Imágenes de páginas
PDF
EPUB

confidérables, puifqu'autrefois ils avoient appellé les Aftronomes Arabes dont ils ont tiré de grands fecours, puisqu'on lit plufieurs fois dans leurs annales qu'ils fe font trompés en annonçant des éclypfes. Je les crois encore moins habiles, après ce jugement qu'en porte le célebre Aftronome que je viens de citer.

Peut-on en conféquence s'appuyer beaucoup fur les obfervations aftronomiques pour établir l'Hiftoire & la Chronologie Chinoise, & ne feroit-ce pas en impofer que de vouloir la faire regarder comme une Hiftoire inconteftable, & la feule qui foit fondée fur des observations céleftes ? Le Tchun-tchieou, compofé par Confucius, contient trente-six éclypfes, mais il ne remonte pas au-delà de l'an 722 avant Jefus-Chrift. Quelle obfcurité & quelle confusion dans tout ce qui précede cette époque, & à quels monumens peuton avoir recours? Il n'en exifte aucun. Le Chou-king qui eft plus ancien, ne contient que quelques événemens détachés & fans chronologie. Le Tou-chou dont l'autorité eft contefiée par les Chinois eux-mêmes, & qui a été composé vers l'an 300 avant Jefus-Chrift, n'eft, pour ainfi dire qu'une table chronologique; le Tchun-tchieou de Confucius. n'eft qu'une petite chronique fort feche; le Chi-pen est très-court. Voilà tous les monumens Chinois (a). De-là il résultera toujours une grande variété dans les fentimens des Chronologiftes fur la durée de l'Empire Chinois, & il est évident qu'on ne peut en établir une qui foit véritable. Les Chinois font affez fages pour en convenir eux-mêmes.

Si l'ancienne Hiftoire de la Chine n'eft pas plus certaine, ni plus détaillée, on doit s'attendre qu'elle parle fort fuperficiellement des Etrangers. Elle fe contente en effet d'indiquer qu'en telle année ils ont fait une incurfion. J'en ai marqué plufieurs; mais ennuyé de m'arrêter fur des faits fi peu intéreffans & fi peu certains, j'ai dit que l'Hiftoire ne nous avoit confervé que l'époque de plufieurs, de ces invasions faites par les Tartares en général.

(a) Tous ces ouvrages ne font guères plus anciens qu'Hérodote, regardé chez nous comme le pere de l'Hiftoire, & qui fleurissoit vers l'an 480 avant Jesus

Chrift. Se-ma-tfien, pere de l'Hiftoire Chinoife, n'écrivoit que vers l'an 97 avant Jefus-Christ,

II. Cependant les Journalistes m'indiquent une fource où j'aurois pû trouver de grands détails. Il paroît, difent ils que M. Deguignes n'a point connu le Livre qui fut compofe fous les Han Orientaux, & qui eft intitulé Si-kiang-tchouen. C'est-là que font renfermées toutes les traditions fur les nations étrangeres.

à

Il me fuffiroit de répondre ici que ce Livre n'étant pas la Bibliothéque du Roi, il m'étoit impoffible de pouvoir le confulter. Mais entrons dans un plus grand détail, & examinons ce que la privation de cet ouvrage m'a fait perdre.

1o. Son titre, Si-kiang-tchouen, n'indique point que ce Livre ait aucun rapport à l'Hiftoire que je donne, puisqu'il ne fignifie que, Hiftoire des Peuples Occidentaux appellés Kiang. C'eft par ce nom que les Chinois défignent toutes les Nations Thibétanes, entiérement différentes des Huns.

2o. Dans les grandes Annales de la Chine, c'est-à-dire, dans l'immense Recueil intitulé, Nien-y-fe, que nous avons à la Bibliotheque du Roi, & qui contient l'hiftoire de chaque Dynastie impériale, les Auteurs de ces différentes Hif toires ont toujours eu foin de rapporter, dans un article féparé, tout ce qu'ils ont pu fçavoir des Etrangers & des Peuples voisins, pendant le régne de la Dynaftie dont ils parlent. Dans le Sé-ki, compofé par Sé-ma-tfien, qui a raffem blé dans fon ouvrage tous les fragmens de l'ancienne Hif toire Chinoise, parce qu'il eft le premier & le plus ancien Ecrivain de cette Nation, on trouve les premiers mémoi res, c'eft-à-dire, les Tchouen ou Hiftoire des Peuples voifins, d'une maniere très-abrégée, parce que cet Auteur ne remonte guère, pour ces Peuples, au-delà des Han, c'eftà-dire, avant l'an 210 avant Jefus-Chrift; s'il parle de quelques événemens antérieurs à cette époque, il le fait dans trois ou quatre lignes. Dans le Han-chou, ou l'Hiftoire des Han qui fuit immédiatement le Sé-ki, on a ajouté la continuation de l'Hiftoire des Barbares; mais on ne remonte pas au-delà du tems où Sé-ma-tfien a commencé fes Mémoires. On a fuivi ce plan dans l'Hiftoire de toutes les autres Dynasties; de forte que fi l'on veut avoir les plus grands détails fur tous les Barbares, il faut confulter ce Recueil dont

j'ai

j'ai fait ufage. J'ai eu occafion de voir par-là que ceux qui ont voulu compofer des hiftoires particulieres, n'avoient fait que copier ces premiers Mémoires, dont plus communément ils retranchent certains détails. En effet, après avoir dépouillé ce que Ma-tuon-lin a mis dans fon grand ouvrage intitulé, Ven-hien-tong-kao, où il parle, dans des articles féparés, de tous les Barbares qui font au Midi, à l'Orient, au Nord & à l'Occident de la Chine, je me fuis apperçu que mon travail devenoit inutile lorfque j'ai confulté les Mémoires rapportés dans les XXI. Hiftoriens qui font beaucoup plus détaillés, & la fource de tous les autres. Ces détails cependant ne remontent pas au-delà de l'an 200 avant Jefus-Chrift; & tout ce qui précede eft renfermé dans une page. Il m'étoit donc impoffible, même avec l'ouvrage que l'on m'indique, quand il renfermeroit l'hiftoire des Huns, de remplir les fiécles dont j'ai omis les détails, puifque les Chinois euxmêmes n'en ont prefque point pour leur Hiftoire. De ces XXI. Hiftoriens que nous venons de citer, le Sé-ki seul eft renfermé dans 14 petits volumes ou cahiers Chinois; c'eft là que toute l'Hiftoire ancienne de l'Empire eft comprife; encore y trouve-t-on une partie de celle des Han, de longues tables & des préfaces. Ces Han régnoient du tems de J. C. Le nombre des volumes qui contiennent l'Histoire postérieure, monte à près de 300. Quelle difproportion! Je n'avois donc point de monumens détaillés à consulter

pour ces tems anciens.

III. Mais les Journalistes qui veulent me convaincre par des preuves, ajoutent encore: Cependant il pouvoit auffi trouver des invafions faites fous la premiere Dynaftie, quoiqu'il dife que l'Hiftoire n'en rapporte aucune on rapporte aucune on y voit, dès le régne du voluptueux Tai-kang, ces Barbares inquiéter l'Empire. Siang ne put les réduire qu'après fept années de guerre : & fous le régne de Kie, le dernier Empereur des Hia & le plus mauvais des Princes, la Nation Kuen-y entra dans la Chine, & s'établit dans le pays de Si-gan-fou & de Fong-tciang-fou dans le Chen-fi.

Ces détails font certainement peu intéresfans, & je crois m'être mis à l'abri de tout reproche, lorfqu'après avoir Tom. IV.

Yy

indiqué plufieurs incurfions femblables, j'ai dit que les Tartares en firent encore beaucoup d'autres dont on n'a pas les détails. D'ailleurs, la réflexion que les Journalistes ajoutent, semble me justifier, puifqu'ils difent que les Kuen-y font vraisemblablement des peuples appellés San-miao. Cela étant, comme je ne donne que l'Hiftoire des Huns, & que je n'ai point entrepris celle de tous les Barbares qui font aux environs de la Chine, je dois être dispensé de parler de ces derniers, & me renfermer dans mon fujet, déja assez étendu.

Je m'apperçois que l'on confond ici tous ces Barbares. Les Chinois les diftinguent avec foin, & je les ai imités, pour ne point m'engager dans des digreffions inutiles. En effet, l'irruption des Tartares fous Tai-kang, que l'on cite ici, n'appartient point aux Huns, puifqu'elle a été faite par les Tartares Orientaux, dont je n'ai point traité l'Hiftoire. Ma-tuon-lin, en parlant de ceux-ci qu'il appelle Tong-y, & dont il donne l'histoire dans la 324° fection de fon ouvrage, dit , pag. 4. (a) Tai-kang s'étant écarté de la vertu, ces Barbares commencerent à fe révolter. Il ajoute qu'ils furent foumis par le Fondateur de la Dynaftie des Chang; que fous le régne de Tchong-ting ils firent des courfes dans la Chine; mais ces expéditions font étrangeres à mon fujet. D'ailleurs, je le répete, quand elles y appartiendroient, elles font fi dépourvues de détails, & fi éloignées les unes des autres, que le récit n'en peut être intéreffant. Perfonne n'ignore avec quel mépris les Chinois traitent les Etrangers, même ceux dont ils tirent des fecours. Ils font étonnés de trouver des hommes ailleurs que chez eux. Dès le douzieme fiécle qu'ils connoiffoient les Francs ils comptoient les louer beaucoup en difant, au rapport de Marakefchi, que ces peuples n'avoient qu'un œil, voulant faire entendre par-là que ces Francs, quoiqu'habiles dans les arts, leur étoient bien inférieurs : c'est ce qu'ils ont répété dans ces derniers tems, parce qu'ils croient toujours être bien au-deffus de tous les autres peuples: auffi dans leur Hiftoire ne parlent-ils que fort fuccinctement des Nations étrangeres..

(a) Tai-kang chi te y gin chi puon,

IV. A l'occasion du nom de la Dynaftie, Cham, que les Journalistes écrivent Chang, on fait obferver que j'ai mêlé fouvent la prononciation Françoife avec la Portugaife. Cependant celle-ci eût exigé que j'euffe employé l'X au lieu du Ch, & le C au lieu du Tç. On ne peut en trouver aucun exemple dans mon ouvrage. La difficulté que l'on éprouve pour bien rendre les fons Chinois, fur-tout ceux qui finiffent comme dans ces mots François, longuement, matin, fermon, que les Portugais écrivent par une M, & les Allemans par NG, m'a quelquefois arrêté dans la correction des épreuves; & j'ai souvent & indifféremment adopté ces deux ortographes dans les finales de ces mots, parce qu'il est difficile d'en établir une réguliere en François. J'avoue cependant que l'uniformité dans ces finales eût été plus exacte. Il y avoit une obfervation plus importante à faire fur ce que je dis, page 16 du premier Vol. fous le régne de Siuen-vang; je mets, Ici finit le Tfou-chou; il eft certain qu'il defcend beaucoup plus bas, & je me fuis trompé : j'ai voulu dire en cet endroit, que le Tfou-chou ceffoit d'être différent des autres Hiftoriens dans la durée des regnes.

V. Les Auteurs de l'Extrait font bien moins fondés dans la remarque fuivante. M. Deguignes, difent-ils, a raison dobServer que l'Empereur Thin-chi-hoang n'eft pas l'auteur de ce grand &unique ouvrage (la grande muraille); mais il n'en a pas connu tous les Fondateurs. Dès la fin du quatrieme fiécle avant J. C. le Prince Thin avoit conftruit une muraille dans fes Etats du Chen-fi, le Prince Tchao dans ceux du Chan-fi; & le Prince Yen dans le Pe-tche-li. Ces Etats qui avoient été démembrés de l'Empire, y ayant été réunis par le célebre Thin-chi-hoang, il réunit ces différens murs, &c.

Je pourrois me borner à répondre, que ne donnant pas l'Hiftoire de la Chine, j'étois dispensé d'entrer dans tous les détails de cet événement qui appartient aux Chinois plus directement. Mais examinons fi le récit que l'on ajoute nous fournit de plus amples connoiffances fur la conftruction de cette muraille. On indique en effet trois Princes dont je n'ai point rapporté les noms ; le Prince Tfin, le Prince Tchao, & le Prince Yen. La faute que l'on commet ici eft

« AnteriorContinuar »