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nous avertir de temps en temps du cas que nous devions faire, en nous marquant le jugement qu'ils en portoie eux-mêmes; et Tite-Live, dès le commencement de so histoire, déclare qu'il n'a dessein ni d'affirmer, ni réfuter tout ce qui se disoit d'extraordinaire et de me veilleux au sujet de Rome. Il se contente de dire que, s est permis à quelque peuple de consacrer son origine la rapportant à une divinité, telle est la gloire, telles le conquêtes du peuple romain; que, s'il se donne pour pèr à lui-même et à son fondateur le dieu de la guerre, le autres nations ne doivent pas être moins disposées à lu accorder ce privilége qu'elles l'étoient à se soumettre son empire. Ces sortes de fables, quand même les histo riens auroient paru les recevoir et les embrasser, n donnent aucune atteinte à la vérité des faits parmi lesquel elles sont mêlées, et ne doivent pas rendre suspect ni do teux le fond même de l'histoire, comme M. l'abbé Sallie Mém. de l'a démontré en plusieurs dissertations.

l'acad. des bell. lettr.

Avant que de venir à l histoire même de Rome et de s fondation, je rapporterai dans le premier chapitre ce qu Denys d'Halicarnasse nous apprend des temps qui l'or précédée, mais en l'abrégeant extrêmement, parce qu ces faits anciens sont peu intéressans; et en cela je suivr l'exemple de Tite-Live, qui n'a fait que les montrer et parcourir légèrement.

1 Quæ ante conditam condendamve urbem, poëticis magis decora fabulis, quàm incorruptis rerum gestarum monumentis traduntur, ea nec affirmare, nec refellere, in animo est. Datur hæc venia antiquitati, ut, miscendo humana divinis, primordia urbium augustiora faciat. Et, si cui populo licere oportet consecrare

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origines suas, et ad deos referre au tores, ea belli gloria est populor mano, ut, cùm suum conditorisq sui parentem Martem potissimu ferat, tam et hoc gentes huma patiantur æquo animo, quàm i perium patiuntur. T. Livius in pro

mio.

CHAPITRE PREMIER.

HISTOIRE SOMMAIRE DE CE QUI S'EST PASSÉ DANS L'ITALIE AVANT

LA FONDATION DE ROME.

§. I. Anciens peuples qui ont d'abord habité dans l'Italie. Evandre, Hercule, Latinus. Énée arrive en Italie. Il épouse la fille de Latinus, et bâtit Lavinium. Guerre contre Turnus et contre Mézence. Ascagne, fils d'Énée, bátit Albe la longue. Suite des rois d'Albe.

Si l'on en croit Denys d'Halicarnasse, Rome tiroit son origine des Grecs. Ce qui est certain, c'est que plusieurs colonies grecques vinrent en différens temps s'établir dans le Latium ou dans les pays voisins, dont les premiers habitans connus s'appeloient Sicules, nation barbare, née dans le pays même, c'est-à-dire, dont l'histoire ne marque point l'origine. Quelques-uns croient que les Aborigènes, dont descendent les Romains, étoient nés aussi dans l'Italie, et qu'ils furent ainsi nommés comme étant enfans de la terre même, c'est-à-dire, qu'ils en tiroient leur origine.

Beaucoup d'années avant le siége de Troie, des Arcadiens, qui avoient pour chef OEnotrus, vinrent prendre un établissement en Italie; elle fut pour lors appelée Enotrie. Italus, dans la suite, l'un des descendans d'OEnotrus, lui donna son nom, qu'elle a toujours retenu depuis. Caton le censeur, et plusieurs autres auteurs célèbres prétendent que les Aborigènes descendoient de ces Arcadiens.

Dionys. Halicar. Antiq.

rom. lib. pag. 1.5.

Dans la suite une troupe de Pélasgiens, originaires du Péloponèse, et qui habitoient pour lors la Thessalie, contraints d'abandonner leur pays, se réfugièrent chez les Aborigènes. Ces peuples, ayant uni ensemble leurs forces, chassèrent les Sicules, qui habitoient le pays où Rome depuis fut bâtie. Ceux-ci se retirèrent dans une île voi

Tit. Liv.

1

1. 1, cap. 1.3.

AN. M. 2760

sine, appelée Trinacrie, à cause de ses trois promontoires, et possédée en partie par les Sicaniens, peuple venu d'Espagne. Cette île fut depuis nommée Sicile.

Soixante ans ou environ avant la guerre de Troie, Av.J.C.1244 Evandre, banni du Péloponèse, arriva avec ses Arcadiens en Italie. Faunus, qui régnoit alors sur les Aborigènes dans la petite contrée d'Italie appelée Latium, les reçut avec bonté, et leur donna autant de terrain qu'ils en voulurent ils étoient en petit nombre: ils y formèrent un petit village, auquel ils donnèrent le nom de Pallantium, en mémoire de leur ancienne patrie qui portoit ce nom dans l'Arcadie. Les Romains l'appelèrent depuis Palatium, d'où fut nommé le mont Palatin. Evandre succéda à Faunus.

Quelques années après l'établissement de ces Arcadiens en Italie, Hercule y arriva à la tête d'une armée considérable, pour se rendre maître de ce pays, après avoir déjà subjugué l'Ibérie. Il avoit vaincu et tué Géryon, à qui les poëtes ont donné trois corps, parce qu'il étoit maître de trois grands royaumes en Espagne. Il amena avec lui les boeufs de ce prince, qui étoient d'une beauté singulière. Tout le monde connoît l'audace et la mort funeste de Cacus; aventure si bien chantée par Virgile, et que TiteLive n'a pas dédaigné d'insérer dans son histoire. Ce fameux brigand vola à Hercule une partie des bœufs de Géryon, et fut assommé par ce héros. Evandre commandoit alors en ces lieux, plutôt honoré comme un homme rare qu'obéi comme un souverain. L'art d'écrire, prodige inouï pour des peuples à qui tous les arts étoient inconnus, le faisoit respecter. Mais rien ne lui attiroit davantage la vénération de ces peuples grossiers que la réputation de Carmenta, sa mère, qui passoit pour une divinité. Elle avoit été l'oracle de ces nations avant que la Sibylle arrivât en Italie. Evandre, qui prétendoit avoir

с

a C'est ce que marque Denis d'Halicarnasse, lib. 1, p. 17.

Il apprit à ces peuples l'usage des lettres grecques, qui sont les premiers

caractères dont se servirent les anciens Latins.

C

Les Grecs l'appeloient Thémis.

entendu long-temps auparavant de la bouche de Carmenta qu'il étoit dans les destinées qu'un Hercule, fils de Jupiter et d'Alemène, seroit mis au nombre des dieux, n'eut pas plutôt entendu le nom de celui qui venoit de tuer Cacus, qu'il voulut être le premier à lui rendre les honneurs divins, et à mériter par là sa protection. Il lui érigea un autel à la hâte, et après lui avoir fait part des prédictions de l'oracle, il immola à son honneur un jeune taureau.

Il fut arrêté, sur la prière d'Hercule, et par le consentement de toute la nation, qu'on célébreroit à perpétuité tous les ans une pareille solennité selon les rits grecs, qu'il prit soin lui-même de leur apprendre, ayant choisi dans cette vue deux des plus nobles familles, celle des Potitiens et celle des Pinariens, pour présider à cette cérémonie. Nous verrons dans la suite comment les Potitiens périrent pour avoir, dit-on, voulu se décharger de ces cérémonies sur des esclaves publics. Les Pinariens subsistoient encore du temps de Cicéron. Hercule, en quittant l'Italie, y laissa quelques-uns des peuples grecs qu'il avoit amenés avec lui, qui s'unirent avec les Aborigènes, et vécurent avec eux dans la même ville en si bonne intelligence, qu'on les eût pris pour une même nation.

a

Environ cinquante-cinq ans après la retraite d'Hercule, AN. M. 2822 Latinus, qui passoit pour fils de Faunus, quoiqu'il fût Av.J.C.1182 fils d'Hercule, étoit roi des Aborigènes, et dans la trentecinquième année de son règne. Ce fut de son nom que les peuples furent appelés Latins, et le pays Latium, qui avoit pour lors fort peu d'étendue. Vers ce temps-là, les Troyens qui s'étoient sauvés de l'embrasement de la A. M. 2825 ville d'Ilion avec Enée abordèrent à Laurente sur les Av.J.C.1181 côtes de la Tyrrhénie, proche l'embouchure du Tibre, dans le pays des Aborigènes. Denys d'Halicarnasse prétend et prouve que les Troyens étoient originaires de Grèce. Enée apportoit avec lui les statues des grands

a D'autres croient que ce pays fut ainsi appelé depuis que Saturne, fuyant de Crète pour éviter la persécution de

son fils Jupiter, s'y fut refugié: à la-
tendo.

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dieux, et le Palladium, qui fut depuis déposé dans le temple de Vesta, et confié à la garde des vestales, sans qu'il fût permis à personne de le voir. Les Aborigènes d'abord s'assemblèrent sous les ordres de Latinus leur roi pour s'opposer à ces étrangers. Mais Latinus, s'étant informé du motif qui les amenoit dans ses états, apprit que c'étoient les Troyens qui, sous la conduite d'Enée fils d'Anchise et de Vénus, cherchoient, depuis l'embrasement de Troie, un endroit pour s'établir et pour fonder une ville. Voyant avec un étonnement mêlé de respect, et cette nation illustre, et le héros qui la commandoit, également prêts à soutenir la guerre ou à faire la paix, il donna la main à Enée en signe d'amitié. Les deux armées se félicitèrent mutuellement. Latinus reçut Enée dans son palais; et pour serrer par des nœuds plus étroits l'alliance des deux nations, ce roi, en présence de ses dieux domestiques, lui fit épouser Lavinie sa fille. Enée bâtit une ville qu'il nomma Lavinium, du nom de sa nouvelle épouse, dont il eut bientôt un fils appelé Ascagne.

b

Ce mariage attira aux Troyens et aux Aborigènes un ennemi commun. Turnus, roi des Rutules, à qui Lavinie avoit été promise avant l'arrivée du prince troyen, indigné de voir que Latinus lui préféroit un étranger, déclara la guerre à l'un et à l'autre, et leur livra une bataille qui coûta cher aux deux partis. Les Rutules furent battus; mais les vainqueurs perdirent Latinus, qui commandoit en personne. Turnus et les siens ne pouvant se dissimuler le mauvais état de leurs affaires, implorèrent le secours de l'Etrurie. Mézence, souverain de ce royaume florissant, tenoit sa cour à Céré, ville pour lors opulente. 1 Comme il avoit dès le commencement regardé de mauvais œil la colonie troyenne, et qu'il s'imaginoit voir dans l'accroissement de cette nouvelle puissance un juste sujet

Du temps de l'empereur Commode, le temple de Vesta ayant été brûlé, les vierges vestales sauvèrent le Palladium de l'incendie, et le portèrent par le milieu de la voic sacrée au palais de

l'empereur. Herodian. in vit. Commod.p.39.

Ils habitoient la partie maritime de la Campagne de Rome.

'Jam indè ab initio minimè lætus

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