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claire & du pain, voilà ce qu'un paffant doit defirer, & "c'eft beaucoup à qui doit mourir. »

Apr. J. C.

L'an 1399.

Tamerlan perfuadé que fa préfence étoit néceffaire dans Tamerlan. ces contrées, ne fongea plus à prendre le repos dont il avoit besoin, & se mit en marche (a). Le Nevian Soliman schah avoit pris les devants, & s'étoit rendu à Hamadan, & de-là à Tauriz, où il avoit ménagé si bien l'esprit de Miran schah, qu'il déterminé ce Prince avoit à venir au-devant de fon pere. Tamerlan le reçut froidement, & envoya à Tauriz des Officiers qui examinerent les états de dépenfes, & qui firent mourir les Muficiens & les autres gens qui avoient porté Miran schah à commettre tous ces excès. Il arriva luimême à Carabegh, où tous les Grands de la Cour de Miran schah vinrent le faluer ; il y en avoit parmi eux quelquesuns de ceux qui s'étoient révoltés, & qui obtinrent leur grace.

Pendant que ce Prince étoit dans ces quartiers, il apprit plusieurs nouvelles qui intéressoient l'état de fes affaires ; la mort de Timour coutlouc aglen (6), qu'il avoit mis fur le trône, & qui s'étoit enfuite révolté; celle de Barkok, Sulthan d'Egypte, qui avoit occafionné beaucoup de troubles dans ce pays; celle de l'Empereur de la Chine qui avoit également excité des guerres civiles; celle de Kezer khodgia aglen, Khan de Kafchgar, après laquelle le Mirza Ifkender, fils d'Omar fcheikh, étoit entré à la tête d'une armée dans le Mogoliftan. Ce jeune Prince s'étoit rendu à Kaschgar, & à la faveur des troubles de ce Royaume, il avoit pillé la ville d'Yerken & plufieurs autres (c). Il y avoit fait un grand nombre de prifonniers qu'il avoit conduits du côté d'Akfou, dont il s'étoit rendu maître. Cette place étoit extrêmement forte, & avoit trois châteaux qui communiquoient l'un à l'autre ; c'étoit-là que les habitans de tous les environs se retiroient en tems de guerre. Il y avoit beaucoup de commerce, & les Marchands Chinois y apportoient leurs marchandifes. Mirza Iskender envoya faire des courses

(a) Le 8 de Mouharram de l'an 802. (b) Les Ruffes le font mourir plus tard,

(c) Sarek camifch, Kelapin, Aligheul, Yar-courgan, Tchartac & Keiouk, bagh: enfuite la province d'Aoudge.

*

de tous côtés (a), & prit lui-même Khoten, où les habi Apr. J. C. L'an 1399. tans s'emprefferent de lui faire des préfens; il parcourut tout Tamerlan. le pays voifin, mais il n'ofa attaquer la montagne de Carangoutac, où plufieurs des ennemis s'étoient retirés, & il alla paffer l'hyver à Kaschgar.

L'an 1400.

que

dix

Tamerlan pendant ce tems-là formoit le projet d'entrer de nouveau en Géorgie. Après avoir levé dans fon armée trois hommes fur chaque dixaine, & pris des vivres pour jours il traverfa le fleuve Cyrus, où il fut joint par Ibrahim, Roi du Schirouan, & par Sidi ahmed, Prince de Cheki. Il fe fit un paffage dans le détroit de Comcha à travers des bois fort épais, & malgré la neige qui tomba pendant vingt jours, il pénétra jufqu'aux habitations des Géorgiens qu'il poursuivit jufqu'au détroit d'Akfou. Il ruina tout ce pays, & enleva un grand nombre de prisonniers. Il brûla les vignes qui étoient en abondance dans ce pays, parce les habitans étoient fort adonnés au vin. Après avoir demeuré pendant un mois dans ces détroits, avoir nettoyé tous les défilés, & foumis tous les Oznaours (b) qui s'y étoient retirés, la rigueur du froid qui continuoit, & les neiges qui tomboient en grande quantité & qui bouchoient les chemins, l'obligerent de s'en retourner au bord du Cyrus. Ses foldats avoient beaucoup fouffert dans cette expédition par la difette des vivres, & les chevaux avoient eté réduits à ne manger que de l'écorce d'arbre. Funeftes effets de l'ambition des Princes qui s'expofent ainfi aux plus grands maux & aux plus grands dangers, pour rendre les hommes malheureux. Que diroit-on d'un Prince qui en fouffriroit autant pour les rendre heureux ? Dans le même tems le Mirza Ruftem remporta quelques avantages fur le Sulthan Ahmed qui régnoit à Bagdad.

Au retour du printems, Tamerlan qui avoit paffé l'hyver à Carabagh, assembla une diete générale, dans laquelle il fut arrêté que l'on continueroit la guerre contre les Géor giens. Le zele le Mufulmanifme dont ce Conquérant

pour

(a) A Bai, lieu propre pour paffer l'été; à Couzan, où l'on paffoit l'hyyer; ensuite à Tarem,

(b) C'est ainsi que l'on appelle les Princes & les Chefs en Géorgie.

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de cas,

faifoit peu fut le premier prétexte ; le fecond, l'envie d'étendre de plus en plus fa puiffance & fa domination. L'an 1400. Apr. J. C. Après s'être informé de toutes les routes & des endroits où Tamerlan. il pourroit prendre des quartiers, il alla camper dans la plaine de Berdaa, où Taharten, Prince d'Arzendgiane, vint lui faire fes foumiffions. Il lui recommanda de veiller exactement fur toutes les démarches des Ottomans; ensuite il s'approcha des frontieres de Géorgie, & fit fommer le Roi Giorgi (a) de lui envoyer Taher, fils d'Ahmed, Sulthan de Bagdad. Il ne defiroit qu'un refus, & il lui fut fait. Avec une colere affectée il entra fur les terres des Géorgiens, où il fe plut à porter le ravage. Ses foldats renverfoient les maifons, déracinoient les arbres, mettoient le feu par tout ; les Géorgiens fe réfugierent fur leurs plus hautes montagnes & dans des cavernes, avec ce qu'ils avoient de plus précieux; mais l'agilité & l'intrépidité des Tartares les en délogerent. Ses foldats industrieux à faire le mal, conftruifoient des coffres, dans lefquels plufieurs fe renfermoient, & avec des poulies, après avoir grimpé fur les montagnes les plus efcarpées, ils fe defcendoient les uns les autres entre les rochers, fe préfentoient le fabre à la main à l'entrée des cavernes, & y jettoient des matieres embrafées. Quoique les Géorgiens fe défendiffent avec autant de courage, il fallut céder au nombre: on leur prit ainfi plus de quinze places; plufieurs embrafferent le Mahométifme, & ceux qui refuserent de le faire eurent la tête tranchée. Teflis la capitale fut foumise; les Eglifes furent rafées, ou converties en Mofquées, & le Roi Giorgi erra dans les montagnes défertes. Comme il y avoit alors en Géorgie plufieurs petits Princes, Tamerlan quitta Teflis pour marcher contre Janibec qui régnoit dans un de ces cantons ; celui ci abandonna fes fortereffes, & fe foumit. Différens détachemens fe difperferent dans les pays voifins qu'ils ravagerent. L'armée alla faire le fiége de la fortereffe de Bil près de Semavé qui fut prife & rafée prefque auffi-tôt. Ensuite Tamerlan marcha contre le fort de Zerite fitué fur le fommet d'une

(4) Scherfeddin le nomme Gourghin

Apr. J. C.
L'an 1399.

montagne; un grand nombre d'Oznaours s'y étoient retirés. Leur valeur fut inutile, & ne put réfifter aux affauts ni Tamerlan. aux machines des Tartares. Sur le bruit qui fé répandit que le Roi Giorgi étoit dans la ville de Suanite, Tamerlan laiffant en arriere fes gros bagages, marcha en diligence vers cette ville; mais Giorgi informé par fes efpions, s'étoit déja fauvé chez les Abkhas. Suanite fut emportée dès le premier affaut; Giorgi ennuyé de protéger un Prince qui caufoit tant de maux à fes Etats, fe réfolut enfin d'envoyer un Ambassadeur vers Tamerlan, pour lui demander la paix; il chaffa en même tems Taher qui alla chercher un afyle chez les Ottomans. Tamerlan fut touché du repentir que Giorgi fit paroître dans cette occafion, quitta fon pays, & alla ravager celui d'Ivan, autre Prince de Géorgie.

A fon départ de ce pays, Tamerlan rencontra des Ambaffadeurs de quelque Prince d'Europe (a), qui lui amenoient le fils d'Amurath I, & qui demandoient en même tems à faire alliance avec lui. Il y a lieu de croire que leur deffein étoit de l'engager à attaquer Bajazeth qui menaçoit Conftantinople. Tamerlan les reçut avec diftinction, leur fit préfent de veftes magnifiques, fuivant la coutume des Orientaux ; & ces Ambaffadeurs s'en retournerent par Trébizonde. Dès-lors ce Prince réfolut, de porter la guerre dans l'Empire Ottoman & dans les pays foumis au Sulthan d'Egypte. Bajazet furnommé le Tonnerre, après avoir étendu les bornes de fon Empire beaucoup plus loin que fes prédéceffeurs, & avoir foumis les provinces d'Aidin, de Mentefcha, de Ghermian & de Caramanie, & fait prifonnier Cara ofman (6), Prince de Sébaste ou Siouas, s'étoit emparé de cette ville, avoit pouffé fes conquêtes jufqu'à Malathie qui depuis longtems étoit des dépendances de la Syrie. Devenu maître de cette derniere ville il fit fommer Taharten, Emir d'Arzendgiane & d'Erzeroun, de fe rendre à fa Cour avec les tributs de fon pays. Ce dernier qui étoit fous la protection de Tamerlan, en donna auffi-tôt avis à ce Prince; & Tamerlan fit écrire à Bajazet une lettre mêlée de confeils & de reproches;

(a) C'eft apparemment de l'Empereur fils à fa Cour. de Conftantinople qui avoit un de fes

(b) Fils du Cadhy Bourhanedding

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Bajazet lui répondit qu'il l'attendoit, & que s'il ne venoit
Apr. J. C.
pas, il iroit lui-même jufqu'à Tauriz & à Sulthanie avec L'an 1400
fes armées.

Une réponse fi fiere irrita Tamerlan qui entra auffi-tôt (a)
fur les terres des Ottomans, & alla faire le fiége de Siouas
qui étoit très-fortifiée. A fon approche l'avant-garde de l'ar-
mée de Bajazet, commandée par fon fils Kerifchtchi & par
Timourtafch, prit la fuite vers l'Anatolie; mais les troupes
de Tamerlan les joignirent au-delà de Céfarée de Cappa-
doce, & après les avoir taillées en piéces, elles revinrent
au camp devant Siouas. Les murailles de cette ville qui
étoient d'une force extraordinaire, étoient bâties de pierres
de taille depuis les fondemens jufqu'à l'extrémité. Dans le
bas elles avoient dix coudées d'épaiffeur, & fix en haut. La
ville étoit environnée du côté de l'Orient, du Midi & du
Nord, d'un large foffé plein d'eau, qui empêchoit qu'on ne
pût fapper fes murs. Mouftapha qui y commandoit, avoit
fous fes ordres quatre mille hommes de cavalerie, Les Tar-
tares firent élever une platte-forme qui dominoit fur toute
la ville, & drefferent deffus leurs arades (b), leurs mange-
nies (c) & leurs bafelics (d), & appliquerent la fappe du
côté de l'Occident. Après dix-huit jours de fiége les murs
commençant à être ébranlés par la force des pierres qu'on
avoit lancées, & par les mines que les fappeurs avoient fai-
tes, Tamerlan ordonna que l'on mît le feu aux pieux qui
foutenoient ces murs. Les habitans voyant que les tours
étoient renversées, & craignant que la ville ne fût prise d'af-
faut, chafferent le Gouverneur, & allerent fe jetter aux pieds
du Vainqueur qui fe laiffa fléchir; mais il voulut que la gar-
nifon qui étoit, pour la plus grande partie, compofée d'Ar-
méniens, fût mise à mort. On jetta ainfi environ quatre
mille hommes tout vivans dans des foffés, que l'on recou
vrit enfuite de terre; tous les Chrétiens furent faits efcla-
ves, & les Mufulmans furent obligés de payer une fomme.
Après quoi Tamerlan fit mettre le feu à la ville, malgré la pa-
role qu'il avoit donnée de ne point faire de mal aux habitans. h

(a) Lei de Mouharram de l'an 803.
(6) Machine à jetter du feu.

(c) Machine à jetter des pierres,
(d) Efpece de bélier..

Tamerlan.

Benfchou

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