Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Apr. J. C.

L'an 1393.

prirent la fuite. Mais dans le moment que les Généraux & les Princes s'étoient rendus auprès de Tamerlan pour le féliTamerlan, citer fur cette grande victoire, on vit paroître un nouveau corps d'armée rangé en bataille; on reprit auffi-tôt les armes, & on marcha à l'ennemi qui fut diffipé. Tamerlan entra dans Schiraz, & tous les Princes de la famille des Modhaffériens fe foumirent. Ils étoient maîtres des provinces de Perfe & de l'Eraque Perfique, & fi ennemis les uns des autres, que pour réprimer leurs defordres Tamerlan les fit arrêter tous (a), établit des Gouverneurs dans les endroits de leur domination, & en expédia les patentes à la maniere des Tartares, c'eft-à-dire, que l'on peignit fa main en rouge, & qu'il l'appliqua au lieu de fceau fur ces patentes. Il fit enfuite mourir tous les Modhaffériens, & alla à Ifpahan (6), d'où il se transporta au village d'Ancouan près de Caschan, dont les habitans étoient une fecte d'Athées qui s'étoient fortifiés dans les creux des rochers. Il fit creuser des canaux le long des montagnes, fur lefquelles il y avoit des fources en abondance, & par ce ftratagême il fit tomber toutes les eaux dans ces trous, & fubmergea fes ennemis.

Après cette grande expédition il donna en fouveraineté à fon fils Miran fchah les provinces d'Adherbidgiane, de Rei, de Bakou proche le Derbend, de Schirouan, de Ghilan, & tous les pays jufqu'aux frontieres de celles que les Ottomans occupoient dans l'Afie Mineure. Ces pays n'étoient cependant pas foumis entiérement, plufieurs Princes se foutenoient encore dans quelques places fortes. Un Turkoman nommé Hachan farek, ou Sarek mohammed, s'étoit retranché dans des montagnes du Kurdistan, où il avoit une fortereffe nommée Habaschi; on en délogea ces Turkomans qui se sauverent dans d'autres montagnes; enfuite on ruina une autre place, dans laquelle un grand nombre de Ghebres, ou adorateurs de feu s'étoient fortifiés ,

fe

on extermina tous ces gens ; & après avoir ainfi ruiné tous ces petits Princes, Tamerlan poursuivit le Sulthan Ahmed qui régnoit dans Bagdad, & l'obligea d'abandonner fes Etats. Pendant ce

(b) Le 23 de Dgioumadi elakher,

(c) Il y arriva le 16 de Redgeb.

tems-là Mirza mohammed fulthan achevoit de foumettre

L'an 1393.

le Kurdistan; Mirza miran schah pénétra jusqu'à Bofra: la Apr. J. C.
ville de Bagdad fut taxée à une somme considérable, & Ta- Tamerlan.
merlan y demeura pendant deux mois. Il y étoit entré sans
aucune résistance.

Il nę restort plus dans ces pays que les fulthans d'Egypte qui
fuffent en état de réfifter aux forces de Tamerlan. Ce Prince
avoit profité de la foibleffe des autres pour les réduire sous
fa domination, ou pour leur enlever leurs provinces ; mais
il ne pouvoit espérer le même fuccès à l'égard de ces Sul-
thans qui avoient des armées nombreuses. Tamerlan prit
le parti d'envoyer un Ambassadeur à Barkok qui régnoit alors
dans ce pays, ainfi que dans la Syrie, pour lui propofer d'é-
tablir le commerce entre les deux Empires. Pendant que fon
Ambassadeur étoit dans cette Cour, il marcha vers la ville
de Tekrit, dans laquelle s'étoient retirés un grand nombre
de voleurs qui pilloient toutes les caravannes. Les Mar-
chands du pays le follicitoient même de détruire cette pla-
ce qui étoit très-forte (a). Il en fit le fiége en perfonne (6).
Quoique cette ville bâtie fur un rocher par un des anciens
Rois de Perfe de la Dynastie des Saffanides, paffât pour
imprenable, l'Emir Haffan qui y commandoit, ne foutint le
fiége que pendant trois jours, après lefquels il demanda à ca-
pituler. Tamerlan exigeoit qu'il fe rendît auprès de lui. Ja-
mais l'Emir ne voulut s'y expofer, & aima mieux fe dé-
fendre jufqu'à l'extrémité. Tamerlan employa foixante &
douze mille hommes à miner à travers les rochers l'enceinte
de cette place. Effrayé de ces travaux, Haffan demanda à se
rendre, mais il ne confentit point à aller trouver Tamer-
lan qui l'exigeoit, & qui avoit fait un accueil favorable à sa
mere & à fon frere : il craignoit que les peuples dont lui &
ses ancêtres avoient ravi les biens, ne demandaffent juftice
dans cette occafion, & qu'on ne le livrât au fupplice. Ses
gens qui avoient la même crainte, refusoient également de
fe rendre. Les troupes Tartares recommencerent les atta-
ques qui avoient été suspendues. On mit le feu aux grosses

(a) Il partit le 24 de Dzoulhedgé.

(b) Il y arriva le 4 de Mouharram de l'an 796 de l'Hegire,

Apr. J. C. poutres qui fervoient à foutenir les murailles que l'on avoit L'an 1393. minées; une partie de ces murailles tomba ; on pénétra parTamerlan. là dans la ville, où les affiégés fe défendirent encore; en

nah.

fuite s'étant fauvés fur le haut de la montagne, ils y furent forcés. Haffan fut pris, & conduit chargé de chaînes à Tamerlan (a), qui le fit mourir avec tous fes foldats, & qui éleva des tours de leurs têtes; mais les habitans furent épargnés.

Tamerlan s'en retourna du côté de Harbi (b), où étoit le quartier général, & où toutes les troupes qui étoient allées en courfe du côté de l'Eraque Arabique & ailleurs, fe rendirent. Après que toute cette province eût été foumife, il établit des Gouverneurs dans Vaseth, dans Bofra, dans Bagdad, il marcha du côté du Diarbekr, & envoya en même tems des troupes qui s'emparerent de toutes les places qui font le long du Tigre. Il paffa lui-même ce fleuve. Tous les Princes des environs s'emprefferent de donner des marques de leur foumiffion & particuliérement Scheik aly,

maître d'Arbel, où il s'étoit rendu. Tamerlan entra dans Benfchou- Mouffoul, & prit enfuite la route de Roha ou Edesse. Il paffa par Maredin, où il reçut les hommages du Roi Iffa. Son deffein étoit de foumettre les villes de Syrie & d'Egypte, parce que le Sulthan Barkok avoit fait mourir fon Ambaffadeur. Lorfqu'il fut campé à Rafelaïn, il envoya Scherfeddin faire le dégât dans tout le pays. A l'approche de Tamerlan, Ghuzel, maître d'Edeffe, abandonna cette ville, dans laquelle le Vainqueur entra; Ghuzel qui s'étoit réfugié fur une haute montagne fut pris. Les Princes du château de Khifa, d'Arzen (c), de Batman, de Dgeziret ben omar (d) vinrent le faluer; il n'y eut que celui de Maredin qui refufa de se rendre auprès de lui; dès-lors Tamerlan le regarda comme un rebelle, & se prépara à faire le fiége de cette place; mais auffi-tôt qu'Iffa en fut informé, il vint se jetter à Les pieds (e).

L'an 1394.

(a) Le 25 de Mouharram de l'an 796 de l'Hegire, de la poule chez les Tar

tares.

(b) Lei de Sepher,

(c) Nommé Sulthan aly.
(d) Azzeddin.

(e) Le 18 de Rabi claoual

Apr. J. C.

Dans le même tems Tamerlan perdit fon fils Omar scheikh qui pendant l'expédition de Syrie étoit dans la province de l'an 1394. Fars, où il achevoit de foumettre les villes d'Eftekar, de Tamerlan Ferec, & les autres. Il avoit reçu ordre dans le tems qu'il étoit occupé au fiége de Seirjan, de venir dans le Diarbekr. Etant arrivé à un petit fort nommé Carmatou dans le Kurdistan il monta fur une éminence pour confidérer cette place; il reçut d'une main inconnue un coup de fleche, & mourut de la bleffure. Ce Prince n'étoit âgé que de quarante ans. Son fils Pir mohammed & les foldats qui l'accompagnoient raferent cette place, & égorgerent tous ceux qu'ils y trouverent. Tamerlan apprit cette nouvelle devant Maredin dont il faifoit le fiége. Il força cette ville de lui payer une taxe mais lorfque fes Commiffaires allerent la recevoir, quelques foldats les fuivirent pour y acheter les chofes dont ils avoient befoin. Comme ils étoient fans armes, ils furent infultés par une troupe de jeunes gens. Tamerlan fit auffi-tôt venir en fa préfence le Sulthan Iffa pour fçavoir si cela avoit été fait par fes ordres. On apprit dans la fuite qu'en fortant de la ville, Iffa avoit ordonné à fes gens de ne point quitter les armes, & de ne point se rendre quand ils recevroient même des lettres de fa part. Tamerlan fe contenta de le faire enchaîner, & remit le fiége de Maredin à un autre tems, parce qu'on étoit alors fur la fin de l'hyver, & qu'il n'y avoit pas dans les environs des pâturages fuffifans pour les chevaux. Il marcha vers Efpendge, & fut furpris en chemin par une tempête fi violente & par une pluie fi furieufe, que toute l'armée penfa être fubmergée; les chameaux, les mulets & les chevaux étoient dans les boues & dans l'eau jufqu'à la tête, il en périt un très-grand nombre; les cavaliers avoient été obligés de mettre pied à terre. Une autre troupe conduite par les enfans de Tamerlan, fortit plus heureusement de ces bourbiers en faifant étendre des nattes & des feutres fur lefquels elle paffa. Toute cette armée se rendit à l'ancienne Mouffoul, d'où elle marcha vers le Dgeziret ben omar, à caufe de la protection que le Roi Azzeddin accordoit à un homme dont Tamerlan étoit, mécontent. Cette ville & tout le pays furent ravagés.

Apr. J. C.

L'an 1394.

Après cette expédition Tamerlan revint devant Maredin (a). D'abord la ville ne tarda pas à être emportée, mais Tamerlan. la garnifon fe réfugia dans la citadelle qui étoit appellée Kouh, où après avoir foutenu un nouveau fiége elle capitula, & Tamerlan laiffa la vie aux foldats à l'occafion de la nouvelle qu'il reçut alors qu'il venoit de lui naître un petit-fils qui fut nommé Oulough beh (b). Il donna la principauté de cette ville au Sulthan Saleh, frere d'Iffa. Son armée fe répandit enfuite dans tout le Kurdistan, d'où il la fit marcher vers Emed (c), & s'y rendit lui-même, parce que les habitans qui avoient confiance dans leurs fortifications, refufoient de venir lui rendre hommage (d). La force de cette place confiftoit dans la hauteur de fes murs qui font bâtis de pierres de taille, & fi épais que deux chevaux peuvent y marcher de front. Sur ce premier mur il y en a un second auffi de pierres de taille; celui-ci eft de la hauteur d'un homme, les foldats y font à couvert de toutes les injures de l'air : il y a de plus d'efpace en efpace de groffes tours, & il fort d'un rocher qui eft dans la ville une fontaine qui fournit de l'eau aux habitans. Cette place qui depuis que fes murs avoient été bâtis (e), n'avoit pû être prife par la force, ne put réfifter aux efforts des troupes de Tamerlan qui firent plufieurs breches, par lefquelles ils y pénétrerent. Ce Prince prit enfuite Alatac, ville de la basse Arménie près de Khelath, & la plupart des Princes de tous ces environs & fur-tout celui de Betlis (ƒ), vinrent lui rendre hommage.

Alors Tamerlan tourna toutes fes forces contre Carajofeph, Prince des Turkomans. Il envoya un corps de troupes vers Alendgic : pendant qu'il s'approcha de Khelat, les Princes d'Adeldgiaouz, d'Aidin, d'Arzendgiane fe rendirent auprès de lui. Il marcha contre Meffer, fils de Cara mohammed, maître d'Avenic ou de Van, qu'il avoit fommé plu fieurs fois inutilement d'imiter leur exemple. Malgré les

(a) Le 1 de Dgioumadi elakher de l'an

796 de l'Hegire.

(b) Fils de Mirza fchah rokh.

(c) On la nomme encore Caratché

khodgia, ou Diarbekir.

(d) Le 23 de Dgioumadi elakher de l'an 796 de l'Hegire.

(e) On prétend qu'il y avoit quatre mille ans.

(ƒ) Nommé Hadgi scherif.

« AnteriorContinuar »