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XXXI.

Les François

l'empereur, qui obligeroient l'armée Venitienne à faire AN.1509. diverfion; mais fa majefté ne défera point à ces confeils, & réfoluë de profiter de l'ardeur qui paroiffoit dans fes foldats, elle alla attaquer Rivolta le douziéme de Mai, & l'emporta d'affaut, elle marcha enfuite vers Vaila, pour ôter aux ennemis la communication avec Cremone. L'Alvianne voulut prévenir cette marche en occupant ce pofte, ce qu'il pouvoit faire aifément; mais pendant que fon arriere-garde étoit entre Vaila &Agna& les Venitiens del, l'avant-garde Françoife tomba fur elle. Chaumont & Trivulce la commandoient, & ne furent pas fuperieurs: Les Suiffes furent rompus, & la cavalerie FranBrantom éloge coife fut affez mal menée par l'infanterie Venitienne. Le roi arrivé fur ces entrefaites avec le corps de bataille & l'arriere-garde, rallia les Suiffes, emporta une digue où les ennemis avoient fait à la hâte quelques batteries, avec de l'infanterie qu'ils y avoient poftée; & les Gafcons qui paroiffoient rebutez, firent un effort qui les rendit en un moment maîtres du terrain fi long-tems difputé.

commencent la

bataille d'Ag

nadel.

Guicciard.l.8.

de Louis XII.

Ce combat ainfi commencé infenfiblement, devint genéral on fe battit des deux côtez avec fureur, & la victoire fut long-tems douteufe: on ne diftinguoit plus le lâche du brave, le fage du téméraire; l'infanterie Italienne étant tombée fur l'infanterie Françoise la chargea avec tant de bravoure, qu'elle la fit d'abord plier,& ga-, gna fur elle du terrain. Ce petit avantage fembloit prolong-tems dou- mettre la victoire aux Venitiens; les bataillons Italiens & François étoient mêlez: tout étoit confondu, & l'on ne fe reconnoiffoit prefque plus. Mais fouvent & furtout à la guerre les plus petits incidens caufent de foudaines révolutions,& mettent la victoire entre les mains de celui qui fe croyoit perdu. L'artillerie Françoife qu'on

XXXII

La victoire eft

teufe.

Mariana, l.29.

n. 81.

AN. 1509.

XXXIII.

Les François remportent la victoire.

avoit placée entre des broffailles qui en déroboient la vûë aux ennemis, fut fi bien fervie, & fit un feu fi terrible, qu'elle éclaircit fort les rangs des bataillons Venitiens qui n'avoient pas songé à fe précautionner contre une attaque à laquelle ils ne s'attendoient pas, & qu'elle les mît tous en defordre. La cavalerie Françoife qui n'avoit point encore combattu, profitant de la confufion où étoient les ennemis, fondit fur eux de toutes parts avec tant de furie, que les ayant enfoncez, ils ne penferent plus qu'à prendre la fuite, après avoir laiffé un grand nombre de morts fur la place. Comme la cavalerie ennemie ne tint pas, elle ne perdit pas beaucoup de monde; mais le carnage de fon infanterie fut très-grand, & huit mille de fes foldats, felon Guichardin, demeu- Guicelard, 1. 8. rerent fur le champ de bataille. Toute l'artillerie des Venitiens & tout leur bagage furent pris, leurs officiers les plus braves tuez ou faits prifonniers; les François ne perdirent pas plus de cinq cens hommes, fans aucune perfonne de marque, encore quelques hiftoriens diminuent beaucoup ce nombre en le réduifant à deux cens. Enfin le comte de Perigliano fe fauva, & l'Alviannè abbatu de fon cheval d'un coup de lance dont il eut l'œil crevé, fut fait prifonnier.

Tel fut le fuccès de cette fameufe action connuë par les Italiens & les Efpagnols fous le nom de Ghiara d'Adda, & que les François appellent la bataille d'Agnadel, parce qu'elle fe donna proche le village de ce nom, le quatorziéme de Mai 1509. Dès que Louis XII. fe vit vainqueur, il defcendit de cheval, rendit fes actions de graces au Dieu des armées, & fit quelque tems après bâtir au même endroit une chapelle à l'honneur de la fainte Vierge fous le nom de fainte Marie de la Victoire ; & ce

Card. Conta ren. de rep. l. s.

XXXIV.

Louis XII. fait bâtir une chavocation de la

pelle fous l'in

fainte Vierge, en actions de graces de cette: victoire..

Brantom. eloge

de Louis XII.

Louis XII. to. v.

Mezerai abreg.

P. 164.

trophée fi convenable à un roi très-chrétien subsiste enAN.1509 core aujourd'hui. Brantome remarque que ce prince ayant poursuivi les fuyards jufqu'à la Chafoufine d'où De il contemploit à fon aise la ville de Venife, fit brain 4. P. 280. quer fix coulevrines, & tirer cinq ou fix cens volées de chronol. tom. 4. canon à coup perdu. Ce qui répandit une fi grande confternation dans tout l'état de Venife, que la république affoiblie par la perte qu'elle venoit de faire,perdit prefque tout ce qu'elle poffedoit. En dix-fept jours fa majefté très-chrétienne recouvra toutes les villes dépendantes du duché de Milan, qui vinrent implorer la clémenIl ferend mat- ce du prince, en lui offrant leurs clefs. Creme, Crémoplaces du duché ne, Bergame, Breffe, & Cravaggio, qui devoient être cedées au roi par le traité de Cambray, n'attendirent pas qu'on vînt les fommer, & les attaquer; elles ouvrirent Ciacon. in Jul. leurs portes aux François. Piccighiton se rendit à la premiere fommation. Pefchiera fut emportée d'affaut après douze jours de fiege, la garnison paffée au fil de l'épée, pour se venger de ce que les ennemis avoient fait à Treviglio.

XXXV.

tre de toutes les

de Milan.

Seyßel bift. de

Louis XII.

11. tom. 3. P.

224

XXXVI. Progrès des

troupes du pape

gnc.

n.82.

Guicciard. 1. 8. de Cambray,

Hift. de la ligue

Les pertes des Venitiens ne se bornerent pas là. Les troupes de Jules II. qui étoient entrées dans la Romagne dans la Roma- au nombre de douze mille hommes commandez par le Mariana L 29 cardinal de Pavie, par Francois-Marie de la Rovere fon neveu, devenu duc d'Urbin après la mort de Guy Ubal-: de fon oncle maternel, & par le duc de Ferrare,faifoient de leur côté des progrez considerables. Le nouveau duc d'Urbin s'étant mis en campagne attaqua les places dont les Venitiens s'étoient emparez;surprit d'abord Solarolo qui dépend de Faënza, leur enleva Faënza même, &, comme un torrent rapide, fe rendit maître de Rimiņi, de Ravenne, de Cervia, les plus confiderables places de

p. 132. t. I.

la

la Romagne; chaffa les Venitiens de toutes celles qu'ils avoient ufurpées fur l'églife, & les réunit au faint fiege. Ainfi le pape fe vit au comble de fes defirs, & n'avoit plus rien à prétendre fe trouvant en possession de tous les anciens domaines du faint siege démembrez depuis long-tems. Le duc de Ferrare qui commandoit en qualité de grand gonfalonnier de l'église, enleva à son profit le Polefin de Rovigo entre l'Adige & le Tanar dont les Venitiens joüiffoient depuis plufieurs années.Le marquis de Mantoue s'empara d'Afola & de Lunato, que la république avoit ufurpées fur Jean-François de Gonzague fon bifayeul. L'évêque de Trente chaffa les Venitiens de plufieurs châteaux qu'ils occupoient dans le

Trentin.

Le vice-roi de Naples,homme très-indolent,avec fort peu de génie pour les affaires, ne laiffa pas d'affembler une armée fur la fin de Mai,& de la faire marcher dans la Pouille pour reprendre les places que les Venitiens retenoient contre la foi des traitez. Il mit d'abord le siege devant Trani, dont il efperoit bien-tôt fe rendre maître par le moyen des intelligences fecretes qu'il entretenoit avec quelques-uns de fes habitans. Mais la république étoit fi confternée d'une révolution fi fubite & fi genérale, qu'elle prévint toutes les mesures qu'on prenoit; & que defefperant de pouvoir rien conferver dans l'état de Terre-ferme, elle abandonna ce riche pays déja ouvert de toutes parts. Ses officiers reçurent ordre de mettre en liberté toutes les villes, & de leur rendre le ferment de fidelité fait à Saint-Marc; elle envoya des ordres fecrets & trés-formels aux gouverneurs de Brindes, d'Otrante, de Trani, de Mola, de Polignano,& de Monopoli, de ne faire aucune résistance, & de remettre Tome XXV.

D

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leurs places entre les mains des Efpagnols, réduite à fe refAN.1509. ferrer dans les ifles de fon golfe.

XXXVIII.

Maximilien

avec une

mée.

Raynald. ad

an. 1509. n. 2.

Enfin l'empereur étoit déja arrivé avec fon armée au L'empereur commencement de Juin jufqu'à fept lieuës d'Infpruck, vient en Italie à l'entrée des Alpes, dans la réfolution d'attaquer les Vear- nitiens du côté de Tirol.Le comte Chriftophle FrangiCiacon. in Jul. pani, & le duc de Brunfvick fes genéraux étant arrivez II. t. 3. p. 224 avec affez peu de troupes dans l'Iftrie, s'emparerent de Triefte fans coup ferir, & reprirent toutes les places du Frioul que fa majesté imperiale avoit perduës à l'occafion de fa derniere expedition contre les Venitiens.Dans une conjoncture fi fâcheufe la république ne perdit point courage. Dès qu'on fçut l'empereur arrivé à Efteran, le fénat refolut de lui envoyer des ambaffadeurs pour l'appaifer, & lui demander la paix aux conditions qu'il vouMariana, 1.29. droit lui-même impofer. Ils firent les mêmes démarches

Surit. lib. &. cap. 26.

2. 83.

envers le pape,& Ferdinand roi d'Arragon. Antoine Juftiniani fut député vers l'empereur: Il fut charge de presenter à fa majefté imperiale un blanc- fignée de tous les fénateurs, qu'elle pourroit remplir de ce qu'elle jugeroit à propos, pourvû qu'elle voulût conferver des malheureux qui imploroient fa clémence, & prendre en fa protection une ville qui feroit uniquement redevable de fon falut & de fa liberté à la bonté & à la générofité de fa majefté imperiale. Le difcours qu'on veut qu'il ait fait Joan. Bapt. en cette occafion, & qui fe lit dans Guichardin,eft trop Pet. Juftiniani, curieux pour n'être pas ici rapporté, quoiqu'il foit révoqué en doute par les historiens Venitiens, qui traitent Guichardin de calominateur & de vifionaire, & qui employent beaucoup de raisons pour mettre la fuppofition de cet autheur Italien en évidence.

Leoni

lib. 112.

Spond. boc an.

1. 4°

XXXIX.

Difcours de Ju-Juftiniani, après avoir tâché de flechir l'empereur par

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