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cité, se défioient de ces détours, où ils croyoient reconmoître un dessein de les abuser; et comme ils ne comptoient point du tout sur la bonne foi du sénat, ils étoient persuadés qu'il ne cherchoit qu'à les tromper par ces artificieux célais.

d'un dicta

Le sénat se trouva dans un grand embarras. Les La- Création tins, nation puissante et aguerrie, se préparoient à entrer teur. Il apaise en campagne. Le peuple paroissoit déterminé à ne point les troubles. prendre les armes. Les sénateurs n'avoient pas assez d'autorité pour se faire obéir, et n'osoient pas employer les châtimens contre les réfractaires, parce que la loi portée par Valérius Publicola leur donnoit le pouvoir d'appeler au peuple de toutes les ordonnances des consuls. Le plus sir moyen de rendre au sénat son ancienne autorité eût été d'abroger cette loi; mais c'est ce qui n'étoit pas possible. Pour prévenir l'opposition que le peuple n'auroit pas manqué de faire, si l'on en fût venu à attaquer ouvertement ses priviléges, le sénat résolut d'introduire dans la république un magistrat dont la puissance fût monarchique et supérieure à toutes les lois, mais d'une courte durée. Pour cela, il fit un décret artificieux, dans lequel il trompa les gens du peuple, et abolit, sans qu'ils s'en aperçussent, la loi qui favorisoit leur liberté. Il étoit conçu en ces termes : « que Lartius et Cloelius, qui étoient alors ⚫ consuls, se démettroient de leur pouvoir, et à leur exemple tous ceux qui avoient quelque administration publique; qu'il n'y auroit qu'un seul magistrat; qu'il seroit choisi par le sénat, et confirmé par la voix du peuple, et que son pouvoir ne s'étendroit pas au-delà de six mois. » Le peuple, qui ne comprit pas toutes les conséquences de ce nouveau décret, y souscrivit sans peine; et quoiqu'une charge de cette nature passât les bornes et les règles ordinaires, il laissa au sénat le soin de choisir un sujet propre à la remplir.

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Ce nouvel établissement fut d'une grande utilité pour le bien des affaires, et offroit toujours une ressource présente et efficace, soit contre les entreprises séditieuses du peuple, soit dans les grands dangers de l'état de la

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bourses, et ne seroient pas certainement disposés à «< avancer leur bien, comme auparavant, pour mettre en « œuvre le laboureur et l'artisan, au danger de n'en point recueillir le fruit, et de perdre même leurs fonds : que le mécontentement des grands n'étoit pas moins « à craindre que le murmure du peuple : qu'au reste on pouvoit user de quelque tempérament, et mettre une différence entre les débiteurs : que, pour ceux qu'on trou« veroit s'être ruinés par la débauche et le libertinage, on «< ne feroit pas une grande perte, quand ils sortiroient tous <«< de Rome, dont ils étoient la honte et l'opprobre : qu'à « l'égard des autres, il étoit juste de les soulager : que « les créanciers, à qui il seroit facile de faire ce discernement, seroient très - louables d'avoir quelque indulgence pour des malheureux qui ne s'étoient point attiré leur infortune, et qui seroient, d'autant plus obligés à « leurs bienfaiteurs, que la grâce n'auroit été l'effet que <«< de leur compassion et de leur libéralité: qu'il ne convenoit point à l'équité de la république de faire de son « autorité des remises générales, dont les bons et les mé«< chans profiteroient également, et de donner ce qui ne « lui appartenoit pas qu'il falloit au moins laisser aux propriétaires le mérite de disposer librement de leurs biens, et ne leur point envier le droit qu'ils avoient à <«< la reconnoissance de leurs débiteurs : que, quant à la « sédition qu'on appréhendoit, le moyen de l'exciter « étoit de faire paroître de la crainte en mollissant; qu'un coup d'autorité jeteroit la terreur dans les esprits, « et qu'un ou deux exemples de sévérité contiendroient « les mutins et les feroient rentrer dans le devoir. »

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On proposa encore plusieurs avis. Celui qui l'emporta fut, que le sénat ne prononceroit sur le fond des contestations présentes que quand la guerre seroit heureusement terminée; qu'alors les consuls rapporteroient de nouveau cette affaire au sénat, et qu'en attendant on accorderoit une surséance pour toutes sortes de dettes. Cette ordonnance ne satisfit point le peuple, et n'apaisa point le tumulte. Les pauvres, amis de la franchise et de la simpli

cité, se défioient de ces détours, où ils croyoient reconnoître un dessein de les abuser; et comme ils ne comptoient point du tout sur la bonne foi du sénat, ils étoient persuadés qu'il ne cherchoit qu'à les tromper par ces artificieux délais.

sûr

teur. Il apaise

Le sénat se trouva dans un grand embarras. Les La- Création tins, nation puissante et aguerrie, se préparoient à entrer d'un dictaer campagne. Le peuple paroissoit déterminé à ne point les troubles. prendre les armes. Les sénateurs n'avoient pas assez d'autorité pour se faire obéir, et n'osoient pas employer les châtimens contre les réfractaires, parce que la loi portée par Valérius Publicola leur donnoit le pouvoir d'appeler au peuple de toutes les ordonnances des consuls. Le plus moyen de rendre au sénat son ancienne autorité eût été d'abroger cette loi; mais c'est ce qui n'étoit pas possible. Pour prévenir l'opposition que le peuple n'auroit pas manqué de faire, si l'on en fût venu à attaquer ouver→ tement ses priviléges, le sénat résolut d'introduire dans la république un magistrat dont la puissance fût monarchique et supérieure à toutes les lois, mais d'une courte durée. Pour cela, il fit un décret artificieux, dans lequel il trompa les gens du peuple, et abolit, sans qu'ils s'en aperçussent, la loi qui favorisoit leur liberté. Il étoit conçu en ces termes : « que Lartius et Cloelius, qui étoient alors consuls, se démettroient de leur pouvoir, et à leur exemple tous ceux qui avoient quelque administration publique; qu'il n'y auroit qu'un seul magistrat; qu'il seroit choisi par le sénat, et confirmé par la voix du peuple, et que son pouvoir ne s'étendroit pas au-delà de six mois. » Le peuple, qui ne comprit pas toutes les conséquences de ce nouveau décret, y souscrivit sans peine; et quoiqu'une charge de cette nature passât les bornes et les règles ordinaires, il laissa au sénat le soin de choisir un sujet propre à la remplir.

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Ce nouvel établissement fut d'une grande utilité pour le bien des affaires, et offroit toujours une ressource présente et efficace, soit contre les entreprises séditieuses du peuple, soit dans les grands dangers de l'état de la

part des ennemis. Il eut de funestes suites dans les derniers temps de la république : mais de quoi n'abuse-t-on pas?

Il s'agissoit ici de choisir un chef capable de soutenir lui seul tout le poids du gouvernement. Dans les conjonctures où se trouvoit la république, il falloit de rares qualités en celui qui en devenoit le maître absolu. On avoit besoin d'un homme de tête et de résolution, qui eat une grande expérience dans le métier de la guerre, et une modération à l'épreuve des égaremens où jette souvent la plénitude de l'autorité. On demandoit surtout un général qui sût maintenir la discipline dans sa vigueur, et qui eût la fermeté de se faire obéir des séditieux. On croyoit voir toutes ces qualités dans T. Lartius, et son collègue ne manquoit pas non plus de mérite. Le sénat ordonna l'un des deux consuls nommeroit le nouveau maque gistrat, ce qui fut toujours observé dans la suite; et, en conséquence d'une seconde délibération, que dans la conjoncture présente il nommeroit son collègue. Les consuls, revêtus du pouvoir de décider entre eux qui des deux étoit le plus digne de la souveraine magistrature, tinrent une conduite bien supérieure à la façon ordinaire de penser et d'agir des hommes, et qui devint l'objet de l'admiration publique. Ni l'un ni l'autre ne voulut consentir à croire qu'il méritât la préférence sur son collègue. Tout le jour se passa à se donner mutuellement l'un à l'autre leur voix pour la charge, sans qu'aucun voulût l'accepter, L'assemblée étant congédiée, les parens et les amis des deux consuls, et les sénateurs les plus respectables, rendirent chez Lartius, et y restèrent jusqu'à la nuit,a le conjurant de ne point mettre d'obstacle aux vœux du public. Vaincu par leurs vives remontrances, il consentit enfin que son collègue le nommât dictateur : car ce fut le nom que l'on donna à ce souverain magistrat, ou du moins

« C'est peut être de cette circonstance qu'est venue la coutume de nommer de nuit le dictateur : il en est parlé plusieurs fois dans Tite-Live.

se

Lib. 4, cap. 21, lib. 8, cap. 23, lib.9, cap. 38. Nocte deindè silentio, ut mos est L. Papirium dictatorem

dixit.

c'est le nom le plus célèbre et le plus usité. Le vrai nom étoit, à ce qui paroît, magister populi.

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Lartius fut le premier Romain depuis les consuls qui fut chargé seul du gouvernement de la république avec une puissance sans bornes pour décider de la guerre ou de la paix, et pour prononcer sans appel sur toutes les autres affaires. Dès qu'il eut été nommé dictateur, il choisit pour général de la cavalerie Sp. Cassius, qui avoit été consul l'année de Rome 252. Ce magistrat étoit appelé magister equitum, nom relatif à celui de magister populi. Il étoit le lieutenant du dictateur, mais soumis à ses ordres comme le reste des citoyens, et redoutant comme les autres les haches et les faisceaux du souverain magistrat.

Lartius jugea à propos de donner d'abord une haute idée de la charge dont on l'avoit revêtu, et de l'autorité absolue qui y étoit attachée. Il fit reprendre aux licteurs les haches qui étoient jointes aux faisceaux du temps des rois, et que Valère avoit fait ôter pendant son consulat, pour rendre plus populaire la nouvelle forme de gouvernement. Il en doubla le nombre, et voulut que vingtquatre licteurs marchassent devant lui avec ces marques d'autorité, plutôt pour jeter la terreur parmi les séditieux que dans le dessein d'en faire usage. Cet appareil formidable produisit l'eliet qu'il en avoit attendu. Le peuple, saisi de frayeur à la vue de ces faisceaux et de ces haches portées devant le dictateur, devint tout autrement docile et soumis qu il ne l'avoit été jusque-là. Il n'étoit plus dans le même cas que sous le gouvernement des consnls, où il étoit permis à tout citoyen de s'appuyer de l'un de ces magistrats contre son collègue, et d'appeler de leurs

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