l'espace & le vafte terrein où l'armée fe loge en campagne, quelquefois en fe couvrant d'un retranchement, mais fouvent fans autre précaution que celle d'une affiette avantageufe; c'est comme une ville dont les maifons font de toile, & les murailles faites d'hommes.

On doit fituer le camp, autant qu'on peut, fur une riviere navigable, dans un pays fain, fertile & abondant, peu éloigné d'un bois, & l'expofer au midi, de maniere cependant que le chaud y foit tempéré par un vent du nord.

plac

On y confidere le voifinage des prairies, au commencement des campagnes fur tout, pour herber les jeunes chevaux que le changement de nourriture abbat aifément; la commodité fure, libre & facile avec les places d'où l'on tire les fubfiftances & les commodités de l'armée; la jaloufie qu'ils donnent à l'ennemi; le pays ennemi qu'ils ouvrent, le pays ami qu'ils couvrent, & les avantages qu'on en peut retirer, foit pour faire perdre le temps à l'ennemi, & le détourner de quelque grand deffein, foit pour le forcer à nous venir chercher en un lieu défavantageux, où par des mouvemens vifs & bien concertés, on l'aura comme forcé de fe placer, foit

pour le

contenir

contenir devant foi, pendant qu'avec un autre corps d'armée on fait ailleurs fans obftacle un fiége ou autre importante entreprise. Mais on évite de placer fes camps en lieux marécageux, qui puiflent être inondés, (ce qu'on peut cependant prévenir par des chauffées digues & levées) ni dans des lieux qui foient commandés par des hauteurs voifines dont l'ennemi puiffe s'emparer y mettre du canon, & foudroyer le camp ou le champ de bataille qu'on fe fera choifi en cas d'attaque. Si les ennemis font plus forts en cavalerie

on

laiffe, s'il fe peut, des haies, des fossés, ravines, chemins creux, bois, &c. du côté d'où ils peuvent aborder, tant pour les empêcher de charger avec ordre l'infanterie qui les garde, que pour donner moyen à cette même infanterie de les charger avec avantage; comme fi au contraire on eft plus fort en cavalerie, on préférera de camper en lieu ouvert, où l'infanterie ennemie ait à craindre d'engager le combat.

L'étendue du camp fera proportionnée à la grandeur de l'armée. Quant à la diftribution des parcs, des quartiers & des places, cela regarde la caftramétation, au fujet de laquelle je dirai, fans préten

Tome I.

M

dre en parler ici, que le Général doit être logé dans le milieu, que les quartiers doivent être tellement difpofés, que les Officiers généraux qui les commandent ne foient point éloignés du Général de l'armée, afin d'être plus prompts à fe rendre auprès de lui pour les confeils & les délibérations; que par cette même raifon les Colonels doivent être proche des Officiers généraux, les Capitaines des Régimens proche de leurs Colonels, & les Officiers fubalternes proche de leurs Capitaines, afin qu'en un mo ment tous foient animés du même ef prit. Il y faut des places d'armes, des marchés, &c. & que tout y foit ter nu proprement.

Il y a plufieurs chofes à confidérer dans les camps; par qui & comment fe fait le campement; où fe placent les gardes du camp; comment attaquer & défendre un camp ordinaire; qu'eft-ce qu'un camp retranché, fon utilité, comment le conftruire, défendre & attaquer; qu'est-ce que camp volant, &c. nous en traiterons dans les articles fui

vans.

ARTICLE PREMIER.

Du Campement.

LE campement eft un certain nombre de troupes qui précédent l'armée de plus ou de moins de temps, felon l'éloignement ou la proximité de l'ennemi, pour tracer & marquer le camp; c'est le Maréchal de camp de jour qui eft ordinairement chargé de ce foin. Toute la peine & le détail du fervice de l'armée roule fur lui; il en prend l'ordre du Général & du Lieutenant général de jour.

Si l'ennemi eft affez près pour pouvoir l'empêcher de prendre le camp réfolu, il ne fe détache de l'armée que d'environ un quart de lieue; mais fi l'ennemi eft éloigné, peu avant que l'armée fe mette en mouvement, il fe met à la tête des troupes deftinées pour la garde du camp, fuivi de tout ce qu'on appelle campement; fçavoit, du Maréchal des logis de l'armée & fes Fourriers, du Major général d'infanterie, fes Aidesmajors généraux, & des Majors de brigade, du Maréchal des logis de la cavalerie & fes Majors de brigade, du Major général des Dragons & fes Majors de

brigade, du Major de l'artillerie, du Préposé pour les vivres, des Brigadiers & Colonels de jour, tant de cavalerie que d'infanterie, d'un Officier major d'un Capitaine & de deux Lieutenans par régiment ou par brigade quand elles font formées de trois Sergens & de trois Caporaux par bataillon. Dans la cavalerie & les dragons, d'un Officier Major par régiment, avec un Maréchal des logis, un Brigadier & deux cavaliers par efcadron. Le tout s'affemble au rendez-vous général marqué, & fe met en marche à l'heure prefcrite, fous les ordres du Maréchal de camp de jour & de l'escorte des troupes qui doivent garder le nouveau camp, dont les Officiers font arrêter les foldats, cavaliers & dragons & autres qui ne font pas commandés, & les font conduire au Prévôt qui les punit comme maraudeurs.

Ce campement marche en bon ordre & avec précaution jufqu'à l'endroit deftiné à camper, dont le Maréchal de camp va ordinairement quelques jours auparavant, ou la veille, reconnoître les chemins qui y conduisent; ou s'il n'en a pas le temps, il mene avec lui de bons guides & un Officier d'artillerie, avec une charrette chargée d'outils, & des

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