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trop confidérable pour que je ne m'y arrête point. 1°. Tin, Tchao & Yen, loin d'être autant de Princes, font tous noms de Royaumes; & il eût fallu dire, les Princes de Tfin, de Tchao & de Yen. 2°. Le Prince Tfin, ou plutôt le Prince de Tfin; dont on veut parler, n'eft autre que Tfin-chi-hoang, qui, avant que d'être Empereur, étoit Roi de Tfin. Il n'en refte donc que deux, qui font ceux de Tchao & de Yen. Or j'ai dit, dans l'Hiftoire des Huns, Tome I. Part. II. page 20. que Thin-chi-hoang, à l'imitation des Rois de Tchao & de Yen, fit élever une grande muraille. J'ai donc indiqué, d'une maniere auffi détaillée qu'on entreprend de vouloir le faire, les auteurs de la grande muraille; mais je n'ai point pris pour noms de Princes ceux des Royaumes, comme on le fait ici.

Permettez-moi, Meffieurs, d'ajouter les textes même du Sé-ki, & de quelques autres hiftoires fur la conftruction de cette muraille. Le premier s'exprime ainfi (a): Vou-ling (b), Roi de Tchao, conftruifit une grande muraille qui commençoit au pays de Tai, (aujourd'hui dépendant de Ta-tong-fou dans le Chanfi) paffoit au pied de la montagne In, ( fur les frontieres de Tartarie) & alloit fe terminer au détroit appellé Kao, ( situé à 420 li (c), au Nord-oueft de Ta-tong-fou).

Le Kam-mo, autre hiftoire Chinoife, dit, Section II. page 22. (d): Le Roi de Yen, après avoir foumis les Barbares d'Orient, & les avoir repouffes à mille li, bátit une grande muraille depuis Tçao-yang, (dans le Pe-tche-li) jufqu'à Siangping, (dans le Leao-tong.)

VI. Voici un autre endroit où je parois être en contradiction avec les Annales de la Chine: j'ai dit, à l'an 201, qu'un Général, nommé Sin, ne recevant pas les fecours qu'il avoit demandés à l'Empereur Kao-ti, & voyant même que fa fidélité étoit fufpecte, il remit aux Huns la ville de Ma-ye, & prit parti dans leurs troupes. Nous avons, difent les journalistes, de la peine à concilier ces faits avec ce que

(a) Tchao vou-ling vang tchou tchang tching tçu tai fang in chan hia chi kaokuon.

(b) Il régnoit l'an 298 ayant Jefus

Christ.

(c) Mefure itinéraire des Chinois. (a) Yen po tong hou kiu ti tcien li tchou tchang tching tçu tçao yang tchi fiang ping.

,

nous lifons dans les Hiftoriens Chinois; car cette année-là même, 201, Sin, un des plus grands guerriers que la Chine ait eus, mais auffi des plus ambitieux obtint la Principauté de Hou-kouang: à peine y fut-il qu'il devint fufpect. L'Empereur prit le prétexte d'un voyage, & alla s'affurer de ce Général'; il lui ôta fa Principauté, en lui en donnant cependant une autre, mais d'un rang inférieur, & il le retint à la Cour. Cinq ans après, Sin voulut encore intriguer : l'Impératrice découvrit fes trahifons avec des rebelles, & le fit poignarder dans le Palais.

On révoque donc ici en doute que Sin, l'an 201 avant J. C. ait trahi l'Empire, & on cite les Hiftoriens Chinois. Je pourrois demander ici quels Hiftoriens, puifqu'il y en a un très-grand nombre? Heureufement les libéralités de Louis XIV. & de Louis XV. ces grands Princes qui ont dépensé des fommes confidérables pour le progrès de la Littérature Chinoise en Europe, & pour former une nombreuse collection des meilleurs Livres de cette Nation, nous ont mis en état de ne point avoir recours à des Mémoires infideles ; & nous pouvons confulter les Ouvrages même des Chinois. Nous en allons citer ici les textes, qui ferviront à juftifier le fait rapporté dans l'Hiftoire des Huns. Voici ce que dit le Kam-mo, Sect. III. pag. 24. à l'an 201, qui porte pour caractères cycliques, Keng-tfu (a): Dans l'automne les Hiong-nou firent des courfes fur les frontieres ; ils affiégerent Ma-ye; & Sin, Roi de Han, fe révolta, & fe rendit à eux avec fes troupes. Voilà le titre du paragraphe ; dans le texte, après avoir parlé des incurfions des Huns, du fiége de Ma-ye, & des fecours que Sin fit demander, on ajou te (b): Les Han, (les Chinois) Soupçonnant que Sin avoit deux cœurs, l'Officier envoyé par l'Empereur lui en fit des reproches. Sin plein de colere le tua, & enfuite il fe foumit, avec fa ville de Ma-ye, aux Huns qui allerent attaquer Ta-yuen, & s'avancerent jufqu'à Tein-yang. Tous les autres Hiftoriens font conformes à ce texte, & je suis fâché que les Mémoires

(a) Tcieou hiong-nou kuon pien goei ma-ye han vang fin puon yu lien ping. (b) Han y fin yeou ulh fin, fu gin yang

chi fin kung tchu foui y ma-ye kiang
tchi hiong nou foui kung tu yuen tchi
tcin yang..
Y y iij.

que l'on oppofe, ne s'accordent pas avec ces Ecrivains originaux.

L'année suivante, 200 avant J. C. il eft dit que l'Empereur marcha en perfonne contre Sin qui, avec les Huns, fut obligé de prendre la fuite. L'an 199 Sin fut encore battu. L'an 196, par ordre de l'Impératrice, toute fa famille fut mise à mort; & peu après il fut tué: il s'étoit joint à d'autres rebelles. Voilà mes garants. Je puis y ajouter Sema-tcien dans fon Sé-ki, & Ma-tuon-lin dans fon Venhien-tong-kao; je fuis fûr qu'il n'y a pas un feul Hiftorien Chinois qui dife le contraire.

Il eft vrai que l'an 201, mais avant la révolte de Sin; l'Empereur érigea en Royaume la Province de Ta-yuen dans le Chan-fi, & qu'il l'appella le Royaume de Han, pour le donner à Sin qui établit fa résidence à Ma-ye. Il eft vrai encore que dans la même année, & avant ce dernier événement, Sin, alors Roi de Tçou, avoit été pris par l'Empereur, & conduit prifonnier à Lo-yang, où il obtint fon pardon, & qu'on lui ôta le titre de Roi de Tçou dans le Hou-kouang, pour lui donner fimplement celui de Heou (a) de Hoai-in. Ce trait a rapport à ce que les Journalistes difent qu'on lui ôta fa Principauté du Hou-kouang, pour lui en donner une inférieure; mais il eft antérieur à fa révolte. Suivant le Kammo, Sin avoit eu, l'année précédente, c'eft-à-dire, l'an 202 avant J. C. cette Principauté, fituée dans le Houkouang; auparavant il étoit Roi de Tci. On voit par-là que j'ai exactement fuivi les Hiftoriens Chinois, que je ne fuis point en contradiction avec eux, & que dans le Journal de Trevoux on a renversé l'ordre des faits.

Je finis par une obfervation, que je place ici fans qu'elle doive tirer à aucune conféquence, parce qu'il me paroît affez indifférent quel eft celui qui le premier aura fait cette découverte. Si d'autres l'ont dit avant moi, je m'en fers comme d'un témoignage en ma faveur ; mais je proteste cependant que je ne l'ai vû écrit nulle part, & que la lec ture de l'histoire Chinoise m'y a conduit naturellement. Il

(a) C'est un titre chez les Chinois.

s'agit ici du témoignage du P. Gaubil, que je regarde comme le plus fçavant Miffionnaire que nous ayons. Avant qu'il envoyât en France fon Hiftoire des Tang, où il dit que les Hiong-nou font les mêmes que les Huns, je lui avois adreffé mon Profpectus, dans lequel j'ai développé toutes les branches de cette Nation. Je lui parlois en même tems de Fo, que je regarde comme un des noms donnés par les Chinois à J. C. Cependant s'il eft de cet avis dans des Ecrits antérieurs à mon Prospectus, publié en 1751, j'en ferai plus charmé, parce que fon fentiment, n'étant pas dérivé d'aucun autre, devient pour moi une confirmation de ce que j'ai avancé ; d'autant plus que l'autorité du P. Gaubil fera toujours pour moi d'un grand poids.

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J'avoue cependant que je fuis furpris que la remarque fur Fo n'ait pas été faite plutôt. Cette connoiffance, en apparence peu importante, étoit néceffaire pour la défenfe des Miffionnaires. Perfonne n'ignore que dans ces derniers tems on a découvert à la Chine un monument de pierre qui contient en langue Chinoife, tous les principes du Chriftianifme, & qui prouve d'une maniere inconteftable que la Religion Chrétienne y a été très-floriffante dans le feptieme fiécle. Ce monument a eté autrefois élevé par des Neftoriens. Lorsqu'on en eut connoiffance en Europe, les Proteftans fur-tout, & quelques-uns de nos Ecrivains modernes déciderent qu'il étoit fuppofé par les Miffionnaires; ils fe fervoient même de leur témoignage pour le prouver, parce que ceux-ci avouoient qu'on ne trouvoit dans les Annales aucune trace qu'il y eût eu des Chrétiens à la Chine. Le filence des Annales, où l'on écrit avec foin tout ce qui regarde l'Empire, paroiffoit d'une autorité d'autant plus grande, qu'il eft rapporté dans le monument, que plufieurs Empereurs avoient tellement protégé les Chrétiens, qu'on feroit tenté de croire qu'ils avoient embraffé le Christianifme. J'ai été curieux de vérifier ce fait dans les Annales & j'ai vû que dans le tems qu'on éleva ce monument, y avoit, fuivant les Livres des Chinois les plus authentiques, un fi grand nombre de Chrétiens, qu'un Empereur crut devoir arrêter le progrès de leur Religion. Il publia un Edit

il

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très-févere qui eft traduit & imprimé dans le Recueil du P. du Halde, fans qu'on fe foit apperçu qu'il concernoit les Chrétiens, parce que ceux-ci y font appellés Bonzes du Ta-tfin. Il n'y avoit que cette réflexion à faire, que le Tatfin étant l'Empire Romain, où il n'y avoit jamais eu de Bonzes Indiens, cet Edit devoit regarder les Chrétiens. En effet les Neftoriens, auteurs du monument, ne prennent que le titre de Bonzes du Ta-tfin. De-là il réfulte que les Chinois ont défigné les Chrétiens fous le nom de Bonzes, & J. C. fous celui de Fo. J'en ai donné des preuves dans un Mémoire particulier; il ne m'a pas fallu faire de grandes recherches dans les Annales pour en trouver; & j'en ai rapporté dans mon Ouvrage qui conftatent que long-tems auparavant le Chriftianifme avoit pénétré dans la Chine.

En effet, on fçait quel a été le zele des premiers Chrétiens pour porter dans tous les pays du monde leur Religion; & il faudroit fuppofer que la Chine a toujours été inconnue à tous les peuples, pour croire que les Chrétiens n'y euffent pas pénétré dès les premiers tems. Avant J. C. un Général Chinois fe réunit aux Scythes pour détruire les fucceffeurs d'Alexandre, établis dans la Bactriane, & pénétra jufques dans le Khorafan. L'an 97 de J. C. un autre Général Chinois envoya des détachemens jusques fur les bords de la Mer Cafpienne, dans le deffein de porter la guerre chez les Romains. D'un autre côté, les Parthes envoyoient des préfens aux Empereurs Chinois. Jufqu'alors les Romains avoient fait d'inutiles efforts pour faire directement le commerce avec la Chine par Kafchgar, mais les Parthes s'y étoient toujours oppofés. Enfin, Marc-Auréle Antonin envoya, par les Indes, des Marchands, auxquels les Chinois donnent le titre d'Ambaffadeurs , qui firent leurs préfens à l'Empereur de la Chine. Ces événemens, & une foule d'autres que l'on rencontre à chaque inftant dans les Annales, & que j'ai indiqués dans mon Ouvrage, en faifant indirectement pour le Chriftianifme, prouvent authentiquement que les Chinois n'ont pas toujours été un peuple. ifolé, ni redevable à lui feul de toutes fes connoiffances. Il a fouvent emprunté des Etrangers des découvertes qui

ont

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