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Les décemvirs sont obli

mettre.

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feroit ressouvenir le sénat de la fermeté des plébéiens, s qu'ils sentiroient que, sans le rétablissement de la puis «<sance tribunitienne, il n'y avoit aucune espérance d « réunion. » Du reste, ayant établi leur camp sur le mon Sacré, ils imitèrent la sagesse et la modération de leurde pères en n'exerçant aucune violence. Le peuple de i ville se joignit à l'armée, sans qu'aucun de ceux à qui leu âge le permettoit s'en dispensât. Leurs femmes et leur enfans les accompagnèrent dans une partie de leur marche en leur demandant tristement à qui donc ils les laissoient, es dans une ville où ni l'honneur des femmes ni la libertéle commune n'étoient point en sûreté.

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Rome étant ainsi changée tout à coup en une affreuse gés de se dé solitude, et personne ne paroissant dans la place publique, à l'exception de quelques vieillards, le sénat entra dans tra une véritable inquiétude. « Qu'attendez-vous, pères con-p «<scrits? leur disoit-on. Si les décemvirs persistent dans «< leur opiniâtreté, laisserez-vous tout périr? Et vous, dé cemvirs, quelle est donc cette autorité à laquelle vous << tenez si fort? Quoi! prétendez-vous commander aux «< toits et aux murailles? N'avez-vous point de honte de e voir que le nombre de vos licteurs surpasse presque celui des citoyens qui sont restés dans la ville? Que ferez-vous << si les ennemis viennent l'attaquer? Mais si le peuple, voyant que sa retraite nous touche peu, descend ici les « armes à la main, que devenez-vous? Votre dessein est-il « de ne mettre fin à votre autorité que par la ruine entière << de la ville? Ne comprenez-vous pas qu'il faut nécessai«<rement ou renoncer à avoir un peuple, ou lui accorder des tribuns? Nous nous passerons plutôt de magistrats patriciens que le peuple de magistrats plébéiens. ' Ils ont « arraché à nos pères cette charge, nouvelle alors pour « eux, et qu'ils ne connoissoient point encore. Croit-on qu'après en avoir goûté la douceur pendant tant d'années, ils consentiront à en être privés pour toujours,

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1 Novam inexpertamque eam potestatem eripuére patribus nostris, ne nunc dulcedine semel capti ferant de

siderium: cùm præsertim nec nos temperemus imperiis, quò minùs illi auxilii egeant. Liv. lib. 3, cap. 52.

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surtout après que, de notre part, nous n'avons pas su user tellement de l'autorité, qu'ils n'eussent pas besoin de secours et de protection. »

Comme les décemvirs entendoient de pareils discours le tous côtés, vaincus par un consentement unanime, ls déclarent enfin que, puisqu'on le juge nécessaire, ils d'en rapportent absolument à ce que le sénat ordonnera. Is les prient seulement de les mettre en sûreté contre 'envie et la haine publique, en leur représentant qu'il st de leur intérêt de ne pas accoutumer le peuple par e supplice des décemvirs à répandre le sang des séna

eurs.

La paix se

rétablit. On

Liv. III, 55,

Quand cela fut ainsi arrêté, on députa Valère et Hoace avec plein pouvoir de conclure avec le peuple un rée des triraité de pacification. On leur recommanda aussi de buns du peuprendre de justes précautions pour mettre les décemvirs ple à l'abri de la colère et de la violence du peuple. Ils furent 54. reçus dans le camp avec une joie universelle, comme les libérateurs du peuple, et on leur rendit de publiques. actions de grâces pour tous les services qu'ils lui avoient rendus dans cette affaire, et lorsqu'elle commença à éclater, et maintenant qu'elle alloit être terminée. Icilius portoit la parole pour la multitude. Quand on vint à traiter de l'accommodement, et que les députés du sénat le prièrent d'exposer les demandes qu'il avoit à faire, la réponse qu'il rendit, et qui avoit été concertée avant qu'ils arrivassent, fit voir que le peuple ne fondoit ses prétentions que sur l'équité, et non sur les armes qu'il avoit en main. On demandoit le rétablissement de la puissance tribunitienne et de l'appel, qui avoient été les deux remparts de la liberté du peuple avant la création des décemvirs, et qu'on ne fit point un crime à qui que ce fût d'avoir porté les soldats ou le peuple à se retirer sur le mont Aventin pour se remettre en possession de la liberté. Il n'y eut que l'article des décemvirs qui fût violent. Le peuple demandoit qu'ils lui fussent livrés, et menaçoit de les faire brûler tout vifs.

« Vos premières demandes, répliquèrent les députés,

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«< sont si justes, que nous étions disposés à vous les accorder << de nous-mêmes, parce qu'elles ne tendent qu'à assurer « votre liberté, et non à faire aucun préjudice aux autres. Mais, pour les dernières, ce seroit vous faire tort à vous« mêmes que d'y condescendre : il suffit bien de vous par« donner ces sentimens outrés de colère, mais nous ne << pouvons les approuver. Vous vous rendez cruels par << haine de la cruauté; et avant presque d'être vous-mêmes libres, vous voulez déjà dominer sur vos adversaires. « Notre ville ne verra-t-elle jamais finir cette haine et « cette guerre déclarée des sénateurs contre le peuple, et << du peuple contre les sénateurs? Vous avez plus besoin << de bouclier que d'épée. Vous ne devez songer maintenant qu'à bien établir votre liberté. » Toute l'assemblée ayant remis entièrement ses prétentions et ses intérêts entre les mains des députés, ils promirent de revenir bientôt et de leur rapporter la ratification de leurs demandes.

«

«

Quand ils furent retournés au sénat, et qu'ils eurent rendu compte de l'heureux succès de leur négociation, les i autres décemvirs voyant que, contre leur espérance, on ne parloit point de leur supplice, donnèrent les mains à tout. Appius seul, le plus féroce et le plus odieux de tous, jugeant de la haine que le peuple lui portoit par celle qu'il avoit lui-même contre le peuple: « Je n'ignore pas, dit-il, « ce qui m'est préparé. Je vois bien qu'on diffère à nous attaquer jusqu'à ce qu'on ait armé nos adversaires. La haine de mes ennemis ne peut s'éteindre que dans mon « sang. Je consens aussi à me démettre du décemvirat. On fit aussitôt un décret qui portoit « que les décemvirs abdiqueroient au premier jour leur magistrature : que « le grand pontife Q. Furius créeroit des tribuns du peuple, et que personne ne pourroit être recherché pour « cause de la retraite des soldats et du peuple sur le mont Aventin. » Le sénat s'étant séparé, les décemvirs se présentent à l'assemblée du peuple, et abdiquent leur magistrature; ce qui causa une joie universelle.

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On porte aussitôt cette nouvelle au camp. Tout ce qui étoit resté de citoyens dans la ville suit les députés. L'auire

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I

partie du peuple vient dans le moment à leur rencontre. Ils se félicitent les uns les autres sur le recouvrement de la paix et de la liberté. Les députés, ayant convoqué l'assemblée, s'exprimèrent en ces termes : « Romains, pour « le bonheur et l'avantage de la république en commun, « et de chacun de vous en particulier, retournez dans votre patrie, à vos dieux pénates, vers vos femmes et vos enfans; << mais retournez-y avec la même sagesse et la même modération que vous avez fait paroître ici, où, dans un << besoin si universel d'une si nombreuse multitude, aucun champ n'a souffert le moindre dommage. Portez les « mêmes dispositions dans la ville. Allez au mont Aventin « d'où vous êtes partis; là, dans ce lieu d'un heureux au« gure, où vous avez posé les premiers fondemens de votre « liberté, vous créerez des tribuns du peuple. Le grand pontife s'y trouvera pour présider à votre assemblée. » On écouta ces paroles avec une grande joie et de grands applaudissemens.

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Sans perdre de temps ils décampent, et prennent le chemin de Rome, congratulant tous ceux qu'ils rencontroient, et recevant aussi leurs congratulations. Ils passent armés à travers la ville dans un grand silence, et arrivent sur le mont Aventin; là, sur-le-champ, le grand pontife tenant l'assemblée, ils créent des tribuns: Virginius avant tous les autres, puis L. Icilius et P. Numitorius, oncle de Virginie, qui avoient eu le plus de part à la révolution : après eux, C. Sicinius, fils ou petit-fils de celui qui avoit été l'un des premiers tribuns créés sur le mont Sacré, et M. Duilius, qui, avant l'établissement des décemvirs, s'étoit distingué dans la charge de tribun du peuple, et qui depuis leur avoit été toujours fort opposé. On en ajouta einq autres moins connus, mais de qui l'on étoit bien sûr: M. Titinius, M. Pomponius, C. Apronius, P. Villius, C. Oppius.

Dès qu'ils furent entrés en charge, le peuple, sur la re

• Quod bonum, faustum, felixque patriam, ad penates, conjuges, libe fit vobis, reique publicæ, redite in rosque vestros.

AN. R. 306.

Av. J.C.446.

Lesnouveaux

consuls por

bles au peu

725-727:

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quête d'Icilius, ordonna qu'on n'inquiéteroit personne pour s'être séparé des décemvirs. Duilius fit passer en même temps une ordonnance pour élire des consuls, avec la clause expresse qu'il seroit permis d'appeler de leurs décrets au peuple. On procéda aussitôt à l'élection des consuls, qui furent Valère et Horace.

L. VALÉRIUS POTITUS.

M. HORATIUS BARBATUS.

Ces deux magistrats étoient fort populaires de leur nateal des lois turel, et avoient hérité de leurs ancêtres beaucoup de tres favora douceur et d'équité dans le gouvernement de la république. ple. Voulant s'acquitter de la promesse qu'ils avoient faite au Dionys. A peuple en l'engageant à mettre bas les armes, d'avoir un' Liv., 55. soin particulier de ses intérêts, ils portèrent plusieurs lois qui lui étoient très-favorables. La première déclaroit que tout ce qui seroit ordonné par le peuple assemblé par tribus obligeroit tous les Romains comme ce qui étoit statué dans les assemblées par centuries. 1C'étoit donner une force infinie aux lois tribunitiennes; car c'étoient les tribuns du peuple qui présidoient à ces assemblées par tribus. Pour mettre le privilége de l'appel hors de toute atteinte, ils défendirent de créer aucune magistrature dont il ne fût point permis d'appeler; et la même loi donnoit permission de tuer quiconque entreprendroit de le faire, sans que, pour ce meurtre, on pût être appelé en justice. Ils renouvelèrent et fortifièrent la loi qui déclaroit la personne des tribuns sacrée, et qui défendoit, sous peine de mort, de les maltraiter en aucune manière. Ils ordonnèrent aussi qu'on porteroit dans le temple de Cérès les décrets du sénat pour les mettre sous la garde des édiles du peuple, au lieu qu'auparavant il dépendoit des con suls de supprimer ou d'altérer ces décrets. Les patriciens n'osèrent s'opposer à toutes ces lois, mais ils ne les recurent qu'à regret: 2 car toutes les précautions que l'on

* Quá lege tribunitiis rogationibus ** veretur, id suis decedere opibus cretelum acerrimum datum est. Liv. debant. Liv.

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