PIECES MÊLÉES, I. Plaintes fur la lenteur & la négligence du Meffager C du Mans. E n'eft point l'interêt, ni l'amour de la gloire, Tout ce que je demande, eft la prompte arrivée Déja plus de vingt fois le foleil & la lune Depuis que je languis dans ma trifte infortune. A vingt fois pour le moins fait place à la chandelle On ait vû dans ces lieux la noble haridelle Cependant je languis, & ma douleur profonde Qu'avez-vous, me dit tout le monde ? Vous êtes depuis peu tout je ne sçai comment. De ces maux cruels & preffans! Si l'on fçavoit ; & quoi ? Non, je ne puis, je n'ofe; Et je ne le dirai qu'au Meffager du Mans. Quel Démon cruel & barbare Si longtems l'arrête en chemin ? Quel ennemi fecret, quel envieux destin, Et ma douleur presente, & ma douleur passée, Encore fi la nuit, dans un repos tranquille, Contre tous mes chagrins je trouvois un azyle! Mais non, quand le sommeil vient affoupir mes fens, Si je rêve, je rêve au Meffager du Mans. calmer un peu ma trifte inquietude Je prens quelque livre à la main, D'abord fon fouvenir vient troubler mon étude, Et me fait perdre mon Latin. « Oui, j'ai beau tout tenter, rien ne peut m'en diftraire, Avoüions ici ma foiblesse 3 Jamais le plus touché des plus tendres amans Non, jamais les Cyrus, les Héros de Romans; Après le cher objet qui caufoit leurs tourmens, Après le Meffager du Mans. Si quelqu'un vient à ma rencontre, Et lui difant, ne l'avez-vous point vû ? S'il me demande, Et qui? Je demeure en suspens ; Croyant que comme moi tout le monde ici pense J'entens crier, grande nouvelle ! De quoi s'agit-il donc ? vetille, bagatelle, Et qu'ai-je affaire ici de nouvelles de guerre ; Un voyageur, enfin, plus charitable, Qu'il le vit l'autre jour, quoiqu'un peu loin d'ici. Et renforçant ma voix devant tous je m'écrie, Je fais le guet, planté tout le jour fur ma porte Et foit qu'on entre, ou foit qu'on forte, L'efprit tout occupé de cette unique affaire, je crois toûjours que c'est le Messager du Mans. Entendrai-je bientôt gringotter fes fonnettes Quand viendra-t'il ce Meffager charmant ? Les Forêts, les rochers, & les creux des fontaines Retentiffent partout de mes gemissemens ; Seras-tu donc le feul infenfible à mes peines, Barbare Meffager du Mans? Helas! lorfqu'à Rouen tu me faifois tant d'offres, Si tu voulois fi tard m'apporter mes deux coffres, Falloit-il t'en charger, Bourreau de Meffager? Je m'en fouviens encor, tu ne peus t'en défendre, Que diras-tu pour ton éxcuse, Si rien pourtant peut t'éxcufer? Cherche quelque détour, invente quelque ruse, Pour toi je fens encore un refte de tendresse, Malgré |