Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Sulthan fit rafer cette fameufe ville, & comme il y avoit Apr. J. C. tout auprès une petite ifle où les habitans de Tripoli s'é- L'an 1289. toient retirés dans une Eglife dédiée à S. Thomas, les fol- Kelaoun. dats Mufulmans y pafferent à la nage avec leurs chevaux, égorgerent tous les hommes, & prirent les femmes & les enfans. Aboulfedha qui étoit à ce fiége, & qui passa quelques jours après fur une barque dans cette ifle, rapporte qu'il la trouva couverte de corps morts. Après que les murailles eurent été renverfées, & que les maisons eurent été réduites en cendres, le Sulthan s'empara du château d'Anpha (a), qu'il fit rafer; il prit auffi celui de Botron & tous les autres des environs. Enfuite il ordonna que l'on rebâtît Sanut. Tripoli à quelque distance plus loin, dans un lieu appellé la Montagne des pèlerins, à un mille de la Mer. De-là il partit pour le Caire (b), après avoir fait une tréve de deux ans avec les Francs de Ptolémaïs.

Aboulfedha

Tharantai alla faire une éxpédition (c) dans la Thébaï- L'an 1190. de, où il y avoit quelques rebelles; il rétablit l'ordre dans ce pays, & en revint avec beaucoup de butin. Un autre Emir, nommé Azzeddin ibegh, & furnommé el Aphram, revint auffi d'une expédition qu'il avoit faite dans le pays des Négres, où il avoit pris beaucoup de femmes, des chevaux & des petits éléphans. Le Sulthan fe propofoit dans le même tems de faire le pélerinage de la Mecque, mais ayant appris que les Francs de Ptolémaïs commettoient des defordres fur fes frontieres, il réfolut de porter la guerre dans leur pays. Il fortit du Caire dans ce deffein, & alla camper auprès d'une Mofquée qui eft dans le voisinage de cette ville. Il y tomba malade, & quelque tems après il y mourut (d). Il fut auffi-tôt transféré au Château de la montagne. Il avoit régné onze ans & trois mois. On remarque que ce Prince parloit fort mal la langue Arabe, parce qu'il étoit déja avancé en âge lorfqu'il fortit du Turkeftan. Il fit bâtir un grand nombre de Mofquées, & particuliérement un hôpital, nommé Bimareftan, au Caire, auquel il affigna

(a) Sanut le nomme Nephin.

(d) Un famedi 6 de Dzoulcaada de

(b) Dans le mois Dgioumadi elakher. l'an 689. (c) L'an 689.

X

L'an 1290.

Khalil.

L'an 1291.

de grands biens pour l'entretien & le foulagement des maApr. J. C. lades. Il avoit environ douze mille Mameluks, dont quelKelaoun. ques-uns furent Sulthans dans la fuite. C'est ce Prince qui le premier en eut de la nation des Circaffes qu'il faifoit élever dans un château, & il les nommoit Bordgites, c'est-àdire, élevés dans des tours, ou qui demeurent dans des tours (a). Ce Prince eut pour fucceffeur fon fils Khalil (b) qui prit le titre d'Afchraf, c'eft-à-dire, de noble, & de Selaheddin, ou de pacificateur de la Religion. Il fit auffi-tôt annoncer dans tous fes Etats fon élévation à l'Empire, & nomma des Officiers pour le gouvernement des provinces; il s'occupa enfuite de l'expédition de Ptolémaïs que fon pere lui avoit recommandée en mourant, fit tous les préparatifs néceffaiAboulfedha res, & partit pour la Syrie (c). Toutes les armées de Hama furent commandées pour marcher, on prépara quinze machines, entre lefquelles il y en avoit une que l'on tira du château des Kurdes, qui étoit fi grande que les piéces étoient portées fur cent chariots; l'Hiftorien Aboulfedha en avoit un dans fa division. L'armée de Hama qui s'étoit mise en marche fur la fin de l'hyver, eut beaucoup à fouffrir des pluies & des neiges. Toutes les troupes qui montoienr à foixante mille cavaliers & à cent quarante mille piétons, s'approcherent de Ptolémaïs (d). Les habitans de cette ville avoient fait pendre dix-neuf Marchands Mufulmans, & avoient refusé de donner à ce fujet aucune fatisfaction au Sulthan. Ce motif, joint aux follicitations du Sire de Telima, causerent la perte de Ptolémaïs. Le fiége fut extrêmement rude & meurtrier; les Francs faifoient de fréquentes forties par la principale de leurs portes qu'ils tenoient ouverte. Ils avoient

Aboulma

hafen. Sanut.

(a) Sous fon régne fleuriffoit le célebre Hiftorien nommé Ben khalekan ou Khilkan. On le nomme Schamfeddin aboul abbas ahmed, fils de Mohammed, fils d'Ibrahim, fils d'Aboubekr, fils de Khilkan, fils de Barek, fils d'Abdallah, fils de Schekel, fils d'Houffain, fils de Malek, fils de Dgiafer, fils d'Yahia, fils de Khaled, fils de Barmek. Ben khilkan étoit par conféquent de l'illuftre famille des Barmecides; il étoit Cadhy des Cadhys de Damas, fuivant les princi

pes de la fete Schaféenne. Il a compofé une hiftoire dont Aboulmahafen s'eft beaucoup fervi. Il eft mort l'an 681 de l'Hegire, de J. C. 1282.

(b) Le P. Maimbourg l'appelle Eli, pour Khalil, ou Melech feraph.

(c) Le 3 de Rabi elaoual de l'an 690 de l'Hegire.

(d) Au commencement de Rabi elaoual de l'an 690; fuivant Sanut, le 15 d'Avril de l'an 1291.

des vaiffeaux couverts de peaux, d'où ils lançoient fur les Mufulmans des fleches & des crocs. Ils firent pendant une L'an 1291. Apr. J. C. nuit une fortie, dans laquelle ils pénétrerent jufqu'aux tentes, Khalil. mais s'étant embarraffés dans les cordes, les Mufulmans les chargerent & les obligerent à prendre la fuite. Henry, Roi de Chypre, étoit venu au fecours des affiégés (a) avec deux cens hommes de cavalerie & deux cens piétons. Quoiqu'il pérêt tous les jours un très-grand nombre de Mufulmans, ceux-ci ne fe rebuterent pas, & s'emparerent de quelques tours, particuliérement de la nouvelle tour du Roi, que l'on appelloit la tour maudite (b). Enfin le Sulthan donna un affaut général (c), les Mufulmans entrerent par cette tour dans la ville; tous les Chrétiens prirent la fuite du côté de la Mer, & laifferent aux ennemis la facilité de s'emparer du refte des murailles. Le Roi & les Maîtres du Temple & de l'Ordre Teutonique qui voulurent faire encore quelque réfiftance, furent repouffés, & le Maître du Temple fut tué. Les Mufulmans voyant qu'on ne fe défendoit plus, entrerent en foule dans la ville qu'ils livrerent au pillage. Le Roi de Chypre gagna fes vaiffeaux, plufieurs autres le Temple. Le Patriarche qui étoit monté fur un vaiffeau, s'efforçoit de fauver le plus qu'il pouvoit d'habitans; mais fon zele lui faifant toujours appercevoir de nouveaux malheureux qui avoient befoin de fon fecours, il en retira auprès de lui une fi grande quantité que fon vaiffeau fut submergé. Un grand nombre d'autres Francs qui vouloient gagner la Mer, furent étouffés dans la foule, d'autres furent noyés, parce que la Mer qui étoit ce jour-là fort agitée, empêchoit qu'on ne pût aller aux grands vaiffeaux. Le Temple, fitué au milieu de la ville & fortifié de quatre groffes tours, avoit tenu plus long-tems;les Templiers & les Chevaliers Teutons s'y étoient renfermés. Les Mufulmans en firent le fiége (d), & les obligerent enfin de demander à capituler; le Sulthan leur donna un étendart qu'ils mirent fur une tour, & ils ouvrirent une porte. Les Musulmans y entrerent, mais l'infolence de ces

[blocks in formation]

(d) Le 19 de Dgioumadi elakher.

L'an 1291.

Khalil.

derniers à l'égard des femmes & des enfans fit révolter les Apr. J. C. Francs qui les taillerent en pièces, fermerent leurs portes & jetterent l'étendart. Le fiége recommença, les Chevaliers Teutoniques demanderent les premiers à capituler, & traiterent pour eux avec l'Emir Zeïneddin ketbogha. Les Templiers fe défendirent encore (a), & ne capitulerent que le lendemain ; ils obtinrent la liberté de fe retirer avec toutes les femmes & les enfans où ils voudroient. Environ deux mille étant defcendus, on les fit auffi-tôt prifonniers, & plufieurs furent tués avec le Maréchal du Temple. Alors les femmes & les enfans allerent implorer la miféricorde du Sulthan à la porte de fa tente; ce Prince étoit irrité contre les Francs, parce qu'ils avoient fait mourir l'Emir Acbogha avec tous les Mufulmans qui l'avoient fuivi à la premiere capitulation. Les autres Francs qui étoient encore dans le château, en apprenant cette nouvelle, jetterent du haut des tours plufieurs Mufulmans qui y étoient entrés, d'autres furent écrafés par une grande tour qui tomba. Cependant les Chrétiens fe rendirent, & tous furent tués, on n'épargna que les femmes & les enfans qui furent faits efclaves. Cette grande ville, la capitale de l'Empire des Francs dans la Syrie, fut prise par les Mufulmans le même jour, un vendredi, à la même heure, c'est-à-dire, à trois heures qu'elle avoit été prise autrefois par les Francs, & ceux-ci éprouverent le même traitement qu'ils avoient fait éprouver aux Musulmans.

Après la prife de Ptolémaïs, le Sulthan envoya l'Emir Ilmeddin fandgiar, furnommé Ef-fouabi, avec un corps de troupes vers Tyr, pour affiéger cette place qui capitula auffi-tôt, quoiqu'elle fût en état de fe défendre. Les habitans eurent la liberté de fe retirer avec tout ce qu'ils poffédoient, & on rafa tous les forts. La facilité avec laquelle on s'étoit rendu maître de Tyr détermina le Sulthan à prendre toutes les autres places voifines, & à chaffer de la Syrie ce qui reftoit de Francs. Ce Prince partit de Ptolémaïs (b), & s'en alla à Damas, où il entra en triomphe

(4) Jufqu'au 20 du même mois.

(6) Le 22 de Dgioumadi elakher.

conduifant avec lui un grand nombre de prifonniers Francs avec leurs étendarts. De-là il s'en alla au Caire (a). Pen- L'an 1291. Apr. J. C. dant ce tems-là l'Emir Ilmeddin fandgiar, furnommé Schad- Khalil. giaï (b), faifoit le fiége de Seïd, où les Templiers de PtoTémaïs s'étoient retirés, & s'étoient fortifiés dans le château de la Mer. Le Général Musulman qui ne pouvoit les affiéger par terre, fit venir de Laodicée plufieurs vaiffeaux, & força les Templiers de capituler (c). Cette ville fut rafée, & les Templiers pafferent à Antharfous. On prit enfuite les villes de Berout & de Catlit (d). Ceux de Berout ayant été au-devant du Sulthan qui paffoit fur leurs frontieres, furent égorgés ou mis aux fers. L'Emir Seïfeddin balban alla affiéger Antharfous ou Antharadous (e). Tous les Templiers se retirerent dans l'ifle de Tortofe (f), & la Syrie fut entiérement foumife. Jamais conquête ne fut faite avec tant de facilité; le Sulthan perdit peu de monde dans cette expédition, & fit détruire toutes les places où les Francs étoient établis depuis fi long-tems. Vingt vaiffeaux nouvellement arrivés dans l'ifle de Chypre, & quelques autres que les habitans de cette ifle armerent, voulurent faire un dernier effort, & tenterent de prendre le port de Candeloure dans l'Asie mineure, mais ils furent repouffés par les Turcs qui étoient fur cette côte; ils ne furent pas plus heureux à Alexandrie où ils allerent.

Pendant l'expédition de Ptolémaïs le Sulthan avoit fait arrêter l'Emir Houfammeddin ladgin, Gouverneur de Syrie & l'Emir Rokneddin bibars, furnommé Tacfou, qu'il avoit envoyés en Egypte, où on les avoit renfermés dans le Château de la montagne. Il avoit donné le Gouvernement de Syrie à l'Emir Ilmeddin fandgiar, furnommé Schadgiaï. Il fit enfuite prendre plufieurs autres Emirs, & fe fit par-là autant d'ennemis dont la haine éclata dans la fuite. Ce Prince entreprit enfuite une fameuse expédition, pour laquelle il fit raffembler les armées d'Egypte & de Syrie.

(a) Il y arriva un lundi 9 de Schaban.
(6) Sanut le nomme Segei.
(c) Un famedi 15 de Redgeb.
(d) Au commencement de Schaban.

(e) Le 15 de Schaban.

(f) Les Hiftoriens Arabes la nomment Aroud; c'eft Aradus.

« AnteriorContinuar »