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un coup d'autorité de diffiper ce tumulte. Ils firent arrêter un Plébéïen qui refufoit de s'enrôler; mais le Peuple, toujours furieux, l'arracha des mains des Licteurs, & les Confuls éprouverent dans cette occafion combien la majefté fans la force eft peu confidérée. Une défobéiffance fi déclarée, & peu différente d'une révol

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allarma le Sénat, qui s'affembla extraordinairement. T. Largius que nous avons vu Dictateur, opina le premier. Cet ancien Magiftrat, fi refpectable par fa fageffe & par fa ferineté, dit qu'il voyoit avec beaucoup de douleur Rome comme partagée en deux Nations, & former comme deux Villes différentes. Que la premiere n'étoit remplie que de richeffes & d'orgueil, & la feconde de mifere & de rébellion. Que dans l'une & dans l'autre on ne voyoit ni juftice, ni hon. neur, ni même de bienféance, & que la fierté des Grands n'étoit pas moins odieufe que la défobeiffance du petit peuple. Qu'il étoit cependant obligé d'avouer qu'il prévoyoit que l'extreme pauvreté du Peuple entretiendroit toujours la diffenfion & qu'il ne croyoit pas qu'on pût rétablir l'union

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& la concorde entre ces deux Ordres, que par une abolition générale des dettes.

D'autres Sénateurs étoient d'avis

qu'on reftraignît cette grace en faveur de ceux qui dans les dernieres guerres avoient fervi utilement la République ; & ils repréfentoient que c'étoit une juftice qui leur étoit dûe, & que la parole de Servilius y étoit même engagée.

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Appius, quand ce fut fon rang opiner, s'oppofa également à ces deux avis Tant de mutineries, dit-il, » ne procedent pas de la mifere du Peuple,c'eft bien plutôt l'effet d'une » licence effrénée, qu'il plaît à des féditieux d'appeller du nom de li» berté. Tout ce défordre n'a pris » naiffance que de l'abus que le Peuple fait de la Loi Valeria. On viole impunément la majefté des Con»fuls, parceque les mutins ont la faculté d'appeller de la condamnation du crime, devant les complices mêmes de ce crime; & quel » ordre peut-on jamais efpérer d'éta blir dans un Etat où les Ordon»nances des Magiftrats font foumi» fes à la revifion & au jugement

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d'une populace qui n'a pour régle » que fon caprice & fa fureur? Sei"gneur, ajouta Appius, il faut créer » un Dictateur, dont les Jugemens font fans appel; & ne craignez pas après cela qu'il y ait des Plébéïens allez infolens pour repouffer les Lic"teurs d'un Magiftrat qui fera maî»tre de difpofer fouverainement de leurs biens & de leurs vies ".

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Les jeunes Sénateurs, jaloux de l'honneur du Sénat, & ceux fur-tout qui étoient intéreffés dans l'abolition des dettes, fe déclarerent pour l'avis d'Appius : ils vouloient même lui déférer cette grande Dignité. Ils difoient qu'il n'y avoit qu'un homme auffi ferme & auffi intrépide, qui fût capable de faire rentrer le Peuple dans fon devoir. Mais les anciens Sénateurs & les plus moderés, trouverent que cette fouveraine puiffance étoit affez formidable d'elle-même, fans en revêtir encore un homme naturellement dur & odieux à la multitude. L'un des Confuls, par leurs avis, nomma pour An. de Rome Dictateur Manius Valerius, fils de Tit. Liv. Volefius. C'étoit un Confulaire âgé Dec. 1. 1. 2. de plus de foixante & dix ans, & D. H. 1. 6. d'une maifon dont le Peuple n'avoit

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à craindre ni orgueil ni injuftice. Le Dictateur, Plébéïen d'inclination, nomma pour Général de la Cavalerie, Quintus Servilius, frere de celui qui avoit été Conful, & qui trouvoit comme lui, qu'il y avoit de la juftice dans les plaintes du Peuple: il convoqua enfuite une Affemblée générale dans la Place des Comices. Il y.parut avec une contenance grave & modefte tout ensemble ; & adreffant la parole au Peuple, il lui dit qu'il ne devoit craindre que pas fa liberté ni la Loi Valeria, qui en étoit le plus ferme appui, fuffent en danger fous un Dictateur de la famille de Valerius Publicola. Qu'il n'étoit point monté fur fon Tribunal pour les féduire de fauffes promeffes; qu'il falloit à la vérité marcher aux ennemis qui s'avançoient du côté de Rome, mais qu'il s'engageoit en fon nom, & de la part du Sénat, de leur donner, au retour de la campagne, une entiere fatisfaction fur leurs plaintes; & en » attendant, dit-il, par la puiffance » fouveraine dont je fuis revêtu, je déclare libres vos perfonnes, vos » terres & vos biens. Je fufpens l'effet de toute obligation dont on

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pourroit fe fervir pour vous inquié » ter venez nous aider à vous conquérir de nouvelles terres fur nos ennemis ".

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Ce difcours remplit le Peuple d'efpérance & de confolation. Tout le monde prit les armes avec joie, & on leva dix Légions complettes: on en Ed. ibid. donna trois à chaque Conful; le Dictateur s'en réserva quatre. Les Romains marcherent aux ennemis par différens endroits : le Dictateur bat tit les Sabins, & le Conful Vetufius remporta une victoire fignalée fur les Volfques, prit leur camp, & enfuite Velitre, où il entra l'épée à la main en pourfuivant les vaincus; & A. Virginius, l'autre Conful, défit les Eques, & remporta une victoire que la fuite précipitée des ennemis rendit peu fanglante.

Le Sénat, qui craignoit que les foldats de retour ne demandaffent au Dictateur l'exécution de fes promeffes, lui fit dire, & aux deux Confuls, de les retenir toujours fous les enfeignes, fous prétexte que la guerre n'étoit pas terminée. Les deux Confuls obéirent; mais le Dictateur,dont l'autorité étoit plus indépendante du Sé

nat,

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