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Il y avoit encore un corps de cavaĺerie tiré du Midi de l'Egypte,

Apr. J. C.

qui montoit à

66000 hommes.

Tous ces différens corps raffemblés forment une armée de près de trois cens mille hommes. Chaque Emir avoit une portion de terre qui lui étoit affignée, & le peuple étoit encore obligé de leur fournir certaines provisions. On leur distribuoit de même qu'aux foldats une certaine quantité de pain. Cette maniere de payer & d'entretenir les troupes venoit probablement des anciens Egyptiens, qui donnoient à chaque foldat douze arures de terre & cinq livres de pain, deux livres de bœuf & deux pintes de vin. Dans l'Egypte, pays extrêmement fertile, il a toujours été plus aifé de payer en denrées qu'en argent. Quoique l'Egypte foit d'une médiocre étendue, fes Princes ont toujours été affez puiffans pour mettre fur pied de nombreufes armées. D'ailleurs la Syrie, ou au moins une partie confidérable, paroît avoir toujours été de fa dépendance. L'Hiftoire en nous apprenant les révolutions des fiécles poftérieurs, nous indique la marche de celles qui font arrivées dans des fiécles plus anciens. Une province qui a toujours été le théatre de la guerre entre deux Empires dans les derniers tems, a dû l'être également dans les fiécles antérieurs, fur-tout lorsque les Princes, maîtres de ces Empires, étoient très-puiffans comme étoient ceux d'Egypte. Plus ce pays a été fertile, plus fes Princes ont été à portée de faire des conquêtes; & lorfque nous voyons en Syrie plufieurs petits Rois, il y a lieu de croire qu'ils étoient les vaffaux & les tributaires du Monarque Egyptien.

HISTOIRE

GÉNÉRALE

DES HUNS.

LIVRE VINGT-DEUXIE ME.

LES

L

MAMELUKS BORD GITES,

OU CIRCASSES EN EGYPTE

ES SULTHANS d'Egypte accablés en quelque façon fous le joug de leurs Emirs qui étoient Turcs d'origine, allerent chercher des Mameluks parmi la nation des Circaffes pour contrebalancer l'autorité des Turcs, & les eleverent aux premieres charges. Ceux-ci ne tarderent pas de faire leurs efforts pour faire paffer l'Empire dans leur nation, & ils y réuffirent. Les Circasses, ou Circaffiens, qui s'appellent dans leur langue Kirkès, font les mêmes que les Kerkis, ou Kergis, peuples de la Sibérie,

Jean de

des Tatars

qui demeuroient aux environs du Lac Païkal. Plufieurs bandes de ces Tartares ont paffé dans la fuite à l'Occident de Apr. J. C. la Mer Cafpienne, où ils demeurent encore. On ignore le Luca. tems de leur migration, mais il paroît vraisemblable qu'ils Hift. géné Y font venus avec les Mogols. Ils ont beaucoup de reffem- Lamberti blance avec les Tartares Nogaïs, autre branche de Mogols; ils n'habitent que dans les endroits les plus épais des forêts, & dans quelques villages, où ils fe retranchent. Les uns font Chrétiens, les autres Mufulmans, mais tous fort ignorans. Ils font un grand trafic d'efclaves, & la beauté de leurs femmes engage fouvent les Nogais à faire des courfes dans leur pays. Leurs chevaux font très-eftimés, comme l'étoient ceux des Kerkis de la Sibérie qui faifoient des courses extraordinaires.

Aintabi

Pendant le regne des Mameluks Turcs en Egypte, il se Barkok. faifoit un grand commerce d'efclaves de cette nation. Bar- Aboulma kok qui étoit de la Horde de Kefa, fut pris en Circaffie & hafen. conduit en Crimée, où il fut acheté par un homme appellé Othman, qui l'amena en Egypte & le vendit à l'Emir Ilbogha (a). Après que cet Emir eût été tué, & qu'une partie de fes Mameluks eut été dispersée, Barkok & Bereké avec le refte furent mis dans les prifons. Ces deux Mameluks ayant été remis en liberté, ils pafferent au service de l'Emir Mandgiac, Gouverneur de Damas. Barkok refta pendant deux ans dans le pays, c'est-à-dire, jufqu'au tems que le Sulthan Schaban fit revenir en Egypte les Mameluks d'Ilbogha; il entra alors au fervice des enfans du Sulthan. Dans la difpute d'Inbegh & de Cortai il fe déclara pour le premier qui fut vainqueur,& qui lui donna une place d'Emir dans la Thubalkhané. Il fe révolta enfuite contre Inbegh, & fe fit avec Bereké qui lui avoit toujours été affocié, Chef de mille hommes & enfin grand Ecuyer. Bien-tôt après l'un & l'autre s'emparerent de toute l'autorité. Barkok prit pour lui la charge d'Atabek des armées, & Bereké celle de Chef de tous les Gouverneurs de province. Mais la division s'étant mise entre eux, Barkok se défit de Bereké & s'empara du trône (6), du L'an 1381,

(a), L'an 764 de l'Hegire, de J. C. 7364

(b) Un mercredi 19 de Ramadhan de l'an 784.

Apr. J. C.

Barkok.

L'an 1383.

confentement du Khalif Motaouakkel, de tous les Cadhis, L'an 1382. du Scheikh el iflam ou Moufti, & après eux des Emirs. Il reçut la patente du Khalif, & fut furnommé Dhaher, c'està-dire, l'Illuftre. Cette nouvelle fut portée dans toutes les provinces de l'Empire. Il diftribua toutes les Charges entre les Emirs, & récompenfa ceux qui avoient contribué à fon élévation. Il y eut cependant une révolte à Ablestaïn; Altoun bogha qui en étoit Gouverneur, s'enferma dans le château de Daranda, mais Ilbogha, Gouverneur d'Alep, qui alla auffi-tôt faire le fiége de cette place, obligea ce rebelle de fe fauver chez les Tartares. Altoun bogha difoit publiquement qu'il ne vouloit point avoir pour maître un Circaflien. Le Nil étant alors parvenu à fon plus grand accroissement (a), le Sulthan renouvella une cérémonie qui avoit été négligée depuis le régne de Bibars. II defcendit du Château de la montagne avec un grand cortége, passa le Nil, & après avoir mefuré quelle étoit la hauteur de ce fleuve au Mikias, il alla ouvrir le Khalidge, ou canal, qui fert à la décharge des eaux. On n'ignore pas que l'abondance ou la ftérilité de l'Egypte dépendent de la hauteur des eaux du Nil. De tout tems les Souverains de ce pays ont eu soin d'élever en plufieurs endroits des colonnes, deftinées à faire connoître chaque jour fes différens accroiffemens on les appelloit des Nilomètres, & les Arabes leur donnent le nom de Mikias, c'est-à-dire, l'inftrument avec lequel on mefure. Il y en avoit alors un magnifique dans l'ifle de Rhoda située Defcript. au milieu du Caire. C'eft un puits de figure quarrée, dont Thévenot, chaque face a dix-fept pieds de France; au-dehors de ce puits régne une galerie foutenue par huit colonnes de marbre blanc, d'ordre Corinthien, qui ont chacune huit pieds de hauteur; en-dedans eft un efcalier par lequel on defcend jufqu'au fond du puits qui eft fi bien nivelé, que l'eau n'est ni plus haute ni plus baffe que le lit du fleuve. Au milieu eft une colonne de marbre blanc, fur laquelle font tracées les différentes mefures qui fervent à faire connoître l'accroiffement du Nil qui entre & fort par deux voutes différentes.

Fourmont.

de l'Egypte

(a) Le 28 de Dgioumadi el aoual de l'an 785, qui répond au 6 de Mesi, un des mois Egyptiens.

Depuis le 16 ou le 20 du mois de May l'eau commence Apr. J. C. toujours à croître, le 28 ou le 29 de Juin on commence L'an 1383. à examiner fon accroiffement, & on le publie tous les jours Barkok. par tout le Caire. Lorfqu'il eft parvenu à une certaine hauteur qui dénote l'abondance, & qui arrive ordinairement le 14 du mois d'Août, tous les Grands affemblés, vont faire, avec beaucoup de cérémonies, l'ouverture du khalidge pour y faire écouler les eaux. Cette cérémonie annonce que l'année fera bonne, & le peuple fait de grandes réjouiffances. Autrement lorsque le Nil ne monte pas affez haut, on eft menacé d'une difette. Auffi tous les habitans font-ils intéreffés à connoître les différens degrés de l'accroiffement, & les Hiftoriens ont foin de marquer à la fin de chaque année quelle a été la plus grande hauteur du fleuve.

Le Sulthan fut enfuite informé (a) que le Khalif Motaouakkel, avec l'Emir Carath le Turkoman, devoit, avec environ huit cens cavaliers, le venir attaquer dans le tems qu'il fortiroit du château pour aller au meidan ou place publique ; que leur deffein étoit de le tuer, & de mettre fur le trône le Khalif. Il fit venir en fa préfence les conjurés & principalement le Khalif qui furent convaincus; Carath & İbrahim furent mis aux fers. A l'égard du Khalif, le Sulthan fit assembler les Cadhis pour fçavoir d'eux s'il étoit permis de le faire mourir; on décida que non, on fe contenta de l'enchaîner dans un endroit du château, & on mit à fa place Ouathec.

Tamerlan venoit alors de chaffer de Tauriz l'Emir Cara mohammed qui s'étoit retiré à Malathie avec deux cens cavaliers, & Emed avoit été prife par les Tartares. Barkok justement allarmé pour fes Etats, fit affembler les Cadhis, les Docteurs & les Emirs (b), auxquels il propofa, vû le L'an 13& petit nombre des troupes & l'épuisement dans lequel étoit le tréfor, de prendre tous les legs pieux & les biens qui avoient été légués en faveur de la Religion. Quoiqu'on eût eu déja recours, dans de femblables occafions, à ces fortes de biens, cette proposition souffrit beaucoup de contestations. (a) Au commencement de Redgeb (b) Dans le mois Dgioumadi el akher de l'an 789.

de l'an 785.

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