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dans ses campagnes qu'un génie si peu convenable à société. Sa rigueur outrée à maintenir les lois et la di çipline sans admettre jamais de tempérament, son att chement trop littéral à ce qu il croyoit équitable, et un roideur inflexible dans ce qui lui avoit une fois par le meilleur parti, contribuèrent plus que tout le res à aigrir les esprits, et à les éloigner de lui. Que jeunes seigneurs apprennent de cet exemple combi il est important de vaincre et de dompter ce que l'o appelle humeur car ce fut là le vice dominant de C

riolan.

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Ce vice le conduisit par des degrés imperceptibles celui de tous les excès qui est le plus horrible, et qui de plus funestes suites: ce fut de porter les armes contr sa patrie. Les autres crimes sont bornés dans leurs effets et ne se font sentir souvent qu'à une seule personne ou tout au plus à un très-petit nombre. Celui-ci, étouf fant dans le cœur la tendresse naturelle pour le lieu qu nous a donné la naissance, porte la fureur contre tout une ville et tout un pays, et entraine après soi le ravages, les incendies, les meurtres, les violemens, d les plus affreux sacriléges. Voilà ce que préparoit Corio lan à sa patrie. Il est vrai qu'elle l'avoit maltraité in dignement, en payant par l'exil les importans services qu'il lui avoit rendus. Mais ignoroit-il qu'il en est de la patrie comme des pères et des mères, dont les en fans doivent souffrir avec patience les plus mauvais trai temens, 3 et qu'il ne peut jamais y avoir une juste cause de prendre les armes contre elle? Il étoit du nombre de ceux dont parle 4 Cicéron, qui se croient obligés, et qui

'In aliis maleficiis ad singulos aut ad paucos ex alieno peccato injuria pervenit: hujus sceleris qui sunt affines, uno consilio universis civibus atrocissimas calamitates machinantur Ad. Heren. lib. 4, n. 12.

* Ut parentum sævitiam, sic patriæ, patiendo ferendo leniendam esse. Liv. lib, cap. 34.

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3 Præsertim cùm omninò nulle causa justa cuiquam esse possit contra patriam arma capiendi. 2. Philip. n. 55.

4 Inventi autem multi sunt, qui non modò pecuniam, sed vitam etiam profundere pro patria parati essent üidem gloriæ jacturam ne minimam quidem facere vellent. 1. Offic. n. 84.

nt prêts à sacrifier leur bien et leur vie même pour patrie, mais qui ne voudroient pas souffrir pour elle moindre affront, ni la plus légère atteinte donnée leur réputation. Fausse délicatesse! amour mal enndu de la gloire! Les grands hommes ne pensent pas insi. L'histoire romaine nous en fournira plusieurs xemples.

II. Sp. Cassius, consul, travaille à usurper le pouvoir souverain. Il est acccusé devant le peuple, condamné à mort et exécuté. Dissensions entre les tribuns et les consuls au sujet de la loi agraire. Victoire considérable, mais sanglante, remportée contre les Etrusques. Triste défaite des Fabius, près de Crémère. Ménénius est condamné à une amende : Servilius absous. Génucius, tribun, excite de nouveaux troubles: il est trouvé mort dans son lit. Violens troubles.

Quelques jours après la retraite de Coriolan, les deux Liv. lib. 2, consuls se mirent en campagne avec de nombreuses trou- c. 40. Dionys. Hapes; mais ils revinrent bientôt à Rome, sans avoir rien licarn. l. 8, fait d'important, quoique les ennemis leur eussent p. 550-547. présenté l'occasion la plus favorable. La division s'étoit mise parmi les Volsques et les Eques au sujet du commandement, et les esprits s'échauffèrent si fort, qu'ils tournèrent leurs armes les uns contre les autres avec un acharnement furieux, tellement que, s'ils n'eussent été sur la fin du jour, ils se seroient tous égorgés de part et d'autre. Ils décampèrent le matin du jour suivant, et se retirèrent chacun chez soi. Les consuls furent fort blâmés de ne les avoir pas poursuivis.

T. SICINIUS.

C. AQUILLIUS.

Les Herniques et les Volsques furent vaincus par ces consuls.

AN. R. 267.
Av. J.C.485.

AN. R. 268.
Av.J.C.484.

Cassius tra

vaille à usur

voir

rain.

souve

SP. CASSIUS. III.

PROCULUS VIRGINIUS.

Virginius fut envoyé contre les Eques. Ayant désolé leur pays, sans trouver aucune résistance, ii ramena ses troupes à Rome.

Les Volsques et les Herniques, contre lesquels marchoit Cassius, traitèrent de paix et d'alliance avec le consul, à qui le sénat avoit donné le pouvoir d'en régler les conditions.

Cassius, de retour à Rome, après avoir obtenu par per le pou-ses brigues l'honneur du triomphe qu'il méritoit peu, porta plus loin ses vues ambitieuses, et forma le dessein de se procurer un pouvoir absolu. Il sentit bien que le moyen le plus sûr d'y parvenir étoit de gagner la faveur du peuple. Dans cette vue, il représente au sénat « que le peuple méritoit quelque récompense pour les « services qu'il avoit rendus à la république, soit en « défendant la liberté commune, soit en soumettant à « l'empire de nouveaux pays: qu'on ne pouvoit mieux « les reconnoître qu'en lui abandonnant des terres qui « étoient le fruit de ses conquêtes, et qui appartenoient « au public, quoique, par une injuste avidité, quelques « patriciens se les fussent appropriées : que cette libéralité « mettroit les pauvres plébéiens en état de pouvoir nour«rir des enfans utiles à la république, et qu'il n'y avoit « même qu'un partage si équitable qui pût rétablir une « sorte d'égalité qui devoit être entre les citoyens d'une « même ville. » Il associoit à ce privilége les Latins, et même les Herniques, avec qui il venoit de faire un traité d'alliance.

Discussion

C'est ici la première fois qu'il est fait mention de la au sujet de la loi agraire, c'est-à-dire de la loi qui ordonnoit des distriloi agraire. butions de terres pour le peuple. Nous verrons dans la

suite qu'elle causera de grands troubles dans la république,

• Tum primùm lex agraria promulgata est; nunquam deindè, usque ad hanc memoriam, sine maximis re

rum motibus agitata. Liv. lib. 21 cap. 41.

et qu'elle sera dans la main des tribuns comme un flambeau de division et de discorde toujours prêt à prendre feu. En effet, cette loi, qui en elle-même avoit une grande apparence d'équité, devoit plaire extrêmement au peuple, dont elle soulageoit la misère. Quand les Romains avoient eu quelque avantage considérable sur leurs voisins, ils ne leur accordoient jamais la paix qu'ils ne leur enlevassent une partie de leur territoire, qui étoit aussitôt incorporée dans celui de Rome. Une partie de ces conquêtes se vendoit pour indemniser l'état des frais de la guerre. On en distribuoit gratuitement une autre portion aux pauvres d'entre le peuple qui se trouvoient sans aucun fonds de bien en propre. Quelquefois on en donnoit certains cantons à cens, au profit du public. Des patriciens avides, et uniquement attentifs à s'enrichir, s'emparoient d'une partie de ces terres, par des moyens qui seront marqués plus en détail dans la suite. C'est de ces terres, injustement usurpées par les riches, que Cassius vouloit qu'on fît un nouveau partage en faveur des citoyens.

pauvres

Cette proposition alarma fort les sénateurs : les uns, parce qu'ils y étoient intéressés personnellement, d'autres parce qu'ils en craignoient les suites dangereuses. Elle flatta d'abord agréablement le peuple: mais l'union des Latins associés à la même grâce l'en dégoûta bientôt. Rabuléius, un des tribuns, ayant demandé dans l'assemblée au consul Virginius ce qu'il pensoit de la loi en question, celui-ci répondit qu'il consentiroit volontiers que les terres dont il s'agissoit fussent distribuées au peuple romain, pourvu que les Latins n'y eussent aucune part. Ce sentiment plut fort au peuple. Cassius se voyoit par là frustré de ses espérances: car sa vue avoit été de mettre ces peuples dans ses intérêts pour parvenir à son but par leur moyen, et par le secours qu'il prétendoit en tirer; et d'ailleurs il sentoit son crédit beaucoup diminué dans l'esprit de la populace. Pour regagner ses bonnes grâces, il représenta au sénat qu'il étoit de la justice de rembourser, aux dépens du trésor com

mun, l'argent que les pauvres d'entre les citoyens avoient employé à acheter les blés dont Gélon, roi de Syracuse, avoit fait présent à la république pendant la cherté. L'auroit-on cru? Cette proposition, qui sembloit devoir être fort agréable à la multitude, la révolta, parce que cette largesse lui parut comme le prix dont Cassius vouloit acheter la tyrannie, et que dans sa misère elle trouvoit la servitude encore plus insupportable que la pauvreté.

Cependant l'affaire fut agitée dans le sénat. Appius fit un long discours, dans lequel il s'opposa fortement à la loi agraire, en remontrant que nourrir le peuple aux dépens du public, c'étoit le rendre oisif et paresseux. Il conclut à choisir dix des plus considérables du sénat, qui seroient chargés de faire la visite des terres, et d'en reconnoître les bornes ; et s'ils trouvoient des particuliers qui par adresse ou par force en eussent usurpé la jouissance, il vouloit qu'on les obligeât à en faire restitution à la république : qu'on vendît une partie de ces terres; que le reste fût donné à louage pour cinq ans; et que l'argent qu'on en retireroit fût employé pour les besoins publics. Il fit entendre que le peuple, lorsqu'il verroit les possesseurs injustes de ces terres contraints d'y renoncer, et les revenus appliqués à un juste et nécessaire emploi, n'auroit plus lieu de se plaindre.

Appius ayant cessé de parler, on pria Aulus Sempronius Atratinus de dire son sentiment. Celui-ci, après s'être fort étendu sur les louanges d'Appius, et avoir embrassé son sentiment sur le choix des commissaires, ajouta qu'il croyoit nécessaire, dans la conjoncture où l'on se << trouvoit, de gagner le peuple en partageant les terres « en question, ou généralement entre tous les citoyens, « ou seulement entre ceux qui n'avoient aucun fonds « de terres, ou qui n'avoient qu'un revenu très-modi

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* Id verò, haud secùs quàm præsentem mercedem regni, aspernata plebes: adeo, propter suspicionem

insitam regni, velut abundarent om• nia, munera ejus in animis hominum respuebantur. Liv.

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