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Seigneur Phoebus, calmez vôtre furie,
Et faites grace à vôtre nourriffon;
Qu'il en fouvienne à vôtre Seigneurie,
Au tems paffé vous vous fites Maçon;
Un Pâtiffier vaut-il moins, je vous prie ?
Nous nous tuons à rimer jour & nuit ;
Quand nous avons épuisé nôtre veine,
Un vain laurier eft fouvent le feul fruit,
Que nous tirons de toute nôtre peine.
Je prife fort vos lauriers, ils font beaux,
Mais après tout c'eft maigre nourriture,
Encor du moins quand je fais des gâteaux,
J'en ai ma part, j'en croque à l'aventure.
J'entends encore que l'on me cite au four;
Seigneur Phoebus, adieu jusqu'au retour;
S'il faut opter, je fuis pour la galette,
Mieux vaut encor, je le dis fans détour,
Eftre ici-bas Pâtiffier que Poëte.

EPITRE VI.

A MADAME

LA PRESIDENTE BRUNET DE CHAILLY,

Sur le nom d'une Dame de fes amies chez qui étoit l'Auteur
Os lettres font toûjours plaifir,
Chere Chailly, je vous le jure,

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E

Les mots jettez à l'aventure

Y fémblent placez à loisir
Et l'on diroit que la nature
Auroit pris foin de les choifir.

L'embarras eft d'y bien répondre,
Mais pour le faire comme il faut,
Il me faudroit toute refondre ;
Et je crains, malgré le grand chaud
De ne faire que m'y morfondre :
Peut-être fort peu vous en chaut,
Mais ma Chailly qu'il vous en chaille
Ou qu'il ne vous en chaille
Je vais tâcher vaille que vaille
De fortir de cet embarras.

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Commençons donc nôtre befogne
Vous êtes heureuse en Bourgogne,
Et quoi qu'on dife de Grigny,
Il s'en faut beaucoup qu'il réponde
Au merite de Serigny.

Dans vôtre Châtel tout abonde,

Tout y refpire le bon goût,

Jeux, plaifirs, grand-chere, & grand monde,

Dames de Beaune fur le tout.

Ici je

je n'ai

pour tout potage

Qu'un pauvre Hermite à colet noir

Et l'autre de même plumage
Que chez moi vous avez pû voir
Et qui ne vaut pas davantage,

C'est tout le compte, & puis bon foir.
Vous me direz, c'eft peu de chofe,
Mais on fe fauve comme on peut,
Et n'a pas quoiqu'on fe propose,
Des Dames de Beaune qui veut.
Malgré cela le tems se passe,
Je ne puis vous dire comment,
Mais toûjours fort joyeusement
Dont au Seigneur nous rendons grace.
La nuit on dort tranquillement,

Le jour on rit modeftement,

On chante, on lit, ou l'on converse,

Permis de dire en converfant

Tout ce qui vient à la traverse;
Et voilà comme on fait bon fang.
Avec cela bon vin en perce,
Du Bourguignon, du Champenois,
Soit l'un, foit l'autre à nôtre choix
Dans nos verres bien frais fe verfe.
Si du gibier vous faites cas,
Sçachez que nous n'en manquons pas
Perdreaux & Lapereaux à leur fuite

Viennent chez-nous en bon état,
Et tournent fur la lichefrite,

Le tout fans bruit & fans éclat ;

Mais grace à qui d'un fi bon plat ?
A Dieu d'abord, & puis enfuite
Au Garennier de Belesbar.

Franchement c'est un galant homme,
Qui vous fçait faire Echet & mat
Le gibier le plus délicat

Qu'on trouve d'ici jufqu'à Rome,

Quand il vient felon nôtre pact
En Garennier fidele, exact,

Portant fur fon cheval de fomme
Maints Petits pieds, d'un fin carat,
Il eft digne qu'on le renonme,
Et nous crions alors Vivat

Le Garennier de Belesbat.

Mais quand par un deftin contraire Il vient à vuide, ou ne vient pas, Chofe

pour nous peu falutaire,

On lui dit injures à tas,

On le traite de miferable,

On le nomme faquin, goujar,

Gibier de gibet tout à plat,

Qui des plus grands crimes capable,

Le cœur plus noir que fon rabat,
Sent le fagot, vient du fabat:
Enfin le plus modeste à table
Dans fa fureur envoye au Diable

Le Garennier de Belesbat.

Nous aurions tort de nous en plaindre

Tout le monde en est satisfait,
Et pour un Garennier parfait,
Je puis ici vous le dépeindre,

Il a des talents en effet

Où nul autre ne peut atteindre:
Qu'il poursuive comme il a fait,
Nous le ferons boire au buffet,
C'est tout le mal qu'il ait à craindre.
Croyez-en ce que vous voudrez,
Nous fommes gens fort moderez
Et nous avons l'ame fi bonne,

Que quand nous fommes bien leftez,

Bien abbreuvez, bien appâtez,

Nous ne voulons mal à personue.

Pour Vous, nous vous voulons tout bien,

Helas! que n'êtes-vous des nôtres,

Vous ne fçauriez y gâter rien;

Nos Hermites dans l'entretien

Le difent tout comme les autres

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