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foient feulement les marques de leur dignité. Il conclut qu'après tant de difcours inutiles qui s'étoient faits fur le même fujet, il n'y avoit plus qu'un coup d'autorité qui qui pût réprimer les entreprifes féditieufes des Tribuns. Que lesPatriciens, fuivisde leurs cliens devoient prendre les armes, écarter le Peuple de la Place, & charger fans diftinction tous ceux qui fe rendoient les protecteurs d'une Loi fi pernicieufe. Cet avis fut rejetté comme trop violent, & même dangereux. Le Sénat prit un parti plus modéré : il fit demander aux Tribuns qu'on bannît des affemblées publiques ces disputes & ces conteftations tumultueuses, au travers defquelles il étoit difficile de démêler la juftice & la raifon; que les Confuls puffent paifiblement, & fans être interrompus, repréfenter au Peuple les véritables intérêts de la République, & qu'on prendroit enfuite,de concert, des réfolutions conformes au bien commun du Peuple & du Sénat.

Les Tribuns n'oferent refufer une propofition fi équitable. Quintius monta à la Tribune aux Harangues; il parla d'une maniere fi vive & fi

touchante des avantages de la paix, & des malheurs qui fuivoient des divifions & du changement des Loix, que fi Appius n'eût pas pris la parole immédiatement après lui, le Peuple paroiffoit difpofé à rejetter la propofition de Volero.

Mais ce Conful,qui ne connoiffoit de manieres de traiter avec les hommes, que celles de hauteur, au lieu de profiter de l'impreffion que le difcours de fon Collégue venoit de faire fur l'efprit des Auditeurs, s'emporta à des invectives qui eurent le même effet que les harangues féditieufes des Tribuns, & qui ne fervirent qu'à irriter de nouveau les Plébéïens, & à les éloigner du Sénat. Il leur reprocha d'une maniere défagréable au Sénat même, & odieufe au Peuple, sa premiere désertion fur le Mont Sacré, & l'érection du Tribunat, qu'il disoit n'avoir été arrachée du Sénat, que par une révolte déclarée, & les menaces d'une guerre civile. Qu'il ne falloit pas s'étonner fi d'un Tribunal formé par des féditieux, il n'en fortoit que des tumultes & des difcordes, qui ne prendroient fin que par la ruine entiere de la République, qu'on ne reBb iii j*

D. H. ibid.
Tit Liv.

Dec. 1.1.2.

connoiffoit déja plus aucune trace de
l'ancien gouvernement. Que les Loix
les plus faintes étoient abolies, la puif-
fance Confulaire méprifée, & la di-
gnité du Sénat avilie. Qu'on portoit
l'impudence, jufqu'à vouloir exclure
de l'élection des Tribuns, les Sénatus-
Confultes & les Aufpices, c'est-à-dire
tout ce que la Religion & l'Etat
avoient de plus facré & de plus ref-
pectable. Que bientôt on aboliroit le
Sénat dont on diminuoit tous les
jours l'autorité, pour élever fur fes
ruines, un Confeil fuprême, compofé
des Tribuns du Peuple. Qu'il prioit les
Dieux de lui ôter la vie avant que
d'être fpectateur d'une fi étrange révo-
lution. » Et afin, dit-il, vers le Peu-
ple, de vous faire connoître mes
fentimens, je déclare que je m'op-
poferai toujours constamment à la
publication d'une Loi fi injuste, &
» j'efpere qu'avant que vos Tribuns
» foient venus à bout de la publier,
» je vous ferai sentir quelle eft l'é-
» tendue du pouvoir d'un Conful.
Ce ne fut qu'en frémiffant de colere
d'indignation que le Peuple enten-
dit un difcours fi injurieux. Le pre-
mier des Tribuns, appellé Lectorius,

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qui paffoit pour un des plus braves foldats de la République, lui répondit, que perfonne n'ignoroit qu'il fortoit d'une maison,où l'orgueuil & l'inhumanité étoient héréditaires ; que fon pere avoit été le plus cruel ennemi du Peuple, & que lui-même en étoit moins le Conful, que le tyran. Mais qu'il lui déclaroit à fon tour, que malgré fa dignité & fa puiffance de Conful, les élections des Tribuns & celles des Ediles, fe feroient dans la fuite par les Comicès des Tribus. Il jura par tout ce qu'il y avoit de plus. facré, qu'il perdroit la vie, ou que dans le jour même il feroit recevoir la Loi. Il commanda en même tems. au Conful, de fortir de l'affemblée pour ne pas apporter de trouble quand on recueilleroit le fuffrages.

1.9.

Appius fe moqua de fon ordre, &, D. H. ibid il lui cria que, quoique Tribun, il devoit favoir qu'il n'étoit qu'un homme privé, fans véritable Magiftrature, & dont tout le pouvoir fe renfermoit à former une oppofition aux Decrets du Sénat qui pouvoient être préjudiciables aux Plébéïens. Là-deffus appellant auprès de lui fes parens, fes amis & fes Cliens, qui étoient en grand nombre, il fe mit en état d'op

pofer la force à la violence. Lectorius ayant conféré tumultuairement avec fes Collégues, fit publier par un Héraut que le Collége des Tribuns ordonnoit que le Conful fût conduit en prifon : & auffitôt un Officier de ce Tribun eut la hardieffe de vouloir arrêter le premier Magiftrat de la République. Mais les Sénateurs, les Patriciens, & cette foule de Cliens qui étoient attachés à Appius, le mirent au milieu d'eux, & repoufferent l'Officier. Lectorius, tranfporté de colere s'avança lui-même pour le foutenir, & implora le fecours du Peuple. La multitude fe fouleve; les plus mutins fe joignent au Tribun; on n'entend plus que des cris confus que produit une animofité réciproque. Bientôt on paffe des injures aux coups; & comme il étoit défendu en ce tems-là de porter des armes dans la Ville, chaque parti s'en fait des bancs ou des pierres qu'il rencontre. Il y a bien de l'apparence que cette émotion ne fe feroit pas à la fin terminée fans qu'il

y

eût eu beaucoup de fang répandu, fi Quintius n'eut engagé quelques Confulaires, & d'anciens Sénateurs à arracher Appius de ce tumulte, pendant qu'il travailleroit à adoucir les

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