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ge: depuis la gageure faite, cette Dame fi bien née & fi fage ne pouvoit plus traverser la cour fans jetter en passant quelque œillade à la dérobée fur la mare; & toutes les fois qu'elle fortoit du bain, il lui prenoit une demangeaison violente de s'y aller rafraîchir. Enfin un jour ne pouvant plus y rẻfifter, elle dit à fa femme de chambre: Non, je n'y tiens plus, & fi je n'entre dans la mare, il faut que j'en meure. En difant cela elle retrouffe fes jupes, & après avoir regardé tout à l'entour fi on ne l'observoit point, lorfqu'elle crût n'être vûë de perfonne, elle entra dans la mare jusqu'aux genoux avec fa femme de chambre, & y patrouillant de côté & d'autre, elle fatisfit pleinement fon envie. Le mary le fçût auffi-tôt, & ravi du fuccès de fon épreuve, il vint où étoit fa femme, & lui dit en l'abordant: Eh bien, Madame, avez-vous pris le bain aujourd'huy? Oüy, répondit-elle: Dans la mare, ajoûta-t-il, ou dans la cuve? Elle rougit à ces mots voyant bien que fon mary étoit inftruit. Oh, oh! reprit-il, & qu'eft donc deve

nuë

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nuë votre résolution,votre complaifance pour moi, & cet empire fur vous-même dont vous vous vantiez fi fort? Mise à une épreuve moins capable de tenter que ne le fut la pomme d'Eve, vous réfiftez plus foiblement, & fuccombez plus groffierement? Allons il faut payer, puifque vous avez perdu. La Dame n'ayant pas dequoy fatisfaire, le mary faifit la garderobe, & partageant fes beaux habits à differentes perfonnes, la laissa pendant quelque temps dans l'inquiétude & dans la peine, pour lui faire expier sa faute.

Comme j'étois aux dernieres feuilles de mon Edition, je reçûs la Lettre fuivante de la même personne qui m'avoit écrit les précedentes. Je fus d'abord alarmé de la nouvelle qu'elle me mandoit du nouveau Recueil de Poëfies qui commençoit à paroître, & où l'on avoit fait entrer quelques-unes de celles qui compofent ce volume-cy; mais l'expofé qu'il me faifoit en même temps de la ma niere dont on les avoit défigurées, me› raffura tout à fait: de forte que cet incident, à quoy je ne m'attendois pas, loin

de

de me faire regretter les avances que j'avois faites, ne fervit qu'à m'animer davantage à achever au plutôt mon impreffion. Car je crus être en droit de conclure deux chofes de tout ce qu'on m'écrivoit, la premiere, que puifqu'on avoit fait entrer dans le nouveau Recueil une partie des pieces qui compofent celui-cy, il falloit qu'elles fuffent autant en réputation que mon Ami me l'avoit mandé; & qu'ainfi je ne rifquois rien en les donnant au Public. La feconde, qu'étant défigurées au point qu'on me marquoit qu'elles l'étoient dans ce nouveau Recüeil, mon Edition où on les trouveroit & plus completes & plus correctes, viendroit encore à temps & n'en fouffriroit en rien, c'eft ce que me donna lieu de juger la Lettre dont je parle, & que je rapporte icy pour la fatisfaction du Lecteur, qu'elle mettra mieux au fait que tout ce que je pourrois dire.

A Paris ce 13. de May 1715.

E vais vous allarmer, Monfieur, par la

Fnouvelle que j'ay à vous apprendre, & que je fuis bien-aife pourtant d'être le premier à

vous mander. Il paroit icy depuis trois jours un nouveau Recueil de Poëfies imprimé à la Haye, ou fey difant tel, fous le titre de Nouveau choix de Pieces de Poëfie, chez Henry Van Bulderen, &c. en deux volumes in-12. mais deux volumes pourtant qu'on pourroit abfolument mettre en un, qui ne feroit gueres que 500 pages. Vous me direz: en quoy cela m'intereffe-t-il? Donnezvous un peu de patience & je vais vous l'apprendre. C'est que dans ce Nouveau choix on a fait entrer plufieurs des pieces qui doivent compofer votre Recücil, & qu'ainfi vous êtes prévenu du moins en partie; & pour ne vous rien diffimuler, j'ajoûteray que le tout va bien à un tiers des pieces que vous avez Je m'attends que vous allez bien gronder contre moy de vous avoir engagé à cette impreffion; &moy je gronderay contre vous d'avoir tant tardé à executer ce que je vous confeillois, & d'avoir donné à d'au tres le loifir de vous prévenir. Si vous aviez fait la chofe dès l'année paßée, comme je

preffois, vous vous feriez épargné ce chagrin, mais cependant comme il y a remede à tout, fors à la mort, ne vous defefperez pas pour cet accident, qui au bout du

compte

ne

ne fe trouve pas auffi facheux pour vous, que vous l'aurez crû d'abord ; car je fuis bien-aife de vous raffurer un peu après vous avoir effrayé. Il est bien vrai qu'on a inferé dans ce Nouveau choix plufieurs des pieces que vous imprimez; mais foit qu'on ait eu de mauvaises copies, foit que l'Auteur du Recüeil ait jugé à propos de faire de fon chef des changemens & des retranchemens dans ces pieces, foit tous les deux enfemble; je les ay trouvées tellement alterées, eftropiées & défigurées dans ce Recueil, que je ne les y ay point reconnuës, & que l'Auteur lui-même aura de la peine à s'y reconnoître. Premierement, il n'y en a point où il ne fe trouve un tres-grand nombre de fautes, je ne dis pas de ces fautes d'impreffion aufquelles un Lecteur intelligent peut fuppléer par lui-même ; mais de celles qui font tort au fens, & qui rendent inintelligible l'endroit où elles fe rencontrent, comme il arrive fur-tout quand un vers entier eft oublié. Je ne vous en apporte qu'un exemple pour vous rendre la chofe plus fenfible, & cet exemple fera tiré de l'Horofcope, la premiere des pieces qu'on a mifes dans le Nouveau choix page 103. Voici quatre vers de la page 108.

Le

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