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jufte qu'on les en dédommageât aux dépens de ceux qui avoient vécu avec plus de fageffe & d'œconomie ; qu'après tout il falloit confidérer que les mutins & ceux qui faifoient le plus de bruit, n'étoient que les Plébéïens des dernieres claffes, & qu'on ne plaçoit ordinairement dans les batailles que fur les aîles ou à la queue des Légions, qu'ils n'étoient la plûpart armés que de frondes; qu'il n'y avoit ni grands fervices à efpérer, ni beaucoup à craindre de pareils foldats; que la République ne perdroit pas beaucoup en perdant des gens qui ne fervoient que de nombre; & qu'il n'y avoit qu'à méprifer la fédition pour la diffiper,

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& pour voir ces mutins recourir avec foumiffion à la clémence du Sénat.

Quelques Sénateurs qui vouloient trouver un milieu entre deux avis fi oppofés, propoferent que les créanciers ne puffent au moins exercer de contrainte fur la perfonne de leurs débiteurs. D'autres vouloient qu'on ne remît les dettes qu'à ceux qui étoient notoirement dans l'impuiffance de les acquitter ; & il y en eut qui pour fatisfaire en même-tems à la foi publique, & à l'intérêt des créanciers,

propoferent de les païer des deniers publics. Le Sénat ne prit aucun de ces partis: il réfolut de ne point donner atteinte à des actes auffi folemnels que des contrats: mais afin d'adoucir le Peuple, & pour l'engager à prendre plus volontiers les armes, il rendit un Sénatus-Confulte,qui accordoit une furféance pour toute forte de dettes jufqu'à la fin de la guerre.

Cette condefcendance du Sénat étoit un effet de l'approche de l'ennemi, qui s'avançoit du côté de Rome. Mais plufieurs d'entre les Plébéïens, devenus plus fiers par la même raifon, déclarerent ou qu'ils obtiendroient une abolition abfolue de toutes les dettes, ou qu'ils laifferoient aux riches & aux Grands le foin de la guerre, & la défense d'une Ville à laquelle ils ne s'intéreffoient plus, & qu'ils étoient même prêts d'abandonner. La fermeté qu'ils faifoient paroître leur attira des compagnons. Le nombre des mécontens groffiffoit tous les jours; & plufieurs même d'entre le Peuple, qui n'avoient ni dettes, ni créanciers , ne laiffoient pas de fe plaindre de la rigueur du Sénat, foit par compaffion pour ceux de leur Or

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dre ou par cette averfion-fecrette que tous les hommes ont naturellement pour toute domination.

Quoique les plus fages & les plus riches des Plébéïens, & fur-tout les Cliens des Nobles, n'euffent pas de part à la fédition, cependant la féparation dont ménaçoient les mécon tens, & le refus qu'ils faifoient obftinément de prendre les armes, étoient d'un dangereux exemple, fur-tour dans une conjoncture où la plupart des Latins, commandés par les fils & le gendre de Tarquin, étoient aux portes de Rome. Le Sénat pouvoit à la vérité faire le procès aux plus mutins, & aux chefs de la fédition; mais la loi Valeria qui autorifoit les appels devant l'Affemblée du Peuple, ouvroit un afyle à ces féditieux, qui ne pouvoient manquer d'être abfous par les complices de leur rebellion.

Le Sénat, pour éluder l'effet de ce privilége fi préjudiciable à fon autorité, réfolut de créer un Magiftrat fuprême, également au-deffus du Sénat même & de l'affemblée du Peuple, & auquel on déférât une autorité abfolue. Pour obtenir le confentement

me 259.

An av J. C.

du Peuple, on lui représenta dans une affemblée publique, que dans la néceffité de terminer ces diffenfions domeftiques, & de repouffer en même tems les ennemis, il falloit donner à la République un feul Chef, au deffus même des Confuls, qui fût l'arbi tre des Loix, & comme le pere de la Patrie & de peur qu'il ne s'en rendît le tyran, & qu'il n'abufât de cette autorité fuprême, qu'il ne falloit la lui confier que pour l'efpace de fix mois.

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Le Peuple qui ne prévit pas les conféquences de ce changement, y confentit : & il femble qu'on convint que le premier Conful feroit en droit de nommer le Dictateur, comme pour le dédommager de l'autorité qu'il perdoit par la création de cette éminente An de Ro dignité. Clélius nomma T. Largius fon Collégue ce fut le premier Romain, qui, fous le titre de Dictateur, Tit. Liv. D. parvint à cette fuprême dignité D. H. 1. s. qu'on pouvoit regarder dans une République comme une Monarchie abfolue, quoique paifagere. En effet dès qu'il étoit nommé, lui feul avoit pouvoir de vie & de mort fur tous les Citoyens, de quelque rang qu'ilsfuffent, & fans qu'il y eût aucune voie

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1. 1. 2.

d'appel,

d'appel. L'autorité & les fonctions des autres Magiftrats ceffoient, ou lui étoient fubordonnées : il nommoit le Général de la Cavalerie, qui étoit à fes ordres, & qui lui fervoit de Lieurenant Général.

Le Dictateur avoit des Licteurs armés de haches comme les Rois : il pouvoit lever des troupes ou les congédier, felon qu'il le jugeoit à propos. Quand la guerre étoit déclarée, il commandoit les armées & y décidoit des entreprises militaires, fans être obligé de prendre l'avis ni du Sénat ni du Peuple; & après que fon autorité étoit expirée, il ne rendoit compte à perfonne de tout ce qu'il avoit fait pendant son administration,

T. Largius étant revêtu de cette grande dignité, nomma, fans la participation du Sénat & du Peuple, Spurius Caffius Vifcellinus pour Géné ral de la Cavalerie; & quoiqu'il fût le plus modéré du Sénat, il affecta de faire toutes choses avec hauteur pour fe faire craindre du Peuple, & pour le faire rentrer plutôt dans fon devoir. La fermeté du Dictateur jetta une grande crainte dans les efprits; on vit bien que fous un Magiftrat fi abTome I.

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