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casions, devenoient sinistres par rapport aux comices. Quand on voyoit des éclairs, ou qu'on entendoit le tonnerre, on ne pouvoit pas tenir les assemblées du peuple par centuries: Jove tonante, fulgurante, comitia populi De Divin. habere nefas.

Ces manières de consulter la volonté des dieux s'appeloient auspicium, comme qui diroit observation des oiseaux, du vieux verbe specio, ab ave speciendâ; ou augurium, à cause du chant des oiseaux, ab avium garritu.

On consultoit encore la volonté des dieux par l'inspection des entrailles des victimes. Les ministres destinés à cette fonction s'appeloient aruspices. On apporte différentes étymologies de ce mot, que j'omets pour abréger. Ils étoient beaucoup moins considérés que les augures, que l'on choisissoit parmi les premières personnes de l'état. Outre plusieurs autres observations qu'ils faisoient sur la victime, leur principale étude étoit d'en examiner les entrailles, comme le cœur, la rate, le poumon, et surtout le foie. Quelquefois, si on les en croit, la tête du foie, ou même le foie entier, disparoissoit tout d'un coup; et c'étoit la marque d'un grand malheur.

Toutes ces cérémonies de religion étoient fort anciennes.

l. 2, n. 43.

Elles avoient passé des Chaldéens aux Grecs, de ceux-ci Onuphr. de aux Etrusques, de qui les Latins les avoient empruntées. Civ. r. c. 17. Dans la suite le sénat ordonna qu'on enverroit tous les ans chez les Etrusques six jeunes Romains tirés de la no

blesse, pour apprendre exactement de ces peuples tout ce Lib. 1, de qui regardoit les cérémonies divines.

Toute la suite de l'histoire romaine nous fera connoître que les plus grandes affaires de l'état ne se décidoient qu'en conséquence des auspices et des augures, où il entroit mille fraudes et mille fourberies, surtout dans les derniers temps de la république. Cicéron, qui étoit revêtu de la dignité d'augure, et qui connoissoit parfaitement le fort et le foible de tout ce que lui et ses collègues pratiquoient, est un bon garant du jugement qu'il en faut porter. Il est beau de voir, dans le second livre de la Divi

TOM. I. HIST. ROM.

2

Divin. n. 92.

cap.8.

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nation, avec quelle liberté philosophique il se moque de cette profession, et comment il démontre, par des raisons plus convainquantes les unes que les autres, l'inutilité de cet art, sa fausseté, ses contrariétés, son impossibilité. C'est dans cet ouvrage qu'il rapporte le bon mot de Caton qui disoit qu'il ne comprenoit pas comment un aruspice en pouvoit envisager un autre sans rire. Cicéron néanmoins, malgré le souverain mépris qu'il témoigne pour toutes ces pratiques superstitieuses, ne laisse pas de blâmer les généraux et les magistrats, qui, dans des occasions importantes, les avoient négligées; et de soutenir que cet usage, tout abusif qu'il étoit, selon lui, devoit être respecté par rapport à la religion et à la prévention des peuples. C'est ainsi que les sages du paganisme retenoient la vérité captive, et par une fausse politique, ou par une lâche timidité, nourrissoient dans les esprits des peuples des superstitions également ridicules et profanes, dont ils sentoient tout le vide et tout le faux.

La coutume de consulter les auspices avant que d'entrer en charge fut exactement observée, non - seulement sous le gouvernement des rois, mais encore après leur expulsion, dans l'élection des consuls et des autres magistrats qui en tinrent la place. Romulus en avoit donné l'exemple.

Etabli sur le trône par un consentement unanime et volontaire, il songea à donner une forme réglée à sa république par de sages lois, seules capables d'unir la mulLiv. lib. 1, titude, et d'en faire un corps de peuple. Mais il comprit que des hommes si grossiers n'auroient du respect pour les lois qu'autant que le législateur sauroit leur en imprimer par la pompe et l'éclat de la majesté souveraine. Entre les autres marques distinctives dont il se servit pour rendre sa personne plus auguste, il prit douze gardes, qu'on nomma licteurs, qui le précédoient dans sa marche. Leurs fonctions étoient d'accompagner les rois (et dans la

n. 51.

Vetus illud Çatonis admodùm cùm vidisset. De Divinat. lib.
scitum est, qui mirari se aiebat quod
non rideret aruspex, haruspicem

2,

suite les principaux magistrats), d'écarter la foule devant eux, d'exécuter les criminels, etc. On croit que ce nombre de licteurs tiroit son origine de l'Etrurie. Ils portoient des faisceaux de verges ou de petites baguettes liées ensemble, et des haches, qui étoient et le symbole de la puissance, et les instrumens des peines imposées aux coupables.

Dionys. l. 2,

Il partagea d'abord tout le peuple en trois corps, met- Partage du tant à la tête de chaque corps un chef distingué par son bus et en cupeuple en trimérite; puis il divisa chaque corps en dix autres, dont il ries. donna le commandement à autant de capitaines des plus pag. 82. braves. Il nomma tribus les trois grands corps, et les trente Plut. p. 25. moindres, il les appela curies. Un prêtre, sous le nom de curion, étoit chargé des sacrifices dans chaque curie. Il divisa aussi les terres en trente portions égales, et il en donna une à chaque curie, en réservant néanmoins ce qui étoit nécessaire tant pour l'entretien des temples que pour les sacrifices, et une certaine portion pour faire le fonds des deniers publics.

De ce premier partage, dans lequel Romulus garda une entière et parfaite égalité, il passa à une autre division, dans laquelle il eut en vue de régler les rangs, les honneurs et les emplois de ses sujets. Les personnes respectables par leur naissance, par leur mérite, ou par leurs richesses, telles qu'en ce temps-là elles pouvoient être, et qui avoient déjà des enfans, furent distinguées de ceux qui n'avoient ni noblesse ni biens. Il donna le nom de plébéiens aux derniers. Les autres formèrent un corps séparé, qui fut l'origine de la première noblesse parmi les Ro

mains.

nat.

Il songea ensuite à établir un conseil public, qui par- Etablissetageât avec lui les soins du gouvernement, et où l'on pût ment du séexaminer avec maturité les affaires de l'état. Voici comme il s'y prit. Il commença par nommer dans le corps de la noblesse un homme qu'il crût le plus capable de veiller en sa place à la sûreté et à la police de la ville, toutes les

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• On l'appeloit præfectus urbis, le préfet ou gouverneur de la ville.

Chevaliers.

fois qu'il seroit obligé de marcher à la tête de ses troupes et de sortir des confins de Rome. Il voulut ensuite que chaque tribu fit choix de trois hommes des plus sages et des plus distingués parmi la même noblesse. Il donna le même droit aux trente curies, qui chacune en élurent trois, et remplirent le nombre de quatre-vingt-dix : ce qui fit en tout le nombre de cent, en y comprenant le chef, que Romulus lui-même avoit choisi. Cette compagnie fut appelée sénat, à cause de l'âge de ceux qui la composoient, ou de leur prudence; et les sénateurs, pour les mêmes raisons, furent nommés pères. On ajouta ensuite l'épithète conscrits, à l'occasion des sénateurs de nouvelle création. Ce titre de conscrits, qui étoit d'abord propre à ces derniers, devint insensiblement commun à tous les sénateurs, qui furent appelés pères conscrits.

Romulus crut qu'il ne pouvoit pas se passer d'une compagnie de jeunes hommes, qui fussent toujours sous les armes, tant pour la garde de sa personne que pour les besoins pressans de l'état. Il leva donc trois cents hommes forts et robustes, qu'il prit dans les plus illustres familles, et dont il laissa le choix aux curies, comme il avoit fait par rapport aux sénateurs. Chaque curie en fournit dix. Il marcha toujours depuis accompagné de cette escorte, à laquelle il donna le nom de celeres, qui signifie agiles, prompts, comme devant être continuellement prêts à marcher au premier signal. Ils avoient pour chef un homme du premier mérite, qui avoit sous lui trois commandans, dont d'autres officiers subalternes recevoient les ordres. Ils combattoient à cheval ou à pied selon le besoin, et ils se distinguoient parmi les troupes par un courage singulier. Ce fut là l'origine des chevaliers romains.

Ainsi ce fut Romulus qui forma le sénat, qui choisit les chevaliers, et qui distingua le peuple des uns et des autres. Tous les citoyens qui ne furent pas compris dans l'ordre des sénateurs ni dans celui des chevaliers furent nommés plebs, peuple. On appeloit patriciens ceux qui descendoient des cent pères ou sénateurs dont Romulus

composa le sénat, ou de ceux qui furent ajoutés par les rois qui lui succédèrent. On nommoit plébéiens tous ceux qui ne descendoient pas de ces sénateurs. Un plébéien, dans la suite, pouvoit devenir sénateur par le choix des censeurs, lorsqu'il avoit la quantité de bien ordonnée par les lois pour être du corps du sénat ; mais il ne cessoit pas d'être plébéien, parce qu'il ne descendoit pas de ces anciens sénateurs.

Je dois avertir ici pourtant que ce ne fut que long- Plin. l. 33, temps après, et du temps des Gracques, et même sous le cap. 2. consulat de Cicéron, que les chevaliers romains firent un troisième ordre bien distingué des deux autres. Anciennement il n'y avoit, à proprement parler, que deux ordres, le sénat et le peuple, et deux conditions, les patriciens et les plébéiens.

Ensuite Romulus marqua les rangs et les honneurs qui Ordre dugou convenoient à chacun. Il s'attribua d'abord à lui- vernement. même l'intendance de toutes les choses saintes, et se fit le chef de tout ce qui regardoit la religion. Il prit le titre de conservateur des lois et des coutumes de la patrie, se réservant la connoissance des causes considérables en matière criminelle, et renvoyant celle d'une moindre conséquence au jugement du sénat, sans s'exempter néanmoins de veiller à ce que tout se passât dans l'ordre. Il se réserva aussi le pouvoir d'assembler le peuple et le sénat quand il le jugeroit à propos, de dire son avis le premier, de conclure à la pluralité des voix, et d'exécuter ce qui auroit été décidé. Enfin il s'attribua le commandement des armées et la souveraine autorité dans la guerre, en qualité de généralissime.

Il accorda aux patriciens seuls, à l'exclusion des plébéiens, l'honneur du sacerdoce, le soin des sacrifices, des augures, et de toutes les choses sacrées; l'exercice de la justice, et de toutes les charges tant civiles que militaires. Il rendit le sénat arbitre et juge souverain de tout ce que le roi renverroit à son tribunal, sans qu'il fût permis d'appeler de ce qui y seroit décidé par le plus grand nom→ bre des suffrages.

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