Mais il me fâche, à vous le dire net;
De n'opiner toûjours que du bonnet ; Sur ces propos, dont j'ai l'ame attendrie,
En vain j'admire, en vain je me récrie, Je fuis honteux, & pris au dépourvû Quand on me dit: Hé bien, l'avez-vous vû ? Et puis, d'ailleurs, bien que
Soit à furfaire affez accoûtumée,
Je crains toûjours, PRINCE, qu'elle n'en ait Dit & cité bien moins qu'elle n'en fçait.
Elle a beau faire & nous vanter fon zele, Je l'ai surprise à n'être pas fidelle; L'éprouverez peut-être quelque jour Mais à LOUIS elle a joué le tour. Quand de fes faits éclatante interprete En fa faveur elle enfloit la trompette, Vous euffiez dit au feul ton de fa voix Qu'elle flattoit comme on flatte les Rois ; Mais l'Etranger qu'elle attiroit en France, Voyant de près LOUIS & fa puiffance, De fa grandeur furpris & tranfporté, Loin de trouver l'éloge trop flaté, Trouvoit, ainfi que l'avoûra l'Histoire, La Renommée au deffous de fa gloire.
De Vous auffi, PRINCE, quoiqu'en petit,
Elle pourroit en avoir trop peu dit ;
Au bruit public mille chofes échapent,
Qui fous les yeux charment, faififfent, frapent; C'est un fourire, un air de tête, un rien,
Mais tout cela porte coup & peint bien: Quand on commence ainsi que vous le faites, Quand on eft fait, PRINCE, comme vous l'êtes, Quelques couleurs qu'on donne à vos portraits, Il n'eft rien tel que d'être vû de près.
PIECES CRITIQUES.
1. Lavalife du Poëte, ou caprice au voyage de Lucienue proche de Marly.
Lefaistot jours de grands projets
Orfque je parts pour la campagne, fais toûjours de grands projets :
Poëtes font affez fujets
A bâtir châteaux en Espagne,
Et bâtiffent à peu de frais.
Pour moi d'abord je me figure, Que quand je verrai des forêts, Des colines, de la verdure, Et que j'entendrai le murmure Des ruiffeaux qui dans les Guerets, Vont promener leur onde pure,
Les vers ne tariront jamais.
Pourrai-je voir une fontaine Entre des cailloux ruiffeler, Sans m'imaginer que ma veine S'en va tout de même couler? Cherchant des routes inconnues, J'irai me perdre dans les bois, L'Eco doit répondre à ma voix Et la renvoyer dans les nües, Sans qu'il foit befoin d'implorer Apollon, ni fes neuf compagnes, Dans les bois & dans les ca mpagnes, La moindre fleur va m'inspirer. Ainfi je garnis ma valise
De plumes, d'encre, & de papier; Fort pen de livres & de mise, Que j'ai grand foin de bien trier. Chacun a fon goût, mais Horace, Par droit, ou par entêtement, Tient chez moi la premiere place. Peutêtre les rangs au Parnasse, Se trouvent reglez autrement; Mais quoiqu'on dife, & quoiqu'on fasse, Je lui donne, fans compliment,
Le premier lieu dans mon bagage;
Et fur cela point de langage,
Je prétends qu'il ait son étui ; C'est mon compagnon de voyage, Et je ne marche qu'avec lui. Quand je lui donne compagnie Terence en date eft le premier ; Avec ces deux, fans m'ennuyer, Je pafferois toute ma vie.'
Mais à ces mots j'entends crier, Hé quoi donc, l'élegant Catulle, Le fier & pompeux Juvenal, Le tendre & délicat Tibulle; Properce, Ovide & Martial, Sont-ils gens à traiter fi mal? Si je comprends vôtre visée, On laiffera pour la prisée Virgile qui n'eut point d'égal. Oh! fçachez que fur le Permeffe Vôtre Horace avec fa fineffe N'eft tout au plus que fon vaffal. Apollon apprendra la chose Le crime eft grand &'capital, Et je vais fur le champ, pour En dreffer mon procès verbal. Je crains quiconque verbalife
Et n'aime point les différens : Le grand Phoebus peut à fa guise, Et fans que je m'en formalife, Sur l'Hélicon regler les rangs ; Mais à même droit je prétends Les regler, moi, dans ma valise, Apollon n'a que voir dedans. Que s'il falloit entrer en compte, Et plaider à fon tribunal,
Peutêtre vôtre Juvenal
N'en fortiroit-il qu'à sa honte. On fçait que c'eft un vieux bourru Dont l'âpre & bouillante colere, Quand une fois il eft feru, Ne feroit pas grace à son pere. Avec fon ton aigre & mordant ; Ses bruyants éclats de paroles, Son air magiftral & pedant, Ses emphases, fes hyperboles, Si l'on m'en croit, mon avis eft, Qu'on l'envoye établir fon siege Aux Sauromates s'il lui plaît, Ou, s'il l'aime mieux, aux College, Car pour parler net fur ce point Dans ma valife on n'en veut point,
« AnteriorContinuar » |