers, et on condamna aux plus cruels supplices ceux qui entreprenIroient de remettre sur pied la monarchie. Toute la suite le l'histoire fera voir que cette haine, c'est trop peu dire que cette horreur de la royauté devint le caractère dominant des Romains, qui même n'en purent souffrir le om lorsque sous les empereurs ils en admîrent la réalité.

des sénateurs

Ensuite les consuls songèrent à rendre complet le sénat, On rend que Tarquin le Superbe avoit pris à tâche de diminuer le nombre et d'affoiblir par la multitude de ceux qu'il avoit fait mourir, ou qu'il avoit obligés de s'exiler eux-mêmes pour éviter sa cruauté, et qui avoient fini leur vie hors

TOM. I. HIST. ROM.

12

complet.

appelé roi.

de Rome. On choisit parmi les principaux, soit du corps des chevaliers, soit du peuple même, plus de cent soixante sénateurs pour parfaire le nombre de trois cents; en gardant cette précaution de les élever tous à la dignité de patriciens avant que de les faire passer dans le sénat. Les anciens étoient appelés par le héraut dans le sénat sous le nom de patres, et les nouveaux sous celui de conscripti. Dans la suite, tous furent appelés confusément patres conscripti.

Sacrificateur Comme il y avoit quelques sacrifices attachés à la personne des rois, on créa, pour cet effet seulement, un sacrificateur, qui fut appelé roi. Mais, afin qu'il ne se prévalût point de ce nom, et qu'il n'oubliât pas que son unique emploi étoit l'observance des cérémonies sacrées, on le soumit à l'autorité du grand pontife, et il lui fut défendu d'exercer aucune magistrature, et de haranguer devant le peuple. Papirius fut le premier à qui cette charge Pompon de fut confiée. C'est lui sans doute qui compila toutes les lois orig. juris. que les rois de Rome avoient portées jusqu'à son temps. Ce code prit le nom de droit papirien, comme je l'ai observé dans l'histoire ancienne, en parlant des jurisconsultes.

à Tarquin de

.3-5.

On accorde Pendant que Rome prenoit toutes sortes de précautions faire enlever pour se maintenir dans la possession de la liberté qu'elle tous ses effets venoit de recouvrer, Tarquin, de son côté, faisoit tous les Liv, lib. 2, efforts possibles pour remonter sur le trône dont on l'aDionys.1.5, voit chassé. Ayant tenté inutilement d'attirer dans son Plut. in Po- parti quelques autres peuples, il se réfugia enfin chez plic.p.98-100 les Etrusques, de qui il tiroit son origine. Il leur repré

cap.3

P. 278-288.

senta d'une manière vive et touchante la triste situation où il se trouvoit, réduit à errer à l'aventure avec ses enfans, contraint de chercher un asile et de mendier de la protection pour se faire rendre justice par ceux qu'il avoit vus ses sujets. Touchés de son discours, qu'il accom pagna de ses larmes, ils se laissèrent persuader d'envoyer à Rome des ambassadeurs en sá faveur. Ils demanderent d'abord que le peuple romain voulût bien permettre à Tarquin de lui venir rendre compte de sa conduite

comme à son juge souverain, de qui il reconnoissoit que son sort dépendoit absolument. Voyant ensuite que cette proposition étoit rejetée avec dédain, ils se réduisirent à une demande fort simple, et qui paroissoit fort équitable; c'étoit que le peuple romain remît au roi les biens qu'il avoit à Rome, afin que dans son malheur il pût vivre en paix dans quelque endroit retiré, sans songer davantage à remonter sur le trône. Tarquin avoit ses vues en faisant faire cette proposition, et le recouvrement de ses biens étoit ce qui le touchoit le

[ocr errors]

moins.

Quand les ambassadeurs se furent retirés, l'affaire fut mise en délibération dans le sénat. Brutus, toujours ferme dans ses principes, fut d'avis de n'entrer dans aucun acCommodement avec le tyran. Il dit « que lui rendre ses biens, c'étoit lui mettre entre les mains des armes pour leur faire la guerre que les Tarquins ne se contenteroient jamais d'une vie privée. » Collatin, son collègue, plus porté aux voies de douceur et de conciliaion, fut d'un sentiment tout contraire. Il représenta «< que ce n'étoit point aux biens du tyran, mais à sa personne qu'il falloit s'en prendre des calamités qu'on avoit souffertes qu'on avoit deux choses également à craindre, ou de faire croire au-dehors qu'on eût chassé les Tarquins pour s'emparer de leurs richesses, ou de fournir aux Tarquins mêmes un prétexte de redemander, les armes à la main, des biens dont on les auroit dépouillés : enfin, que leur demande, qui paroissoit juste, pourroit faire entrer beaucoup de peuples dans leurs intérêts. » Le sénat ne pouvant, après plusieurs ours de délibération se déterminer à aucun parti, envoya la décision de l'affaire au peuple assemblé par uries. Les deux consuls y soutinrent chacun avec force eur avis. Celui de Collatin l'emporta enfin d'une seule oix, et il fut décidé qu'on rendroit à Tarquin tous ses iens.

[ocr errors]

La joie des ambassadeurs fut grande. Ils écrivirent

aussitôt à Tarquin d'envoyer des personnes sûres entre les mains de qui l'on remît ses effets. Pour eux, ils restèrent encore dans Rome, sous prétexte que leur présence y étoit nécessaire pour veiller au transport des meubles, mais en effet pour y cabaler secrètement, selon les ordres qu'ils en avoient reçus du tyran.

Conspiration Ils commencèrent donc à mener leurs intrigues sourpour rétablir dement, profitant avec habileté des dispositions d'esprit les Tarquins. où se trouvoient plusieurs jeunes gens des plus illustres familles de Rome. Tous ceux qui brilloient le plus dans la jeunesse romaine, compagnons auparavant des plaisirs des Tarquins, et qui avoient toujours vécu dans une entière licence à l'ombre du crédit de ces princes, se plaignoient entre eux que la liberté rendue aux autres avoit été pour eux le commencement d'une dure servitude. Accoutumés aux distinctions flatteuses de la cour, ils ne pouvoient souffrir cette égalité humiliante qui les confondoit avec les derniers du peuple. Ils faisoient la comparaison des douceurs qu'ils avoient trouvées dans le gouvernement monarchique avec l'austérité de l'état républicain. Ils se disoient les uns aux autres, « 1 qu'un roi étoit homme, que l'on pouvoit se flatter d'ob<< tenir ce qu'on lui demandoit quand on avoit de son « côté le bon droit, et même quand on ne l'avoit pas qu'on pouvoit, auprès d'un prince, prétendre à la fa« veur et aux bienfaits : que, s'il se mettoit en colère, il pouvoit aussi pardonner : qu'il savoit mettre de la « différence entre amis et ennemis : que les lois, au con traire, étoient sourdes et inexorables, plus salutaires aut « foible qu'au puissant : qu'elles ne connoissoient ni pitié, << ni indulgence, pour peu qu'on passât les bornes qu'elles << ont prescrites: que, la fragilité humaine étant aussi grande

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

I

Regem hominem esse, à quo impetres ubi jus, ubi injuria opus sit: esse gratiæ locum, esse beneficio: et irasci, et ignoscere posse : inter amicum atque inimicum discrimen nosse. Leges, rem surdam, inexorabilem

esse, salubriorem melioremque inop quàm potenti: nihil laxamenti nec veniæ habere, si modum excesseris periculosum esse, in tot humanis er roribus, solá innocentiá vivere. Liv

[ocr errors]

qu'elle est, il étoit dangereux de ne compter pour sa « sûreté que sur son innocence.

[ocr errors]

Des esprits ainsi disposés se prêtèrent aisément à la proposition qui leur fut faite de la part des Tarquins de rétablir la royauté dans Rome, et d'en remettre en possession ceux à qui elle appartenoit légitimement. Les paroles leur en furent portées par les ambassadeurs que les princes bannis avoient envoyés pour demander qu'on leur rendît leur bien. Il se forma une conspiration, dans laquelle une grande partie de la jeune noblesse entra. De ce nombre furent deux fils du consul Brutus, qui à peine avoient l'âge de puberté; deux Vitellius, fils d'une sœur de Collatin, l'autre consul, et frères de la femme de Brutus; deux Aquilius, fils d'une autre sœur du même Collatin. C'étoit chez ces derniers que se tenoient ordinairement les assemblées, et qu'on prenoit des mesures pour

rappeler les tyrans.

verts, et con

Jamais, dit Denys d'Halicarnasse, la providence des Les conjurés dieux, à laquelle les Romains sont redevables de leurs sont découprodigieux accroissemens, ne parut veiller plus visible- damnés ment à leur bonheur que dans cette occasion. Les chefs mort. de cette conjuration, ' par un aveuglement surnaturel, furent assez dépourvus de sens pour écrire de leur propre main des lettres au tyran, dans lesquelles ils l'informoient du nombre des conjurés, et du temps qu'ils avoient choisi pour se défaire des consuls. Plutarque ajoute que les conjurés trouvèrent à propos de se lier par le plus horrible de tous les sermens, en buvant tous ensemble du sang d'un homme qu'ils immoleroient, et en jurant sur ses entrailles encore toutes fumantes. Ce fait, qui ne se trouve que dans Plutarque, paroît peu vraisemblable. On a dit depuis la même chose de Catilina, mais peut-être avec aussi peu de fondement.

La veille du jour que les ambassadeurs devoient retourner vers les Tarquins, il se donna un grand repas chez les Aquilius. Après le souper, ayant fait retirer tous

· Τοιάυτη ἄνοια καὶ θεοβλάβεια τὲς δυσήνες εκείνες κατέχει

« AnteriorContinuar »