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Apr. J. C.

Ce Prince qui étoit refté pendant ce tems-là à Baitac, n'eut pas plutôt appris ces nouvelles, qu'il alla à la mon- L'an 1375. tagne de Cara-cafmac, où Dgihanghir vint le rejoindre: en- Tamerlan. fuite il marcha vers les campagnes d'Arpaïazi (a),& y reçut les hommages de Mobarek Schah, Chef des Mekrites. De-là il revint par Yaffi-daban à Uzkend, où la Princeffe Coutlouk tarkhan aga fa fœur vint au-devant de lui. Au milieu des fêtes qu'il donna à cette Princeffe, Adel schah, fils de Bahram dgelair, confpira contre lui avec plufieurs autrès Nevians; mais le projet n'ayant pû réuffir, Tamerlan arriva heureusement à Zendgir-ferai proche Nakhschab, où il fit punir quelques-uns des conjurés qui avoient eu l'impru dence de venir fe mettre entre fes mains, & pardonna aux autres. Au retour du printems (b) il ordonna à Adel schah, L'an 1376. qui étoit un de ceux-là, à Sarbouga, à Khatai bahadour à Eltchi bouga, de retourner avec trente mille cavaliers dans le pays de Kaschgar pour arrêter Camareddin, & alla de fon côté à la tête de fon armée dans le Kharizme, où fa présence étoit néceffaire. Il campa à Sepayé fur le bord du Gihon, où une partie de fes troupes, fous la conduite de Poulad, battit à Phariab ou Otrar, Tarkhan erlat & fon frere Turmifch qui furent tués dans l'action.

Pendant ce tems-là les Nevians qu'il avoit envoyés dans le pays de Kaschgar, avoient formé entre eux le deffein de fe révolter, & avoient raffemblé les Hordes de Dgelaïr & de Kaptchac, avec lefquelles ils étoient venus mettre le fiége devant Samarcande. Cette fâcheufe nouvelle que Tamerlan apprit au-delà de Kaht dans le Kharizme, l'obligeant de revenir à la hâte, il envoya devant lui fon fils Dgihanghir qui rencontra les ennemis, dans un lieu appellé Karmioù il les battit. Les Chefs pafferent dans le défert du Kaptchac, & fe retirerent à la Cour d'Ourous khan qui régnoit dans ce pays. Mais bientôt après fe révoltant contre ce Prince qui leur avoit donné un afyle, ils tuerent un de fes Officiers, & fe fauverent dans le Royaume de Kafchgar auprès de Camareddin, qu'ils irriterent de plus en plus contre

na,

(a) C'eft peut-être Paitfepon.

(b) L'an 777 de l'Hegire, l'an du Crocodile.

Tom. IV.

B

,

Apr. J. C. Tamerlan, & qu'ils engagerent à lever une armée pour enLan 1376. trer dans le pays d'Andecan, dont il fe rendit maître. Mais Tamerlan. Tamerlan n'eut pas plutôt pris la route de ce pays, que Camareddin ordonna à fa maifon & à fa horde de quitter Atbaschi, lieu fitué vers le lac Palkati, dans lequel fe jette l'Ili, & qu'il alla avec quatre mille chevaux fe pofter dans une embuscade, d'où il vint furprendre Tamerlan qui avoit envoyé toute fon armée à la pourfuite des ennemis, & qui étoit refté avec environ deux cents hommes. Tamerlan exhorta en peu de mots fes foldats à faire leur devoir, & pouffa fon cheval contre les ennemis ; il fit des prodiges de valeur, & battit Camareddin malgré fa fupériorité; il remporta un fecond avantage fur ce Prince qui penfa être pris.

Tous ces fuccès furent fuivis d'un événement qui lui caufa les plus grands chagrins. En rentrant dans Samarcande, il trouva cette grande ville dans le deuil & dans la tristesse à l'occafion de la mort de fon fils aîné Mirza Dgihanghir. Il pleura amérement ce jeune Prince qui donnoit les plus grandes efpérances, lui fit faire de magnifiques funérailles, diftribua de grandes aumônes aux pauvres, fit des fondations pieufes, & lui fit élever dans Kesch un fuperbe mausolé (a). Son affliction étoit telle, qu'il ne prenoit plus aucun foin des affaires, & qu'il paroiffoit vouloir abandonner fon Empire; les Grands de fa Cour s'efforcerent de le confoler, en lui rappellant ce qu'un Souverain doit à fes peuples. Le tems adoucit infenfiblement fon chagrin, & il reprit, malheureusement pour les hommes, les rênes du

gouvernement,

ou plutôt la fuite de fes ufurpations. Quelques cavaliers auxquels il donna ordre d'arrêter Adel schah qui étoit dans les montagnes de Karatchouc, furprirent & mirent à mort ce Nevian dans un lieu appellé Ac-fouma, qui est une tour bâtie fur le haut d'une montagne. En même tems d'autres Généraux qui étoient chargés d'aller contre Camareddin, battirent ce Prince dans le pays de Couratou, & revinrent chargés de dépouilles. Ces troupes ne furent pas plutôt de re

(a) Ce jeune Prince laiffoit de Khanzadé un fils appellé Mirza mohammed fulthan, & de fon autre femme Bakti

mulki aga, un autre fils nommé Mirza pir mohammed.

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L'an 1376'

tour, que Tamerlan réfolut d'aller en perfonne contre Camareddin. Ses Généraux l'atteignirent à Bougam-asigheul, Apr. J. C où ils le mirent en fuite, & fe rendirent maîtres de tous Tamerlan fes fujets, Tamerlan le pourfuivit jufqu'à Goutchcar, où Tokatmifch aglen vint implorer fon fecours contre Ourous, Khan du Kaptchac. Tamerlan de retour à Samarcande donna des troupes à ce Prince, & le renvoya dans le Kaptchac; quelque tems après il fe rendit lui-même dans ce pays pour le foutenir; enfuite (a) il le fit couronner à Saganac (6), & continua de le protéger dans les années suivantes. 11 nâquit vers le même tems à Tamerlan un fils L'an 1377. nommé Mirza Schahrokh (c), dont la naissance répandit beaucoup de joie dans l'Empire. Les Aftrologues confulterent le ciel à ce fujet, & tirerent l'horofcope du jeune Prince.

Tamerlan avoit alors à fe plaindre de la conduite d'Youfouf fofi, Roi du Kharizme, ce Prince avoit envoyé, malgré l'alliance qu'il avoit contractée, une armée dans les environs de Bokhara, ensuite il avoit fait arrêter son Ambassadeur, & un courier chargé d'une lettre où l'on récla moit le droit des gens. Rien n'ayant pû toucher Youfouf fofi, Tamerlan fe mit en marche vers le Kharizme (d). Pen- L'an 1379. dant qu'il fit le fiége d'Eskiskuz, une partie de fes troupes fe répandit dans tout le pays & le ravagea. Youfouf fofi crut pouvoir en impofer à Tamerlan en lui offrant le combat seul à feul; mais il refufa de defcendre dans la prairie, lorsqu'il vit que ce Conquérant armé à la légere l'attendoit pour se battre avec lui; il n'ofa plus fe préfenter, & un de fes Généraux avec les meilleures troupes fit une fortie très-vive. Le combat dura depuis le matin jufqu'au foir, & il & il y eut depuis ce tems-là, pendant trois mois & demi que dura le fiége d'Urghens, plufieurs actions femblables. Dans cet intervalle Youfouf fofi mourut; les affiégés ne laifferent pas

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furnommée Mahrebane, c'est-àdire, bienfaisante; elle étoit fille de Ca→ zan fulthan khan.

(d) Il revint à Samarcande au mois Schoual de l'an 780 de l'Hegire, ou au commencement de l'an de la Brebis, le foleil entrant dans le figne des poiffons.

Apr. J. C.

de fe défendre jusqu'à la derniere extrémité ; la ville fut prife L'an 1379. d'affaut & livrée au pillage (a). Tous les Scherifs, les DocTamerlan. teurs, les Sçavans & les gens de métier qui furent faits prifonniers, furent envoyés à Kefch. Cette ville qui étoit la patrie de Tamerlan, devint depuis ce tems-là, & par l'attention que ce Prince eut toujours d'y envoyer les prifonniers diftingués par leur fcience ou par leur habileté dans les arts, une des plus célebres villes du monde. On lui donnoit le titre de Coubbat-el-ilm ou el-adab, c'est-àdire, le dôme de la fcience & de la vertu. On l'appelloit encore Scheher-febz, la ville verte, à cause de la verdure & de la fraîcheur de fes jardins. Tamerlan en fit le fiége de fon Empire, & y fixa son séjour pendant l'été. Il fit bầtir de nouvelles murailles & un nouveau palais, qu'il appella Ak-ferai, c'est-à-dire, le palais blanc, à cause de la blancheur prodigieufe de ses murs. On avoit confulté les Aftrologues pour jetter les premiers fondemens de ce grand édifice.

Par la conquête du Kharizme Tamerlan avoit foumis tous les pays qui étoient auparavant de la dépendance de l'Empire du Zagatai. Mais fon ambition ne pouvoit être renfermée dans ces bornes qui lui paroiffoient trop étroites; le Khorafan le tentoit, & il cherchoit les moyens de pouvoir s'en emparer, ou au moins d'obliger Gaïatheddin pir aly, Prince de la Dynaftie des Kurts, qui y régnoit, à devenir fon tributaire & fon vaffal. Pour y parvenir, & faire naître quelques divifions qui occafionnaffent une guerre, il fit fommer ce Prince de venir en perfonne au Couroultai, ou à la Diéte, qu'il fe propofoit de tenir au commencement du printems. Gaïatheddin pir aly qui voyoit un orage prêt à fondre dans fes Etats, répondit à l'Envoyé qu'il fe rendroit à la Cour du Monarque Tartare, fi on lui envoyoit Seifeddin berlas, parent de Tamerlan; il croyoit par-là se dispenser d'un voyage pour lequel il avoit beaucoup de répugnance. Mais Tamerlan qui pénétroit fes deffeins, confentit au départ de fon parent. Le Prince d'Herat reçut ce Nevian avec de grands honneurs, & l'arrêta long

(4) L'an 781 de l'Hegire, ou l'an du Mouton,

il

L'an 1379.

tems dans cette ville, fous prétexte de préparer les préfens qu'il vouloit porter à Tamerlan. Il faifoit pendant Apr. J. C. ce tems-là garnir la ville de toutes fortes de provisions, & Tamerlan. achever les fortifications qu'il avoit commencées l'année précédente. C'étoit une nouvelle muraille qui avoit deux lieues de tour, & qui renfermoit les fauxbourgs & les jardins qui avoient été jufqu'alors hors de l'enceinte de l'ancienne ville. Seifeddin berlas affecta de ne pas voir tous ces préparatifs, ne follicita plus Gaïatheddin de fe rendre auprès de Tamerlan, & fe retira enfuite pour inftruire fon Maître des desseins du Roi d'Herat.

Tamerlan n'avoit aucun motif raisonnable pour entreprendre cette guerre; l'ambition de parvenir à la monarchie universelle étoit la feule regle de fa conduite, & il prétendoit qu'il ne devoit y avoir qu'un feul Roi fur la terre. Envahir les Etats avec lesquels il étoit en paix, en enlever toutes les richesses pour les tranfporter dans fon pays, détrôner les Princes, égorger & réduire à l'esclavage leurs fujets, faire le plus grand nombre de malheureux qu'il étoit poffible, c'étoit en cela qu'il faifoit confifter toute la gloire d'un Souverain. Formant dès lors le deffein de foumettre la Perfe, envoya fon fils Mirza Miran fchah qui paffa le Gihon fur un pont de batteaux (a), & qui après avoir attendu à Balkh L'an 1380, & à Schebourgan le retour du printems, fe rendit enfuite maître de la ville de Badghiz, où toutes les richeffes qu'il y trouva, fervirent à former les équipages de fon armée. Tamerlan le fuivit peu de tems après (6) avec le refte de fes L'an 1381. troupes qui pafferent fur un pont la riviere de Dizac (c). Ce Prince alla à Andcoud, ville du Khorafan fituée près de Balkh, où il visita Baba fancou, un de ces Dervisch qui affectent d'être fous. Le Dervifch en le voyant paroître lui jetta une poitrine de mouton à la tête. Tamerlan tira de cette aventure un préfage favorable pour fon expédition, & répandit dans toute fon armée que Dieu lui abandonnoit le Khoafan, que l'on a toujours appellé le Royaume de la poitrine,

(a) L'an 782 de l'Hegire.

b) Sur la fin de l'an 782, au commeneement du printems.

(c) Cette riviere qui paffe dans le Khorafán, fe jette dans le Gihon.

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